Le « grand tapis roulant océanique mondial » ralentit plus vite encore à mesure que les glaciers fondent. Une nouvelle étude, publiée lundi 18 novembre, dans la revue Nature Geoscience, révèle que l’Amoc – ce vaste réseau de courants océaniques qui transporte en continu l’eau à travers les océans du monde –, ralentit de manière préoccupante et pourrait s’effondrer plus rapidement que prévu, notamment du fait de l’eau issue de la fonte des glaces. Ce courant est pourtant un élément crucial de régulation du climat.
Une nouvelle modélisation est, en effet, parvenue à reproduire les changements observés sur l’Amoc en prenant en compte l’eau de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland et des glaciers canadiens, expliquent les deux auteurs de l’étude, chercheurs à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie).
L’Amoc, « principal moteur du transport de chaleur vers le Nord de l’océan Atlantique » , joue un rôle essentiel dans le contrôle du climat et des écosystèmes marins. Or, en 2023, déjà, le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) avait exprimé un « niveau de confiance moyen » dans le fait que l’Amoc « ne s’effondrera pas avant 2100 ».
Plus récemment, en octobre dernier, une quarantaine de chercheurs internationaux ont exprimé leur inquiétude. Dans une lettre ouverte aux dirigeants du Conseil nordique, ils ont estimé que le risque était probablement sous-estimé par le Giec et suggéré que le franchissement de ce point de basculement est une possibilité sérieuse dès les prochaines décennies. Un positionnement qui rejoint celui défendu un an plus tôt par une étude de l’Université de Copenhague publiée dans la revue Nature, et qui estimait que la probabilité que l’arrêt du courant circulaire de l’Atlantique prenne fin entre 2025 et 2090 s’établissait à 95 %.
Comme le précise cependant Sabrina Speich, professeure au département de géosciences de l’École Nationale Supérieure de Paris, il est important de bien lire le conditionnel dans l’horizon avancé par les études. « On sait que la fonte des glaces a un impact, mais on ne sait pas en combien de temps cela pourrait ralentir ces courants [océaniques], car cela dépend notamment de la vitesse à laquelle va fondre cette calotte glaciaire ».
Un affaiblissement de 30 % d’ici à 2040 (et non plus 2060)
Alors que la Terre s’est déjà réchauffée de 1,5 °C depuis la révolution industrielle, et que le rythme de ce réchauffement climatique a été près de quatre fois plus rapide dans l’Arctique au cours des dernières décennies, la fonte de la banquise arctique, des glaciers et de la calotte glaciaire du Groenland s’accélèrent.
Les auteurs de l’étude australienne rappellent que le Groenland a déjà perdu 5 900 milliards de tonnes de glace depuis 2022. Une eau douce – plus légère que l’eau salée de la mer – qui s’écoule dans l’océan subarctique (en dessous de la zone Arctique, au Sud du cercle polaire) mais descend en moindre quantité dans les profondeurs océaniques, avec pour conséquence la réduction du flux des eaux profondes et froides de l’Atlantique vers le Sud. Principale voie de retour vers le Nord des eaux chaudes de surface, le Gulf Stream s’en trouve lui aussi affaibli.
« Nos nouvelles recherches démontrent que l’eau de fonte de la calotte glaciaire du Groenland et des glaciers de l’Arctique au Canada est la pièce manquante du puzzle climatique », expliquent les chercheurs.
Source : France 24