Dans le principe, l’alliance Parti travailliste-MMM est conclue. Elle devrait se présenter devant l’électorat le dimanche 22 juin lors d’élections générales anticipées. Si, en apparence, les événements se sont précipités depuis la semaine dernière, l’alliance était en gestation depuis plus de deux ans. Toutefois, ce sont les circonstances politiques actuelles – un PTr affaibli et un MMM conscient de sa position de force aussi bien face au MSM qu’à l’égard des rouges – qui rendent enfin possible ce mariage de raison.

Une question de timing

« We are almost home », s’est félicité Paul Bérenger, hier, devant les membres du bureau politique mauve. Pour ensuite avouer plus tard, aux journalistes présents à son point de presse, « qu’une heure de discussion » serait suffisante pour boucler ses négociations avec Navin Ramgoolam. Effectivement, les deux hommes ont quasiment tout bouclé. A commencer par le timing de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Elle sera rapide et interviendra dès la reprise des travaux parlementaires, le 13 mai, voire quelques jours plus tôt. Pour Paul Bérenger, il est hors de question que le MMM pose en tant qu’opposition loyale au Parlement durant une période floue où l’alliance PTr-MMM aura été conclue mais pas encore officialisée. Chez les mauves, on veut surtout éviter la situation dans laquelle le MSM s’était placé entre l’élection partielle de mars 2009 à Moka-Quartier-Militaire (n8) et la dissolution de l’Assemblée nationale un an plus tard.

Le timing de la dissolution et de la tenue des élections générales obéit aussi à des considérations religieuses. En effet, il est exclu que la campagne électorale se déroule durant le jeûne du Ramadan : celui-ci débutera le 28 ou le 29 juin pour prendre fin un mois plus tard. La participation « loyale » du MMM aux travaux parlementaires jusqu’à une dissolution intervenant durant les premiers jours d’août étant exclue, les élections anticipées auront lieu dans le délai minimum prescrit par la Representation of the People Act. Soit une trentaine de jours après la dissolution du Parlement. Les Mauriciens se rendront donc aux urnes le 22 juin, voire le dimanche précédent.

Contrairement à ce qu’on a pu croire, le projet de loi sur la réforme électorale, actuellement en préparation, pourrait être finalisé sans toutefois être présenté à l’Assemblée nationale. Il en va de même pour la réforme constitutionnelle rééquilibrant les pouvoirs du président et du Premier ministre. Ramgoolam et Bérenger l’ont évoqué au fil de leurs interventions publiques : les deux hommes souhaitent utiliser la campagne électorale pour expliquer aux électeurs les réformes proposées. Mais également utiliser leur élection ‑ un 60-0 en faveur d’une alliance PTr-MMM semble acquis ‑ pour conférer une légitimité populaire aux deux réformes proposées. Qu’ont exactement négocié Ramgoolam et Bérenger ?

Les contours de la réforme

Il y a d’abord la réforme électorale que Ramgoolam a voulu lier à un rééquilibrage entre des pouvoirs du Premier ministre et du président de la République. A ce sujet, Ramgoolam et Bérenger s’entendent sur à peu près tout, comme les deux hommes l’ont affirmé en plusieurs occasions. Si Ramgoolam a souhaité un seuil d’éligibilité à la proportionnelle de 10 %, Bérenger s’est dit favorable à 7,5 %. Finalement, c’est un seuil à 8 % qui réconcilie les deux partis.

Sur la question de la nomination de certains candidats après les élections pour « rééquilibrer » un éventuel débalancement ethnique, la raison a prévalu. Ainsi, la solution qui a été trouvée est l’élection de 14 députés à la proportionnelle. Puis, le choix de 6 députés par les leaders politiques à partir d’une deuxième liste de candidats. Ainsi, lors des élections générales de 2019, les électeurs seront appelés à voter pour 3 candidats par circonscription, puis à choisir une liste à partir de laquelle les leaders choisiront jusqu’à 6 autres candidats.

Au chapitre du rééquilibrage des pouvoirs Premier ministre-président, l’un des plus importants changements concerne la durée du mandat du chef d’Etat qui sera de 7 ans. Principe accepté par Bérenger. Si Ramgoolam avait souhaité que le président puisse présider la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, les deux hommes sont finalement (presque) tombés d’accord sur une solution alternative. Le président ne pourra intervenir au Conseil des ministres que dans des circonstances exceptionnelles. Par exemple, en préparation du vote de lois cruciales pour la démocratie ou lorsque des décisions gouvernementales importantes doivent être prises.

Durant les discussions, Paul Bérenger a également souhaité complémenter la réforme institutionnelle par d’autres avancées démocratiques. Ainsi, il est l’ardent défenseur de l’inscription de la « diversité audiovisuelle » dans la Constitution d’une IIRépublique. Navin Ramgoolam s’est montré plutôt réceptif aux propositions de Bérenger tout en questionnant leur applicabilité dans certains cas. Il a ainsi régulièrement consulté son conseiller juridique, Geoffrey Cox, sur la pertinence de tels amendements constitutionnels. Le Britannique était d’ailleurs récemment au pays pour prodiguer ses conseils au chef du gouvernement.

Les questions institutionnelles résolues, Ramgoolam et Bérenger ont pu se concentrer sur leur deal électoral.

[Retrouvez la deuxième partie de cet article à 17h45 sur ION News.]

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