Les fermetures des shelters de la Vedic Social Organisation ordonnées en 2017 et 2018 étaient justifiées. L’affirmation vient de l’Ombudsperson for Children. Rita Venkatasawmy a dénoncé, au bout de sept mois d’enquête, des manquements graves. Des enfants ont été physiquement et verbalement, soutient-elle. La Protectrice des enfants accuse l’organisation qui gérait trois structures d’accueil de mauvaise gestion de fonds. Il y a aussi eu défaillance de la part des autorités.
Rita Venkatasawmy a présenté les conclusions préliminaires des investigations de son bureau le mercredi 27 février, à son bureau à Beau-Bassin. En soulignant qu’Asha Guness, la directrice de VSO, a été réfractaire à la collaboration. Les requêtes du bureau de l’Ombudsperson for Children pour divers documents se sont ainsi heurtées à un fin de non-recevoir.
La VSO a lancé le Heaven’s Children Centre, un foyer d’accueil à Paillote en 2012. Elle obtient le contrat de gestion des shelters de l’Etat La Marguerite, à Curepipe, en juillet 2013, et La Dauphinelle, à Belle-Rose, en décembre de la même année.
Ce dernier est le premier à fermer ses portes en 2017 sur les ordres de Fazila Jeewa-Daureeawoo, alors ministre de l’Egalité des genres, suivant des preuves de maltraitance physique des enfants. Roubina Jadoo-Jaunbocus, qui lui succède à ce portefeuille, fait fermer les deux autres l’année suivante.
Jeeanmotee Guness cumulait plusieurs casquettes : présidente de la VSO, directrice des trois shelters mais aussi manager d’un Transformative Learning Centre (TLC) ouvert à Phoenix en 2013. Elle monopolisait ainsi les opérations et décisions de la VSO.
Le rapport révèle que le Managing Committee comptait, parmi ses dix membres, Jeeanmotee Guness, ses quatre filles et trois proches. Sept d’entre eux étaient aussi employés par l’organisation. Ce qui contrevient aux principes de bonne gouvernance et à l’article 5(6) des Rules of Association telles que définies par la Registrar of Associations Act.
Le Managing Committee était une «structure fantôme». Les autres membres n’étaient pas au courant des décisions prises par l’organisation non gouvernementale (ONG).
Des manquements ont été relevés dès 2012, année de l’ouverture du premier foyer Heaven’s Children, notamment par le bureau de l’Ombudsperson for Children et la Child Development Unit. Ce dont attestent les rapports après les visites sur le terrain ; un autre du ministère de l’Egalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille datant de 2015 mais aussi un Fact-Finding Committee mis sur pied la même année ; et les rapports du National Audit Office en 2016 et 2017.
La VSO touchait Rs 10 millions par an à travers la National Corporate Social Foundation. Or, il y a eu abus des fonds, notamment fournis par l’Etat, à des fins personnelles et au détriment des enfants, soutient Rita Venkatasawmy. Qui insiste qu’une mauvaise gestion des fonds relève d’une violation de la Convention des droits de l’enfant, charte dont la VSO faisait d’ailleurs fi.
Le traitement infligé aux enfants comporte aussi plusieurs points noirs. Outre le manque de formation du personnel employé par les shelters, les droits des mineurs – dont la liberté religieuse et le droit aux loisirs – n’étaient pas respectés. Au lieu de leur fournir des médicaments, on conseillait aux enfants de pratiquer le yoga. Le traitement de certains en santé mentale n’était pas effectué.
Les enfants ont subi des abus physiques et verbaux. La nourriture était de mauvaise qualité, les shelters surpeuplés et manquant d’hygiène, les informations sur l’histoire des enfants avant leur placement en centre d’accueil faisaient défaut.
Pour 52% des enfants admis au TLC en 2018, il n’y avait pas eu d’évaluation. Les autres avenues de scolarisation «mainstream» n’avaient pourtant pas été épuisés.
Les défaillances relevées par Rita Venkatasawmy concernent aussi les autorités chargées de superviser le VSO. L’enquête relève un suivi et une évaluation insuffisants de la part de la CDU, dont les cadres ont rapporté à de nombreuses reprises le manque de coopération d’Asha Guness au fil des ans, celle-ci allant jusqu’à servir une mise en demeure en 2015, mais aussi du Registrar of Associations.
Les recommandations du bureau de l’Ombudsperson for Children et du National Audit Office étaient ignorées.
L’Ombudsperson for Children recommande au ministère de mettre en place qui permet de superviser régulièrement la gestion des fonds par les ONG en charge de «residential care institutions». En précisant qu’il n’est pas ici question d’un simple exercice comptable ou administratif. Le suivi doit prendre en compte la qualité des services dans les shelters, prévenir les abus du système et s’assurer que des plans adaptés pour chaque pensionnaire sont en place et respectés.
Il faut pour cela un personnel formé notamment en psychologie de l’enfant et gestion de cas, ainsi qu’une expérience préalable. Ces professionnels doivent aussi être formés régulièrement et exposés aux systèmes de placement comme ceux en cours à La Réunion, en France ou encore au Royaume-Uni.
Des protocoles doivent être en place pour que les enfants de même que le personnel des shelters puissent rapporter des abus auprès des autorités.
La formation du personnel des shelters est essentielle. Elle n’est pas la seule responsabilité de l’organisation qui les gère, relève le bureau de l’Ombudsperson for Children. Elle doit être garantie par les lois encadrant le placement d’enfants en structures d’accueil.
Autre recommandation : le Registry of Association doit s’assurer que ceux enregistrés auprès de lui comprennent le cadre légal qui les encadre, et que des auditeurs professionnels soient nommées par les Managing Committees des organisations.
Le Mauritius Council of Social Services doit aussi être mis à contribution, estime le bureau de Rita Venkatasawmy. En collaborant avec le Registry of Associations et d’autres pour vérifier le parcours des ONG en recherche d’affiliation auprès d’eux.
L’organisme responsable des ONG devrait mettre en place une plateforme rassemblant les ONG qui travaillent avec des enfants dans des shelters, le Registry of Associations, le bureau de l’Ombdusperson for Children, l’Alternative Care Unit tombant sous le ministère de l’Egalité des genres, la NCSR Foundation et le ministère de l’Education, entre autres.
Cette plateforme faciliterait notamment l’échange d’informations ; la formation légale et aux principes de bonne gouvernance et d’éthique ; mais aussi de mettre sur pied un plan d’action national.
La mise sur pied d’une structure d’accueil spécifique pour les enfants souffrant de graves problèmes de santé mentale est vivement recommandée. Avec un personnel adapté et formé.
Il faudrait aussi se pencher sur le coût réel du placement en structure d’accueil. Cela en vue d’une politique de déboursement de fonds uniforme, que le foyer soit géré via un contrat de gestion avec le gouvernement, via le National Children’s Council ou un «capitation grant».
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