Les manifestations contre le gouvernement, les critiques contre le Premier ministre, Pravind Jugnauth, ou encore la concrétisation d’une éventuelle alliance des partis de l’opposition. Autant de sujets abordés par le ministre des Infrastructures publiques, Bobby Hurreeram, qui est le premier membre du gouvernement à reconnaître que certaines revendications de ceux ayant manifesté les 29 août et 12 septembre à Port-Louis et Mahébourg respectivement.

Vous vous retrouvez au sein d’un ministère qui a été scindé en deux étant donné que le portefeuille du Metro Express a été alloué à Alan Ganoo. Êtes-vous soulagé de ne pas avoir hérité du Metro Express ?
Il n’est pas question d’être soulagé ou pas. Je pense que le Metro Express représente un challenge intéressant, au même titre que les dossiers qui m’ont été confiés. J’estime cependant que la décision a été sage de regrouper tout ce qui relève du transport terrestre sous un même toit. Il ne faut pas cependant minimiser l’importance des autres projets tels que le Road Decongestion Programme, ou nos 70 projets de drains dans des zones à risque, qui sont tout aussi importants pour l’avenir du pays.

N’est-ce pas un manque de confiance en vous que de vous avoir enlevé le portefeuille du Metro Express pour le refiler à Alan Ganoo qui vient tout juste de débarquer ?
Pas du tout. D’abord, il y a plusieurs ministères auxquels on a enlevé un portefeuille ou en attribué un nouveau pour rendre plus souple leur fonctionnement. Et aussi, le Premier ministre m’a confié la National Development Unit (NDU), une division clé qui était jusqu’à tout récemment, sous sa responsabilité. Alors, je crois que s’agissant de la confiance placée par le Premier ministre en moi, la question ne se pose même pas.

Comment avez-vous accueilli la décision de vous confier la responsabilité du No 12 au détriment du Die Hard Mahen Jhugroo ?
Mahen Jhugroo est un vrai soldat MSM qui n’a pas hésité une seule seconde à bouger au No. 15 quand le Premier ministre le lui a demandé. Il ne faut pas oublier qu’il avait auparavant été élu au No. 4, avant de bouger au numéro 12. La circonscription Mahébourg/Plaine-Magnien est une circonscription fantastique et ses habitants ont été très accueillants depuis le début. C’est une circonscription clé dans une joute électorale et c’est avec beaucoup d’humilité que j’ai accepté cette responsabilité. C’est avant tout un travail d’équipe.

Bientôt un an que vous êtes ministre. Des regrets ?
Des regrets ? Pourquoi ?
Vous avez eu l’honneur de provoquer l’ire de milliers d’« insignifiants » (Ndlr : Il avait traité les manifestants d’« insignifiants »)…
(Rires) Ecoutez… D’abord je n’ai même pas fait de déclaration. Un journaliste que je connais très bien m’appelle un dimanche alors que je revenais à peine d’une série de fonctions dans ma circonscription et me demande ce que je pense de la foule de la veille à Port-Louis. Il s’attendait à ce que je lui dise quoi ? Pour moi c’est la question qui était insignifiante. Je lui ai simplement dit ce que je pensais sincèrement. Je n’ai pas de temps à perdre avec ce genre de chose. Il m’a pris au mot. La balle est partie. Tant pis. Je n’ai aucun regret.

Cela n’a fait que jeter de l’huile sur le feu. Des milliers de personnes sont ensuite descendues dans votre circonscription…
Si nous avions besoin d’une preuve que notre démocratie est bel et bien vivante, nous l’avons prouvé à travers l’organisation de ces deux manifestations. L’opposition a désespérément tenté de récupérer cette mouvance, étant incapable elle-même de mobiliser. Je reconnais cependant qu’une partie des manifestants étaient là pour des raisons justifiées.

Que voulez-vous dire par « justifiées » ?
Il faut mettre les choses en perspective. Le « lockdown » a forcé des centaines de milliers de Mauriciens à s’enfermer chez eux, à cause de la menace d’un ennemi, non seulement invisible, mais mortel. C’est une situation sans précédent. Il y avait plein d’incertitudes en ce qu’il s’agit de leur emploi, de leur avenir et de celui de leurs proches. Ces gens-là avaient besoin de s’exprimer. Et l’opportunité s’est présentée. Aujourd’hui personne ne critique la gestion de la Covid-19. Même l’opposition a abandonné.

