Ils ont bon dos, ces flics chargés de résoudre un problème qu’ils n’ont nullement contribué à causer. Leur tort, ce matin, a été de tenter de décongestionner le flot des véhicules vers Port-Louis. Pour y arriver, ils ont eu recours à un stratagème – ouvrir une voie additionnelle vers la capitale pour le trafic venant du Nord. Calamiteuse, la stratégie a substantiellement aggravé la congestion en d’autres endroits. Il n’en fallait pas plus pour que des auditeurs, pris d’une poussée de la maladie ti-poul tom lor ti-kanar, prennent d’assaut les standards des radios pour insulter copieusement la police.

Des rendez-vous, consultations médicales et comparutions en cour ont été manqués. Des business deals probablement remis à plus tard. Des fonctionnaires et employés du privé ont traité moins de dossiers. Quelqu’un, quelque part, devra patienter un jour de plus parce que son dossier d’assurance ou de permis n’aura pas été traité aujourd’hui. La faute à une heure, voire deux, perdues dans le trafic. Des entreprises contempleront la facture journalière de carburant de leur flotte qui a gonflé de 10%, voire de 20% depuis que la route Terre-Rouge/Verdun est fermée.

Tout cela démontre une chose : l’importance que cet axe autoroutier a pris depuis son ouverture en décembre 2013. En seulement un an, il a fait gagner des dizaines de milliers d’heures à des dizaines de milliers d’automobilistes. Fait économiser des hectolitres de carburant. Ceux qui ont tenté, d’une manière ou d’une autre, de critiquer l’injection massive d’argent dans la construction de cet axe routier comprennent aujourd’hui son rôle crucial pour le pays.

Le fait même que cette autoroute soit si importante aurait dû amener ceux qui l’ont imaginé à envisager les problèmes éventuels qui y seraient constatés. Pourquoi donc n’a-t-on pas prédit l’apparition de fissures à Valton depuis le début d’année ? Le hic, c’est que le mal était pourtant déjà connu…

L’hebdomadaire Week-End daté du 8 décembre 2013 fait état du problème d’instabilité du terrain dans les endroits à forte pente, les gradients atteignant parfois 30° ! « Les premiers signes de glissement sur la montée vers Ripailles sont, eux, apparu en 2011 (…) des dispositions ont été prises (…) l’allongement du talus, la construction de drains en pierre, la mise en terre de vétiver de façon à retenir la terre, des drains sub-horizontaux de 5 m à 6 m de profondeur », rapporte la publication. Avant d’expliquer que les pluies diluviennes de février et mars 2013 avaient déjà causé des « dégâts conséquents aux structures mises en place pour pallier le glissement de terrain ». Ce qui vaudra, selon Week-End, l’intervention des assureurs du projet et le paiement d’une indemnisation de Rs 135 millions.

A l’ouverture du tronçon, mais aussi aujourd’hui, deux questions importantes restaient à l’agenda. D’une part,  la mise en œuvre des moyens structurels nécessaires pour prévenir les glissements de terrain. D’autre part, l’établissement d’un programme et d’un calendrier de maintenance pour l’autoroute – une condition expresse de tout ouverture d’axes routiers importants dans les pays développés.

Le ministre des Infrastructures publiques a été très courtois jusqu’ici, du moins en public, envers son prédécesseur, la Road Development Authority ainsi que les consultants et constructeurs. Or, s’il est nécessaire de prendre les mesures palliatives pour que l’autoroute cesse de se dégrader, il faut aussi attendre de Nando Bodha qu’il aide à situer les responsabilités des uns et des autres.

Ce n’est certainement pas au ministre de le faire. Il s’exposerait à un procès en incompétence technique et en vendetta politique. Il est toutefois crucial que ce gouvernement, qui a fait de la bonne gouvernance un cheval de bataille, prennent les initiatives nécessaires pour permettre à un panel indépendant de déterminer quelle part de responsabilités revient aux différents acteurs ayant permis la concrétisation de ce chantier.

Le pays est malade. Vert d’un mal inconnu. Le plus vite les autorités nous aurons permis de comprendre pourquoi et comment l’axe Terre-Rouge/Verdun s’est dégradé aussi vite, le plus vite nous préviendrons la survenue de maladies de ce type à l’avenir. Cette médecine préventive est cruciale, car le gouvernement l’a annoncé hier encore dans son discours-programme…. les projets d’envergure ne cesseront pas.

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