Une alliance rouge-mauve ne pourra se faire sans sacrifice. Car il n’est pas seulement question de partage des pouvoirs entre les deux leaders, mais aussi des différents fauteuils à pourvoir au sein du nouveau gouvernement et ailleurs.
Le deal électoral
La répartition des tickets entre le PTr et le MMM s’effectue sur une base 50-50. Toutefois, c’est dans son quota de 30 tickets que Ramgoolam devra puiser s’il décide d’accommoder le PMSD (avec 2 tickets) et Ashock Jugnauth (1 ticket). La perspective de ne pas être à parité avec le MMM a fait tiquer le patron des travaillistes. Qui tergiverse en ce moment même pour savoir s’il abandonne ou non, en bordure de route, le PMSD et le renégat de la famille Jugnauth.
En tout cas, Paul Bérenger a fait savoir à Ramgoolam qu’il n’est pas contre la présence de Xavier Duval au sein du gouvernement. Laissant au leader du Parti travailliste le soin de trancher entre la nécessité d’obtenir le maximum de tickets et de récompenser la loyauté de ses deux petits alliés.
Le principe de la répartition 50-50 s’étend également aux nominations politiques et aux divers postes d’ambassadeurs. Bérenger et Ramgoolam sont d’accord sur cette question. Tout comme ils ont entériné le principe d’une grande « opération nettoyage » qui fera de très nombreuses victimes parmi les actuels nominés politiques du gouvernement.
L’entente de Ramgoolam et Bérenger s’est également étendue au choix du Deputy Prime minister (qui sera, de facto, le nouveau leader du PTr). Après avoir passé des années à faire de la place à des néo-convertis rouges, Arvin Boolell deviendra le numéro 2 du gouvernement rouge-mauve. La 3e étant occupé par Reza Uteem. Si le député de Port-Louis-Sud-Port-Louis-Central (no 2) a été, un temps, pressenti au poste de ministre des Finances, c’est finalement un autre candidat qui a toutes les chances de lui ravir la place. En effet, depuis plusieurs mois, le Premier ministre courtise assidûment Rama Sithanen pour que ce dernier revienne au ministère des Finances.
Si, en public, Paul Bérenger s’en est régulièrement pris à Sithanen, en privé, le leader du MMM admet que l’ancien ministre des Finances est le plus apte à diriger l’économie pendant ces temps troubles. Mais la situation n’est pas aussi simple. En effet, l’actuel PDG d’International Financial Services hésite encore à cause de considérations personnelles et familiales. Mais le Premier ministre semble déterminé à ramener son « ami » au bercail.
L’heure du sacrifice
La conclusion d’une alliance PTr-MMM ne signifie pas seulement une opération nettoyage au sein des corps paraétatiques, mais également dans les rangs du gouvernement et du Parti travailliste. Officiellement, Bérenger n’a pas transmis de « hit list » de ministres et députés à Ramgoolam. Le Premier ministre sait toutefois qu’un certain nombre de ses collaborateurs n’auront pas leur place dans la nouvelle configuration.
Cependant, les choses ne sont pas si évidentes. Car le leader des rouges jonglera avec une base et des cadres potentiellement très remontés d’être laissés sur la touche dans la course aux nominations, aux tickets ou aux maroquins ministériels. Le Premier ministre évite donc, en ce moment, d’ouvrir des brèches en déclarant ouvertement son plan d’action.
Un Arvin Boolell ne manquera ainsi pas de causer un certain émoi chez une partie de la population majoritaire qui estime que le poste de Premier ministre et donc de leader du PTr lui revient de facto.
Il faut ajouter à cela les partisans de ministres tels que Rashid Beebeejaun, Rajesh Jeetah, Mukeshwar Choonee, Tassarajen Chedumbrum Pillay ou encore Hervé Aimée qui ne manqueront pas de protester contre l’évincement de leurs champions. Les « pa tous nou DPM » ont ainsi déjà fleuri dans la circonscription no 2, fief de Beebeejaun.
Le Premier ministre a pris soin de ne rien annoncer à ses sacrifiés en puissance jusqu’ici. Ce n’est qu’au dernier moment que Ramgoolam devrait, en effet, appliquer la guillotine. Anil Bachoo, honni par l’opposition, ne sera toutefois pas parmi les guillotinés. En effet, Ramgoolam et Bérenger se sont entendus pour que l’homme fort de Flacq-Bon-Accueil (no 9) conserve un maroquin. Toutefois, les attributions de Bachoo seront réduites.
Après les élections : Ramgoolam président d’ici la fin de l’année
Les deux lois constitutionnelles devraient être les premiers textes débattus à l’Assemblée nationale dès les premiers jours de juillet. Ainsi, avec leur adoption et leur mise en application (notamment de la loi sur la IIe République), Ramgoolam devrait démissionner dans les deux à trois mois suivant l’élection du gouvernement et mettre le cap sur le Réduit. D’où Kailash Purryag aura démissionné pour lui céder la place.
Commencera alors un nouveau régime ni présidentiel, ni vraiment semi-présidentiel. Dans lequel les pouvoirs du Premier ministre seront dorénavant contrebalancés. Ramgoolam représentera l’Etat tout en influant, dans une certaine mesure, sur la politique gouvernementale. Tandis que Bérenger, onze ans après son accession au poste de Premier ministre, regagnera le Bâtiment du Trésor. Le scénario a été bien écrit et agréé.
Ce n’est pas une spéculation. C’est un plan. Mais ailleurs, aussi et surtout en politique, des macadams peuvent surgir et compromettre les plans pourtant parfaitement bien ficelés. Celui de Bérenger et de Ramgoolam semble toutefois bien parti pour réussir.
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