Port-Louis conteste le « Mutual Evaluation Report » (MER) de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) pour dix-huit raisons distinctes car il projette une image déformée de l’île en tant que centre financier. Le premier point de discorde concerne l’affirmation des rédacteurs que Maurice n’a pas su faire évoluer sa législation avec l’environnement mondial relatif au blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme.

Dans les faits, ils ont tout faux. En 2009, une Cellule antiterroriste a été instituée et une série de lois a été adoptée pour combattre le blanchiment et le financement du terrorisme. L’Asset Recovery Act a été votée en 2011, une modification de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act s’est effectuée en 2012 alors que les codes de procédure de la Financial Services Commission et la Banque de Maurice ont été revus.

Depuis 2015, la Good Governance Integrity Reporting Act est en vigueur tandis que la Customs Act a été renforcée pour lutter contre le trafic de devises. C’est durant le même intervalle que la Prevention of Terrorism Act a été remise à niveau afin que les personnes parties faire le djihad puissent être traduits en justice. De nouveaux règlements ont également été adoptés sous la Convention pour répression du financement du terrorisme en 2017.

Deuxio : les rédacteurs pensent que les Mauriciens sont restés inactifs. « Il n’y a pas de compréhension commune des risques liés au blanchiment et le financement du terrorisme auquel le pays est confronté. L’exercice d’évaluation des risques a débuté au début de 2017 et était toujours en cours au moment de la visite sur place. Néanmoins, la majorité des agences ont identifié le trafic de drogue comme un crime générant des revenus importants. Les autorités mauriciennes ont identifié le secteur immobilier et le secteur du Global Business comme étant vulnérables », indiquent-ils.

L’hôtel du gouvernement annonce un dépoussiérage de la FIAMLA tout en rendant obligatoire la participation du secteur public et privé quant à l’exercice d’évaluation des risques. Sur le troisième point, le MER considère que la majorité des «designated non- financial businesses and professions» (DNFBPs) comprenaient peu ou pas du tout ces risques. A quoi Port-Louis répond qu’une campagne de conscientisation sera lancée par la Financial Intelligence Unit (FIU).

Il est reproché à Maurice, au quatrième point, de n’avoir pas évalué la vulnérabilité des organismes à but non-lucratif afin de déterminer lesquels, ou plutôt dans quelles catégories, ils sont exposés aux risques de financement du terrorisme. L’hôtel du gouvernement indique qu’il travaille sur un nouveau projet de loi pour l’enregistrement des associations. Dans l’intervalle, ces organismes sont invités à tenir un registre de leurs sources de financement et de la destination des fonds reçus. Un barème sera également prescrit pour un meilleur contrôle.

Une concentration importante des risques au sein des « Management Companies » et des dangers liés à d’éventuels conflits d’intérêt sont décriés par les rédacteurs du rapport au point n°5. Le gouvernement les renvoie au paragraphe 55 du discours du Budget qui annonce un nouveau cadre légal entourant le Global Business et les Management Companies. Au 6e point, ils comparent le nombre des «suspicious transaction reports» (STRs) signalés par les banques avec ceux, très bas, des sociétés financières et des DNFBPs.

Le gouvernement réplique que la FIU va fournir les STRs signalées par les «Management Companies» alors que tout ce qui a trait aux DNFBPs sont déjà traités au niveau des banques. Les avocats, comptables et autres qui travaillent avec ces derniers renvoient les autorités à ce contrôle et soulignent qu’ils sont également tenus par le «legal professional privilege and client confidentiality». Le 7e point de dissension porte également sur l’absence de systèmes robustes pour évaluer les risques au sein du secteur financier alors que le contrôle des DNFBPs étaient considérés comme étant au stade embryonnaire.

Au 8e point, les contrôles de la Financial Services Commission (FSC) sont jugés faibles par rapport à la taille du secteur. A quoi le gouvernement explique qu’il va recruter davantage de «professionnels» au sein de l’organisme. Les sanctions limitées mises à l’index au 9e point font dire à l’hôtel du gouvernement que «the issue was that there was a stand that in Mauritius only the Court can impose a fine on offenders» et qu’il travaille sur une nouvelle loi dans des cas de blanchiment et de financement du terrorisme.

«[…] only the FSC’s Code on AML/CFT (blanchiment et financement du terrorisme ; ndlr) meets the requirements […]», ajoutent les rédacteur du rapport au 10e point. L’hôtel du gouvernement répondent que «the law is being amended in the Finance Bill so that Guidance Notes of the BoM meet the requirements of other enforceable means on AML/CFT». Le seul point que Maurice n’a rien à redire, le 11e, porte sur les différents de niveau de «compliance» dans le secteur du Global Business.

Elle considère cependant de « ridiculous » le commentaire au 12e point qui déplore le nombre très bas des cas où des enquêtes diligentées par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) ont débouché sur des condamnations. Les rédacteurs se disent interpellés par la «limitation of ICAC’s powers to effect arrests» mais, l’hôtel du gouvernement répond qu’elle peut toujours le faire en passant à travers la police.

L’absence d’enquêtes parallèles par différentes institutions est décriée dans les affaires de drogue, tout comme l’absence de poursuites dans des cas d’évasion fiscale. Sur ce 13e point, les autorités mauriciennes soulignent qu’une Commission d’enquête sur la drogue a été mise sur pied et que la Mauritius Revenue Authority (MRA) est habilitée à traîner en justice toute personne enfreignant la loi.

Au 14e point, les rédacteurs déplorent que les institutions ne peuvent mener des enquêtes basées sur les normes du Financial Action Task Force (FATF). Maurice rappelle que ses institutions n’ont pas recours aux tables d’écoutes, ni au piratage informatique. Elle est quand même reprochée de recueillir davantage de renseignements sur les personnes liées au terrorisme, mais moins au financement, ajoute le MER. Sur ce 15e point, le gouvernement rétorque que «there is no frequent case of suspected terrorism financing».

Du 16e au 18e point, les rédacteurs du rapport évoquent le manque de mécanisme de lutte contre le financement du terrorisme en lien avec les résolutions 1267 et 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il y a aussi les limitations pour les institutions locales à avoir accès aux renseignements relatifs aux trusts et autres sociétés du Global Business. C’est sans compter les failles dans le cadre légal empêchant de déterminer l’identité d’un «beneficial owner» dans le cadre d’une enquête, ajoutent le MER.

Au 16e point, Maurice avance que les résolutions 1267 et 1373 seront disséminés alors que la Bank of Mauritius Act sera modifiée. Une Financial Crime Commission annoncée dans le Budget est grandie au point n°17 tout en rappelant que le Directeur des poursuites publiques a les pouvoirs de réclamer un «disclosure order» et annonce, au 18e point, que le Finance Bill 2018 se penchera sur ces manquements

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