Êtes-vous conscient que Pravind Jugnauth va entrer dans l’histoire comme le premier chef du gouvernement à avoir été conspué par des milliers de manifestants ?

Pravind Jugnauth est déjà entré dans l’histoire comme le seul Premier ministre à avoir présenté un projet de loi sur la réforme électorale à l’Assemblée nationale. Il a apporté la Negative Income Tax et le salaire minimum. Il a triplé la pension de vieillesse et a rendu l’éducation universitaire gratuite. Il est le seul Premier ministre à avoir accédé au pouvoir en remportant une joute à trois sans alliance post électorale. S’il devait s’arrêter pour répondre à chaque critique, le pays n’avancera jamais.

Le gouvernement ne semble pas accorder beaucoup d’attention aux cris de cœur de ces manifestants ? Le MSM souffre-t-il déjà de l’usure du pouvoir ?
Pas du tout. Mais il faut faire la différence entre les revendications réelles et justes, et celles motivées par des gens avides de revanche qui veulent à tout prix revenir au pouvoir par tous les moyens, quitte à mettre le pays à feu et à sang. Le MSM est là depuis 2014 certes, mais Pravind Jugnauth n’est Premier ministre que depuis 2017. Il s’est porté candidat au poste de Premier ministre pour la première fois en 2019 et a remporté haut la main ces élections.

Alors que nous vivons à l’ère des réseaux sociaux prenez-vous note des commentaires négatifs qui y fusent contre le gouvernement ?
Ceux qui ont voté pour ce gouvernement ne vont pas faire campagne sur Facebook jusqu’aux prochaines élections. Ils ne vont pas organiser des marches pacifiques pour défendre le bilan gouvernemental toutes les semaines. Ils ont fait confiance à Pravind Jugnauth un point c’est tout. Ils s’attendent à ce que le travail soit fait. Et c’est ce que nous sommes en train de faire. Les critiques il y en aura toujours. Mais une catégorie de Mauriciens qu’il ne faut jamais sous-estimer, c’est la masse silencieuse. Remarquez : ce sont toujours les mêmes têtes qui critiquent, parfois seulement pour le fait de critiquer. Ces gens-là ne sortent pas de chez eux, ne connaissent pas comment leur pays fonctionne. Ce sont pourtant les premiers qui vont venir vous dire que les élections ont été truquées. Parce que sur leur profil Facebook, tout le monde critique le gouvernement. Soyons sérieux !

L’opposition se dit déterminé à éjecter le MSM du pouvoir. Une éventuelle alliance de l’opposition est-elle une menace pour vous compte tenu que 63 % des électeurs ont voté pour l’opposition ?
Votre calcul est erroné. 37 % pour le gouvernement MSM/MP/Plateforme militante ne veut pas nécessairement dire que le reste a voté pour l’opposition. Il faut y enlever le taux d’abstention qui concerne tout le monde. Maintenant, le MMM, pour la petite histoire, se targuait, il n’y a pas si longtemps de cela, d’avoir 40 % de l’électorat. Qui n’est pas loin de 37 %. Le PTr aussi disait avoir 40 % des voix. Pourtant, quand ils se sont mis ensemble, au lieu des 80 % des suffrages, ils avaient pris une déculottée à 47-13. Pour revenir au MSM. En 2010, on disait que ce parti valait 4 %. En 2014, l’alliance MSM-PMSD-ML avait obtenu 49 % des voix aux suffrages universels. En 2019, dans une lutte à trois, face aux « soi-disant » grands partis avec des leaders historiques, Pravind Jugnauth et ses trois alliés, ont réuni 37 %. Moi je vous dis une chose : il est temps qu’ils accordent à Pravind Jugnauth le respect qu’il mérite. Il en va de leur survie politique. Si nos adversaires le sous-estiment à nouveau, ils risquent de disparaître de l’échiquier politique pour de bon.

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