A l’heure où la stabilité politique est remise en question au niveau local, le débat animé par Dominique Wolton tombe à point nommé. Le directeur de l’Institut des sciences de la communication au Centre national de la recherche scientifique est l’invité du Media Trust et de la Commission de l’océan Indien (COI), cette semaine. Après une conférence portant sur la « Francophonie, diversité culturelle et stabilité politique » la veille, à l’Institut français de Maurice, le spécialiste a abordé le thème « Communication, démocratie et stabilité politique », à l’université de Maurice (UoM), ce 27 avril.

Dominique Wolton a notamment insisté sur la nécessité pour chacun de retrouver sa place. « La communication mange la politique », déplore-t-il. La politique a vocation « d’action », poursuit le spécialiste des médias et de la communication politique. Or, dit-il, l’expansion de la communication à travers Internet nuit à cette fonction, les politiciens se préoccupant davantage de l’image qu’ils renvoient et de l’opinion publique.

Christina Chan-Meetoo remet en question, pour sa part, l’utilisation actuelle des « technicités et d’Internet ». Serait-ce « des outils qui ont été mal utilisés jusque-là et qui pourraient améliorer la démocratie et la communication politique, entre autres ? » demande-t-elle.

Catégorique, Dominique Wolton affirme qu’avec Internet, « on confond la liberté d’expression avec la liberté de communication ». Il poursuit : « Ce n’est pas parce que 7 milliards de gens s’exprimeront demain sur internet que c’est démocratique. »

Le directeur de recherche estime que l’expression de la démocratie ne correspond pas à simplement exposer ses opinions. Il faudrait les exprimer « dans un cadre précis », à un moment précis. Il va jusqu’à comparer Internet à « une poubelle » dans le sens où tout, sans exception, y est déversé. C’est là que le rôle du journaliste est essentiel, dit Wolton : le choix et la hiérarchisation des informations sont, pour lui, capitaux et ne peuvent être exercés par n’importe qui.

Le secrétaire général de la COI s’est accordé à l’avis de Dominique Wolton. Jean Claude de l’Estrac remarque que « les journalistes se tirent eux-mêmes une balle dans le pied en remplissant leurs journaux des commentaires qui sont faits sur Internet ». Il a, par ailleurs, « beaucoup de mal à comprendre comment on peut considérer que cela n’est pas du journalisme et (par ailleurs) consacrer de plus en plus de journaux à rapporter ce que les uns et les autres disent sur Internet, y compris les pires imbécilités ».

Dominique Wolton pointe du doigt la rapidité de la communication, qui est pour lui néfaste à la politique : « Les hommes politiques s’imaginent que la politique se fait dans l’urgence. » Or, dit-il, il faut de la distance pour les politiciens mais aussi pour les journalistes qui rapportent l’événement.

Jean-Claude Autrey, chancelier de l’UoM, a du reste soulevé ce qui est pour lui « une dérive de la démocratie ». Bien que « le peuple délègue au Parlement le pouvoir pour cinq ans », il « demande des comptes tous les jours », commente-t-il. Il s’inquiète que cela nuise au fonctionnement de la politique.

Photo : Jean-Claude de l’Estrac, secretaire general de la COI, Christina Chan-Meetoo, chargée de cours en médias et communications à l’UoM, Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS, et Lindsay Rivière, président du Media Trust.

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