Nous avons collectivement peur de quelque chose. Que le vivre ensemble que nous revendiquons à la face du monde s’étiole. Que la paix interethnique et interreligieuse laisse la place à une intolérance revendiquée dans les mots et les actes. La moindre défiance envers notre vivre-ensemble devient du coup intolérable. C’est la conclusion à laquelle on arrive en prenant un peu de distance par rapport aux propos outranciers tenus ce samedi et dimanche sur Facebook par une sexagénaire.

A peine quelques heures après avoir écrit un statut particulièrement critique à l’égard d’une confession du pays, la tête de Suzanne Hervet a quasiment été mise à prix. Tandis qu’un flot incessant d’insultes et de menaces a été déversé sur son profil Facebook. Pourquoi donc cette réaction ?

A bien y voir, chacun aurait pu continuer à vaquer à ses occupations du weekend sans prêter attention à la prose approximative de cette personne. Il faut en effet se demander ce qu’il se serait passé si tout le monde avait ignoré ce statut après l’avoir classé dans la catégorie « coz napa. » Très probablement RIEN. Cette personne n’a, en effet, aucune forme d’influence. Elle n’est ni responsable politique, ni animatrice d’un important mouvement social ou économique et encore moins leader d’opinion.

Pourtant de nombreux Mauriciens se sont non seulement offusqués de ses propos mais ont aussi illico insisté sur leur dangerosité potentielle pour la paix entre les communautés du pays. C’est sur la base de ce type de commentaires que la police a entamé dès ce dimanche une enquête préliminaire dans le but de retrouver. Elle a été arrêtée ce matin. Si nous nous entendons sur le fait que les propos de cette personne n’allaient pas causer des troubles à l’ordre public, pourquoi donc cette affaire a pris une telle ampleur ?

Mea culpa, bien sûr les médias s’en sont mêlés. Mais l’emballement trahit aussi autre chose : la propension des mauriciens à s’accrocher à leur foi comme à un radeau de survie. Et à défendre celle-ci avec virulence au moindre signe d’attaque – avéré ou fantasmé. Comme si la religion était devenue une valeur refuge pour les citoyens. Abasourdis par les effets secondaires culturels et économiques de la mondialisation d’une part et victimes-complices, d’autre part, d’un système politique ayant pour clé de voute l’ethno-religieux.

Se pose alors la question qui fâche. Sans verser dans la pyromanie ‑ comme cette femme sur facebook ‑ peut-on se prévaloir de son droit à la liberté d’expression pour formuler une critique raisonnée et argumentée à l’encontre d’une ou de la religion en général à Maurice ? Voire de faire publiquement de l’humour en se moquant d’une confession ? A ce jour, se risquer à l’un ou l’autre c’est accepter de s’entendre dire qu’on insulte tout un pan de la population et qu’on met en péril la paix interethnique.

C’est peut-être notre principal problème. Obsédés que nous sommes par le vivre-ensemble, nous sommes devenus intolérants envers ceux qui osent – sans tomber dans l’outrance – penser différemment.

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