«Elle n’a rien à cacher. Elle a dit tout ce qu’elle avait à dire à la commission.» C’est ce qu’a déclaré Robin Ramburn, l’avocat de Roubina Jadoo-Jaunbocus à la sortie de son audition par la commission d’enquête sur la drogue. Si la Parliamentary Private Secretary (PPS) a plus ou moins tenu le coup face aux questions de Paul Lam Shang Leen et Sam Lauthan, elle a néanmoins craqué en fin d’audition. Ne retenant plus ses larmes, elle a expliqué qu’étant épouse et mère, il ne lui viendrait pas à l’idée de fréquenter des trafiquants de drogue.

Presque une heure et demie plus tôt, l’ancien juge de la Cour suprême donnait le ton dès les premières minutes de l’audition de l’élue MSM de Port-Louis Sud/Central. Paul Lam Shang Leen l’informe que les appels passés sur son téléphone ont fait l’objet d’analyses. Celles-ci révèlent que la députée a été en contact avec Peroomal Veeren, il y a deux ans. C’est un délit, rappelle-t-il, de communiquer avec des prisonniers par des moyens non autorisés. En ajoutant que Jadoo-Jaunbocus s’est empressée d’aller rencontrer le trafiquant de drogue le matin suivant.

La députée explique ne pas toujours savoir qui appelle sur le portable qu’elle utilise dans ses fonctions de PPS quand elle décroche. L’explication ne convainc pas Lam Shang Leen qui l’interpelle : «Vous deviez savoir qui c’était puisque vous êtes allée voir la personne le matin suivant.»

Un trafiquant de drogue mène à un autre. Paul Lam Shang Leen s’étonne ainsi de la rencontre de la PPS avec plusieurs trafiquants de drogue connus et cite des noms. «Some I recall, others I don’t», se défend-elle. «You have seen so many of them», insiste le président de la commission en rappelant qu’ils n’étaient pourtant pas les clients de l’avocate.

Roubina Jadoo-Jaunbocus tente une explication. Tout a commencé avec une demande des frères Sumodhee, condamnés dans l’affaire l’Amicale et qui entamaient alors des démarches auprès de la commission de pourvoi en grâce. C’est ainsi, explique l’avocate, que lors de la visite, elle a été amenée à rencontrer d’autres prisonniers.

Lam Shang Leen la reprend. Certes, elle a rendu visite aux frères Sumodhee en 2007. Mais c’est en 2009 qu’elle rencontre 37 prisonniers d’un coup, lors de visites non sollicitées. L’ancien juge questionne l’avocate. Savait-elle que nombre des prisonniers qu’elle a rencontrés étaient des trafiquants de drogue ? Savait-elle que, par coïncidence, les prisonniers venaient tous de la même section du pénitencier ? «I didn’t know they would all come», se justifie l’avocate. Mais le président est sur sa lancée. Il lui reproche d’avoir fait la même chose chez les femmes incarcérées. A nouveau dans le cadre de visites non sollicitées.

Il doit y avoir une raison pour les visites, insiste Lam Shang Leen. Qui rappelle à l’avocate qu’elle était le 22e représentant légal de Peroomal Veeren. Et les autres avocats, se demande l’ancien juge, n’étaient-ils pas bons ? Certes, il y a d’autres juristes dans la profession, dont de nombreux juniors, pourtant le président de la commission remarque que Roubina Jadoo-Jaunbocus semble avoir trop régulièrement proposé ses services pro bono (gratuitement).

Lam Shang Leen poursuit en interrogeant désormais la députée sur ses rencontres avec Bibi Ameenah Noordally: «Who is she?» Elle est venue me voir à mon bureau, réplique l’avocate qui est immédiatement contredite par le président de la commission. «Ce n’est pas possible. Elle était en prison.» Il tente de rafraîchir la mémoire de la PPS en lui indiquant qu’elle l’a rencontrée en compagnie d’un Senior Counsel. «C’était peut-être pour préparer sa défense.»

«C’est la belle-mère de Veeren», tonne Lam Shang Leen en lui demandant si elle se rend compte des connexions. «You counsels, you play the game », accuse-t-il en remarquant que Roubina Jadoo-Jaunbocus a ensuite «disparu» de ce dossier, remplacé par un autre avocat. «Ne vous rendez-vous pas compte que tout le problème a été dévoilé maintenant ?» interroge le président de la commission. Avant de se demander si l’avocate a conscience d’être «utilisée».

A peine le volet prison terminé, Lam Shang Leen s’intéresse désormais à l’axe Jadoo-Jaunbocus/Tisha Shamloll. Il explique à l’avocate qu’il a des raisons de croire qu’elle a tenté de contacter Tisha Shamloll avant son audition par la commission. «There is no reason for me to contact Miss Shamloll», proteste l’élue du MSM. «We are asking you. Don’t forget you are under oath», prévient l’ancien juge qui enchaîne immédiatement en demandant à l’avocate si Shamloll a été son junior dans le passé. Non, mais elle a bien travaillé à son bureau, nuance-t-elle.

C’est désormais des transferts d’argent sur le compte de la députée qui retiennent l’attention de la commission d’enquête. Notamment des transferts de Rs 100 000 et moins effectués à quelques occasions sur le compte de la députée. Cette dernière dit ne pas être au courant de ces transactions. «C’est votre compte, à la SBM», insiste Lam Shang Leen.  La pugnacité du président de la commission fait son effet. La PPS dit désormais se souvenir de ces transactions mais demande à écrire sa réponse sur un bout de papier, la question étant privée, plaide-t-elle.

Quelques minutes plus tard, c’est Sam Lauthan qui prend le relais. Il revient à la charge sur la rencontre de la députée avec 37 détenus. «Je les ai tous vus d’une traite», confirme-t-elle avant d’expliquer qu’elle a animé une sorte de «legal session» et que cela n’avait rien à voir avec des affaires de drogue.

«Sans que vous le sachiez, ces personnes vous utilisent», assène à nouveau Sam Lauthan qui continue avec une série de questions qui mettent Roubina Jadoo-Jaunbocus de plus en plus mal à l’aise. Notamment sur des seniors du barreau qui envoient leurs juniors déblayer le terrain dans des affaires de drogue.

La députée finit par craquer. «I wouldn’t have done such a thing. I swear. I am a married lady», explique-t-elle en larmes. Après lui avoir donné un court instant pour se ressaisir, Sam Lauthan revient à l’assaut: «Nous, les travailleurs sociaux, voyons le revers ensanglanté de la médaille.»

C’est Paul Lam Shang Leen qui reprend la main pour les dernières questions. Il l’interroge à nouveau sur ses visites en prison avant de lever la séance du jour. Roubina Jadoo-Jaunbocus sera à nouveau auditionnée par la commission Lam Shang Leen dans les jours à venir.

 

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