Des milliards blanchis en pierres précieuses ?

Babul & Sons Fishing Company et Ocean Blue Fishing Co. Deux sociétés qui interpellent plus d’un. En cause, la saisie record de Rs 3,6 milliards de haschich et d’héroïne dans le Nord. Sa valeur marchande, équivalente à presque 0,7 % du PIB du pays, est certes une somme conséquente. Comment les deux frères Gurroby, arrêtés et interrogés par l’ICAC ce matin, ont pu payer une somme estimée à plusieurs millions pour se faire parvenir une cargaison aussi importante ?

De sources proches du dossier, les deux questions suivantes se posent ? Ce cartel opère-t-il sous forme de crédit ou une somme est payée d’avance pour la livraison ? Si l’octroi de plusieurs kilos de drogue se fait sous forme de crédit, il semblerait que ce cartel existe depuis plusieurs années et que ces transactions-échanges se font en toute confiance. A ce titre, quelle quantité de drogue a été vendue sur le territoire mauricien et qui en sont les principaux acheteurs ? Sur les ventes effectuées, c’est généralement en liquide que sont payés lesdits fournisseurs. Ainsi, les autres membres du cartel ont versé leur dû, mais probablement pas en utilisant le circuit bancaire, ce qui aurait laissé des ‘money trails’.

Ce qui ramène à la thèse de l’argent avancé dans l’éventualité que ce cartel doit payer un fournisseur d’un pays, pour être livré. Est-ce que les frères Gurroby ont une somme aussi conséquente pour payer leur fournisseur ? Les deux principales sociétés des Gurroby, en l’occurrence Babul & Sons Fishing Company et Ocean Blue Fishing Co livrent quelques éléments de réponse :

Babul & Sons Fishing Company
Cette société, sise à Grand-Baie, a pour actionnaire Ritesh Guroby avec 80 % des actions contre 20 % à SME Equity Fund, en forme de ‘redeemable preference shares’. SME Equity Fund aurait déboursé une somme de Rs 3 M à Ritesh Gurrobby. La société démontre un chiffre d’affaires de Rs 13,7 M à juin 2020 déposé au Registrar en décembre 2020. La perte encourue au cours de l’année financière est de Rs 1 M. Le ‘balance sheet’ démontre des actifs de Rs 7,5 M. Les ‘retained earnings’ de la société, quant à eux, démontrent une perte de Rs 2,2 M accumulées depuis 2009. Est-ce que l’Etat, soit le SME Equity Fund, a donc été remboursé ?

Il semble que ce même fonds a investi dans une deuxième société des Gurroby. Cette société incorporée en 2015, six ans après la première, a un chiffre d’affaires qui tourne autour de Rs 13,6 M. C’est Rachel Bianca Gurroby qui est l’actionnaire majoritaire du SME Equity Fund. SME Equity Fund aurait déboursé une somme de Rs 3,5 M à cette dernière. La perte encourue au cours de l’année financière est de Rs 2,12 M. Le ‘balance sheet’ démontre des actifs de Rs 4,8 M. Les ‘retained earnings’ de la société démontrent une perte de Rs 1,2 M accumulées depuis 2015.

Ces montants sont cependant trop maigres en comparaison aux milliards de drogues saisis. Soit d’autres sociétés avec des prête-noms sont impliquées ou les Gurroby sont de minces intermédiaires pour le compte de plus gros requins. Une thèse avancée avec insistance reste l’axe, pierres précieuses contre de la drogue, modèle de ‘barter’ à l’ancienne pour contrecarrer les institutions qui veillent au grain en cas de ‘money laundering’.

Selon des informations obtenues, cet axe serait devenu un mode de paiement pour les gros trafiquants. Rappelons, les pierres précieuses saisies à Congomah chez Dhaneshwar Sookalee, beau-frère de Nitesh Gurroby. Des pierres précieuses, des lingots d’argent et d’or, des pièces en or, entre autres, avaient été découverts dans un coffre qui appartenait à Nitesh Gurroby. Est-ce que c’était l’investissement qui sert à payer la drogue. Si oui, combien d’autres coffres y a-t-il dans la nature ? « Les bijoux passent quasiment inaperçus aux douanes. C’est pourquoi, c’est devenu un mode de paiement qu’utilisent les gros bonnets et chefs de la mafia », confie un haut gradé de la police, bien entendu, sous le couvert de l’anonymat.

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