C’est un grand moment de démocratie. Une illustration de ce que doit être la responsabilité politique. Hier, Jean-Marc Ayrault a tiré les conséquences de la lourde défaite de son camp aux élections municipales françaises en soumettant sa démission à François Hollande. Celui-ci a nommé, dans la foulée, Manuel Valls à la tête du gouvernement. Traduisant, selon les observateurs, sa volonté de donner un coup de barre à droite et d’afficher une ambition décomplexée.

A cinq jours du quatrième anniversaire du gouvernement Ramgoolam III, on se désespère de vivre un tel moment de responsabilité politique à Maurice. Si le Premier ministre aime dire qu’il pratique un style de gouvernement quasi-présidentiel, contrairement à Hollande, il n’a ni un Ayrault à sacrifier, ni un Valls à adouber. C’est ce qui explique pourquoi Navin Ramgoolam n’a pas procédé à un remaniement ministériel entre décembre et la rentrée parlementaire de mardi dernier.

Le jeu des chaises musicales n’aurait servi à rien pour deux raisons. D’une part, Ramgoolam souffre d’une disette de talents au sein de son conseil des ministres et de sa majorité parlementaire. Remanier reviendrait donc à n’effectuer qu’un exercice cosmétique. D’autre part, ayant rappelé ad nauseam qu’il « micro manage » quasiment tout, le chef du gouvernement a lui-même mis à mal la légitimité de ses ministres. A contrario, puisque le Premier ministre a son mot à dire dans chacune de leurs décisions, il endosse la pleine responsabilité de leurs bonnes décisions mais aussi de leurs bourdes. De sorte que, si remaniement il y avait, Ramgoolam devrait être le Premier « remanié » !

Du coup, au moment où Ramgoolam doit fournir des gages publics d’un ressaisissement collectif de son gouvernement, il laisse ses ministres se dépêtrer dans leurs imbroglios respectifs : Sheila Bappoo et D.Y. Patil Medical College, Rajesh Jeetah et les « universités » non reconnues, Anil Bachoo et les tronçons d’autoroute éventrés, Tassarajen Pillay et les décisions rocambolesques de l’ICTA. La liste est longue…

Parallèlement, le Premier ministre prouve que ses engagements ne valent pas grand-chose quand il évoque un grand nettoyage au sein des institutions. En effet, si Navin Ramgoolam doit composer avec une équipe donnée et des profils précis pour constituer son conseil des ministres, il a davantage de latitude par rapport aux nominations politiques. Or, un an après le « tsunami » qu’il avait promis, seules des vaguelettes ont frappé quelques corps paraétatiques.

A un an des prochaines élections générales, le Premier ministre ne semble nullement pressé de poser des actes pouvant démontrer sa volonté de mieux faire travailler son équipe – au conseil des ministres et au-delà. En n’agissant pas, Ramgoolam laisse à l’opposition la prérogative de dénoncer l’incompétence là où elle se trouve pour mieux promettre le changement et engranger des dividendes politiques.

Aussi historique qu’elle soit, ce n’est pas l’adoption d’une réforme électorale qui fera passer Navin Ramgoolam à la postérité comme un chef du gouvernement qui « means business ». Certes, la tentation de l’attentisme est forte – voire pathologique – chez lui. Mais il aurait tort de croire que cette tactique est suffisante. Car les Mauriciens, y compris ceux qui ont voté pour le Premier ministre aux dernières élections, attendent un sursaut de sa part. A trop vouloir attendre avant de faire rouler les têtes d’incompétents, c’est la sienne que Ramgoolam finira par mettre en péril à l’approche des prochaines échéances électorales.

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