Cela n’a rien d’anodin. Depuis vendredi, les Mauriciens assistent en direct aux débats parlementaires sur l’amendement constitutionnel. Cela permet enfin au grand public de découvrir nos députés dans leur milieu naturel. Certes, on n’en est pas encore à diffuser en direct les Private Notice Questions, le Prime minister’s Question Time et les Parliamentary Questions. Car c’est durant ces moments-là que les dérapages des uns, l’incompétence des autres ou la pugnacité de certains sont constatables.

Il faut néanmoins admettre que depuis vendredi, il nous est donné de voir en live autre chose que le barbant discours du budget annuel ponctué par les folkloriques « tap latab » et le chahut bon enfant. A bien y voir, la retransmission en direct des débats sur l’amendement constitutionnel est riche d’enseignements.

Premier fait marquant : dans de nombreux cas, les téléspectateurs ne connaissent pas les députés de l’Assemblée nationale. Vu les nombreux « ki sann la sa? » échangés lors des discours. Deuxièmement, les spectateurs demeurent les meilleurs arbitres de la qualité des interventions. Si celle de Pravind Jugnauth est vite qualifiée de fouillis, les propos de Cehl Meeah sont eux jugés irresponsables, ceux d’Aurore Perraud hors sujet. Tandis que le ton conciliant de Paul Bérenger lui vaut immédiatement le qualificatif « d’opposant loyal ». Parallèlement, les accents républicains de Nicolas Von Mally et de Francisco François sont appréciés. La détermination de transformer son discours en hommage à « la Gloire de mon (grand) Père » de Shakeel Mohamed l’est moins. Même si les talents d’orateur de ce dernier ne font aucun doute.

Troisièmement, vient la question évidente : « Pourquoi est-ce qu’on ne retransmet pas plus souvent ainsi les travaux parlementaires ? » demandent les non-avertis. Pour le moment, c’est la radio télévision nationale qui a la charge de filmer les débats et de les diffuser. Cela se fait toutefois en différé et à travers des montages que conteste régulièrement – et avec force – l’opposition, loyale ou pas.

ION News et le groupe Le Défi ont tous deux récemment officiellement demandé la permission au Speaker de l’Assemblée nationale de filmer les débats parlementaires. Cette requête a été refusée. Fondamentalement, nous n’y voyons rien de vraiment choquant. Il est un fait qu’à travers le monde, les travaux des Parlements sont filmés par des diffuseurs attitrés. Leurs fonctions et responsabilités font d’ailleurs l’objet de passionnants colloques internationaux.

Toutefois, dans de nombreux cas, ces diffuseurs désignés ont également pour mission de permettre à d’autres médias de proposer à leurs audiences respectives les images des travaux parlementaires. Pour l’heure, ce type de partage n’est possible à Maurice qu’à travers le jeu des relations personnelles. Or, il convient de formaliser les modalités du partage.

L’Assemblée nationale est un lieu plus exigu qu’on ne le croit. Il est effectivement difficile d’y caser les équipes de tournages de 3 ou 4 diffuseurs différents. Toutefois, dans sa mission de service public, il est envisageable que la MBC puisse proposer aux autres médias électroniques, mais aussi aux radios du pays, ses enregistrements. Soit gratuitement, soit moyennant un « service fee » minimal. Certes, chaque diffuseur pourra être tenu de se plier à un cahier des charges élaboré par le Parlement afin de respecter les notions d’égalité de temps de parole, d’équité et, plus généralement, le décorum de l’hémicycle. Reste désormais que cette idée fasse son chemin.

La démocratie, c’est également la possibilité, donnée aux plus grand nombre, de constater de visu le travail de leurs élus. La retransmission en direct des débats sur l’amendement constitutionnel est un pas dans cette direction. Vivement que ce pas-là soit suivi d’autres.

 

 

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