Les attaques et lynchages verbaux que l’on retrouve massivement sur les réseaux sociaux ces derniers temps ne sont pas de simples dérapages. Ils font partie d’une ‘cancel culture’ locale qui consiste à menacer et injurier des personnes cibles pour essayer de les faire taire ou pour tenter de neutraliser leur parole qu’on estime dérangeante.

La ‘cancel culture’ est une pratique qui consiste à dénigrer et rabaisser une personne par des attaques verbales violentes et dégradantes. Ce lynchage verbal est dirigé contre des individus identifiés comme des cibles parce que leur parole ou leur position est perçue comme gênante. Un certain nombre de techniques est alors utilisé pour décrédibiliser la personne visée, pour essayer de la déstabiliser, l’empêcher de s’exprimer et/ou pour tenter d’enlever du poids à ce qu’elle dit.
Ces pratiquants de la ‘cancel culture’ sévissent rarement seuls, ils s’excitent et se soutiennent mutuellement dans leurs attaques. Un tel travail d’équipe montre que leur objectif dépasse la seule personne visée pour s’inscrire dans des agendas de déstabilisation politique bien étudiés et planifiés. Ainsi, plusieurs personnalités publiques ou politiques ont été les cibles de la ‘cancel culture’ locale ces derniers mois, d’une façon répétée qui relève du harcèlement criminel. Les attaquants se cachent souvent derrière des fake profiles qui se coordonnent. Ces trolls profitent notamment des fils de discussion qui suivent les émissions où s’expriment leurs cibles, pour polluer les débats en déversant des torrents d’insanités, d’injures et d’attaques personnelles.

Voici quelques-unes des techniques utilisées par les pyromanes pratiquants de la ‘cancel culture’ à Maurice et comment ils procèdent :

1. ATTAQUES RACISTES OU COMMUNALISTES : pour stigmatiser la personne sur la base de son identité ou son appartenance communautaire. Ce type d’insultes constitue un délit pénal au titre de l’article 282 du code pénal (‘stirring up racial hatred’).

2. ATTAQUES SEXISTES ET INJURES OU PROPOS VIOLENTS A CARACTERE SEXUEL: elles réduisent la femme ciblée à son aspect biologique pour l’intimider, la rabaisser voire la dégrader dans le but de lui nier le droit à la parole.

3. DEFORMATION DES PROPOS DE LA PERSONNE : faire dire à la personne ce qu’elle n’a pas dit, lui imputer des sentiments ou des intentions qu’elle n’a pas. Le but est de discréditer ses propos et de tenter de détourner l’attention.

4. DENIGRER ET INSULTER LA PERSONNE SUR LA BASE DE SES OPINIONS POLITIQUES : ce faisant, on cherche à empêcher le débat d’idées. A noter qu’il s’agit d’un délit pénal au titre de l’article 282 du code pénal qui interdit d’insulter ou de maltraiter quelqu’un sur la base de ses opinions politiques.

5. FAIRE PASSER POUR FOU/FOLLE : technique utilisée typiquement pour discréditer la parole de la personne et tenter de relativiser son importance.
Il y en a encore d’autres, une fois que l’on est averti de leur fonctionnement, il devient facile de les détecter, surtout avec leur charge de haine et d’intolérance. Ces attaques ne sont pas anecdotiques, elles relèvent souvent du délit criminel. En plus d’être dirigées pour nuire et même pour détruire les personnes visées, elles polluent et obscurcissent le débat démocratique en empêchant les citoyens de s’exprimer, de penser et de réfléchir librement.

La ‘cancel culture’ vise ainsi à faire obstacle au débat d’idées et à la liberté d’expression qui sont au fondement de la démocratie participative. Elle est plus qu’une forme de censure, car en cherchant à rabaisser et dénigrer des cibles, elle cherche aussi à décourager l’expression d’autres personnes qui auront à leur tour peur de s’exprimer et de subir le même traitement. A cet égard les techniques de la ‘cancel culture’ que l’on trouve à l’œuvre à Maurice en ce moment relèvent d’une forme de terrorisme psychologique et entendent instaurer une véritable dictature de la pensée unique.

Dr Catherine Boudet, analyste politique

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