Rutnah est le premier arrivé. Il accueille chaleureusement Marie-Claire Monty : «Hey! Hello! How are you?» Les deux échangent quelques civilités avant de poursuivre à voix basse. Anwar Husnoo et Fazila Jeewa-Daureeawoo, installée aux côtés du ministre de la Santé, discutent. Raj Dayal, debout à la place du Premier ministre se joint à eux.

Le député de Flacq/Bon-Accueil s’écarte largement pour que sir Anerood Jugnauth puisse rejoindre son siège. Ce dernier ne lui jette pas même un regard. Dayal, l’air gêné, poursuit sa conversation avec Husnoo avant de se tourner vers le ministre mentor, une feuille de papier en main. Il tente à nouveau d’engager une conversation avec SAJ mais celui-ci l’ignore.

Dayal regagne sa place avant de passer à la rangée de devant où se trouve Sunil Bholah. Mais le ministre des Entreprises et des Coopératives est déjà occupé avec les Parliamentary Private Secretaries Marie-Claire Monty et Francisco François. Dayal tente sa chance auprès du ministre Bodha qui, affairé sur son téléphone portable, ne lui accorde guère plus qu’un regard.

Il est 15h05. La Private Notice Question est axée sur le décès de Dilan Eléonore à Madagascar. Maneesh Gobin a rencontré le père, Elvis, le 8 décembre 2017 et en mars de cette année. L’enquête policière pour faire la lumière sur les circonstances de sa mort est toujours en cours, précise l’Attorney General. Xavier Duval, en face, s’agite : «Incroyable ! Incroyable ! Incroyable !»

L’irritation du leader de l’opposition est palpable. Personne, affirme Duval, ne s’est soucié de ce cas d’un «ti dimounn», pas même à la Santé. Le commentaire passe mal auprès du Premier ministre et de son Deputy. Pravind Jugnauth balance à plusieurs reprises à son ancien camarade d’alliance : «To bizin onte!» Ivan Collendavelloo n’est pas en reste : «Al kasiet do ta!» lance-t-il au visage de Duval.

Duval veut savoir comment Gobin a rencontré Elvis Eléonore. Ils ont conversé en route, explique l’Attorney General, car il devait se rendre au Parlement. L’indignation est unanime dans les rangs de l’opposition. «Shame! Shame!» éructe Duval au milieu du brouhaha autour de lui.

Maneesh Gobin garde son calme : «I will leave it up to you.» Aadil Ameer Meea pense, lui : «Li enn sovaz sa.»

Question de preuves

L’enquête de police n’avance pas comme il faut, estime Duval : d’ailleurs, ce n’est qu’hier qu’un inspecteur a requis un rapport auprès de la compagnie Elie and Sons, qui s’est chargée des funérailles de Dilan Eléonore. «L’enquête avance à ma satisfaction», maintient Gobin, qui rappelle que c’est lui qui a qualifié ce décès de «violent death». Cette affaire n’est pas un «exercice comptable ‘where you balance the books’», poursuit le ministre de la Justice. Mais il ne livrera pas de détails pour ne pas gêner l’enquête, maintient l’Attorney General.

Ses réponses ne satisfont pas l’opposition. Les «Ale do ta!» fusent de part et d’autre. Non, Port-Louis n’a pas encore fait de requête de «legal mutual assistance» auprès des autorités malgaches. «J’ai besoin de preuves pour soutenir ma demande», fait ressortir Maneesh Gobin.

Xavier Duval ne lâche rien : la police mauricienne aurait dû avoir été dépêchée dans la Grande île pour interroger les trois témoins mauriciens qui s’y trouvent. Or, «la piste se refroidit». La réponse est succincte : les entretiens ont déjà eu lieu.

«Pa ti avoy lapolis Litali osi?» nargue Adrien Duval. «Eta ti kok!» lui lance le Premier ministre. Xavier Duval intervient : «Kouman to kone ti kok?» Thierry Henry en fait de même et se fait rabrouer par la Speaker : c’est une affaire sérieuse et non une plaisanterie. Adrien Duval n’apprécie guère et interpelle Maya Hanoomanjee : «Enn sel kote to gete, twa. To pa get lot kote?»

«Crime maquillé»

Mais quand des policiers mauriciens se rendront-ils à Antsirabe et ailleurs ? martèle Duval. «Vous voulez que je vous donne les dates et ainsi informer les témoins qui pourront alors disparaître ?» s’offusque Gobin qui invite Duval à «réfléchir un peu». L’opposition s’insurge : «Desann lor later ta!» lui lance-t-on.

Duval n’en a pas fini. Et comme avec le Premier ministre il y a trois jours, il accuse l’Attorney General de se sauver. Gobin fait preuve «de la même arrogance qu’envers les parents» de Dilan Eléonore, renchérit le leader du PMSD. Le rapport de contre-autopsie du Dr Satish Boolell a démontré qu’il y a eu agression, poursuit Duval, que «le crime a été maquillé» et le corps «préparé» avant d’être rapatrié à Maurice. Les médecins malgaches seront-ils interrogés ?

L’enquête a été ouverte basée sur les conclusions du rapport du Dr Boolell, acquiesce Gobin. Mais il ne livrera pas les noms des témoins.

Duval revient à la charge sur la question des services funéraires d’Elie & Sons. «There’s nothing sinister there», déclare le ministre de la Justice. «Excepté pour ceux qui ont leur propre agenda.» La police n’est pas restée les bras croisés depuis l’ouverture de l’enquête. D’ailleurs, le Premier ministre suit cette affaire de près, tout comme Gobin.

Celui-ci retient toutefois la suggestion «valable» de Veda Baloomoody : soit considérer un amendement du cadre légal pour que dans les cas de décès de Mauriciens à l’étranger, une contre-autopsie soit effectuée avant que le permis d’inhumer ne soit octroyé.

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