À quoi le mois du Ramadan doit-il nous renvoyer ? Sans doute, d’abord, à un état d’âme, de cœur et d’esprit. Chercher à avancer sans comprendre le sens de notre effort, jihad en arabe, revient à proclamer un état comme étant une chose alors qu’il en est le contraire dans l’âme, le cœur et l’esprit.

Réduire notre état à un problème idéologique est tout aussi grave. Car aucune idéologie digne de ce nom ne peut accepter, par exemple, le fait de tuer des innocents. Lorsqu’il s’agit d’enfants comme à Manchester, mais on pourrait y ajouter Bagdad, Alep, Peshawar et tant d’autres lieux, la barbarie n’en devient que plus insensée. Peut-il y avoir une idéologie qui pourrait expliquer de tels actes ? Si tel est le cas, il ne pourra s’agir que de ce qui est contraire à l’islam.

Même si Trump a changé de langage en parlant de terrorisme, il demeure qu’il se trompe. De diagnostic d’abord en reconnaissant une idéologie qui serait derrière le terrorisme. Ensuite, il se trompe en ne reconnaissant pas l’échec de la lutte contre le terrorisme. Finalement, il se trompe en ne réalisant pas que ce qu’il propose ne fera qu’aggraver le mal du terrorisme.

Coïncidence

Historiquement, la permission accordée aux musulmans de passer d’une résistance, sans combattre avec des armes ceux qui les attaquent injustement, à la possibilité de se défendre physiquement coïncide avec la prescription du jeûne du mois du Ramadan. Ce n’est que quinze années après l’avènement du Prophète (saw), marquées par une persécution sans précédent, et seulement quand les conditions sont réunies à Médine pour une riposte juste et organisée, que le jihad peut devenir une lutte armée, soumise à une régulation stricte dans le respect de la dignité des hommes combattus.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est uniquement quand les croyants ont le pouvoir d’offrir à ces derniers la paix qu’il leur est permis de se battre. Et ce seulement pour se défendre. Pouvoir se maîtriser avant de chercher à maîtriser ceux qui sont injustes et transgressent toutes les limites dans leurs agressions. Au moment où la société médinoise atteint cet état, le jeûne du mois du Ramadan est prescrit comme un rappel de que doit être l’état d’âme, du cœur et de l’esprit de ceux qui combattent pour Dieu, dans le chemin de Dieu.

Deux confrontations auront lieu durant le mois du Ramadan. La première, à Badr, mettra aux prises plus de mille soldats venus de la Mecque, armés jusqu’aux dents, face à 313 croyants mobilisés afin de défendre Médine, presque tous dépourvus de moyens et sans aucune monture. En ce 17jour du Ramadan de l’année même où ils viennent d’être permis de livrer bataille pour se défendre, Dieu leur accordera une victoire retentissante. Leurs ennemis tombés à Badr seront enterrés dignement et les prisonniers traités respectueusement. La conquête de la Mecque, six ans après, le 20jour du Ramadan, se fera sans aucun combat. À ceux qui voulaient sa mort, la fin des croyants et de l’islam, le Prophète (saw) reprendra ces paroles de Joseph à ses frères : «Aucun reproche à vous en ce jour.» Ils seront libres d’embrasser l’islam ou de ne pas le faire.

Maîtrise

Le mois du Ramadan est béni mais ne se trouve pas parmi les quatre mois islamiques sacralisés où toute guerre, aussi juste qu’elle puisse être, ne peut être déclenchée peu importe la gravité de l’agression ennemie. Cela souligne à quel point l’islam exige que tout combat ne s’effectue que lorsque la maîtrise de soi est parfaitement assurée. Le but ne peut être un bien matériel, la satisfaction d’une ambition, assouvir une vengeance, plaire à un homme ou pour toute cause que celle qui est juste. Il faut aussi rappeler que convertir les gens n’est pas une telle cause. Comment peut-on forcer des gens à croire ou à la pratique de l’islam ? Le jeûne et le sens même du mois du Ramadan ne font que nous ramener à cet effort de maîtrise en toute humilité, le jihad au sens premier du terme. Chercher de plein gré  en toute conscience à plaire Dieu seulement…

Au-delà du contrôle de la faim, de la soif et des désirs, le croyant est appelé durant le mois du Ramadan à prendre soin de sa langue par rapport à ce qu’il dit, de ses mains par rapport à ses actes, de son esprit, de son cœur, de son âme. Éveiller son être à la conscience de Dieu, intimement. Car Dieu est proche, infiniment, répondant à son appel quand il l’appelle. Ce lien avec Dieu est fondé aussi sur sa parole, le Coran. Le mois du Ramadan célèbre la révélation du Livre, une guide de conduite pour l’humanité.

Mais il ne s’agit nullement d’une commémoration d’un événement lointain car la lumière du Coran est vivante et se manifeste au présent. Dieu et son adorateur se confient par le biais du Livre. Au moment de la rupture du jeûne, les invocations ne sont jamais rejetées. Durant les nuits du Ramadan à la rencontre du Coran, et particulièrement durant celle connue comme la nuit cachée du destin, l’être aimé de Dieu est illuminé par la paix, la miséricorde et la bénédiction divines.

Parler d’une idéologie violente, extrémiste ou radicale en évoquant l’islam, c’est établir un faux diagnostic. Surtout lorsque ce sont quelques individus malades qui soutiennent ce diagnostic. Car ceux qui tuent des innocents sont des criminels, mais ils ont surtout l’esprit, le cœur et l’âme malades lorsqu’ils justifient leurs actes insensés en se référant au Coran. Ils ont frappé à Manchester, mais il ne faut pas oublier ce qu’ils font ailleurs. La plupart de leurs victimes sont des musulmans, entre 82 % et 97% selon le département d’État américain.

Et le monde est en train de perdre cette guerre contre le terrorisme. C’est une évidence qu’il faut reconnaître. Il n’existe pas un seul lieu qui est davantage à l’abri d’un attentat aujourd’hui qu’il ne l’était hier. Les lois liberticides n’ont pas apporté plus de sécurité. Il est incroyable que toutes les puissances du monde, des USA aux Russes, en passant par Israël, toutes les milices et commandos qu’on pourrait imaginer, ne soient pas encore arrivées à en finir avec le soi-disant État islamique. Ou même à éliminer son chef, le soi-disant calife Al Bagdadi dont la seule apparition publique à Mosul continue à être reprise dans les médias. Et comme pour annoncer que cette vaine «war on terror» ne s’arrêtera pas demain, une autre star du terrorisme, le fils de Ben Laden, Hamza, a déjà fait son apparition sur Wikipédia.

Comment ne pas s’étonner de l’échec de cette lutte contre le terrorisme lorsque nous voyons l’identité de ceux qui la dirigent ? Ont-ils intérêt vraiment à faire disparaître toute cette peur qui leur donne une raison d’exister ? Les dictateurs et monarques s’agrippent au pouvoir et des fascistes-populistes sont élus au nom de cette même phobie. Il y aussi une dimension économique : la sécurité et l’armement sont parmi les plus grosses industries mondiales.

 Conclusion

Mais ne réduisons pas notre état actuel à un enjeu idéologique. Tout comme il n’y a pas d’État/d’état islamique là où l’âme, le cœur et l’esprit trahissent l’essence même du message coranique. À chaque être de revenir au Coran pendant le mois béni du Ramadan, pas à l’interprétation que les hommes en font mais aux préceptes que Dieu y place pour chacun, individuellement. À deux reprises, Dieu nous y rappelle qu’il ne changera l’état d’un peuple, d’une nation entière, tant qu’ils, au pluriel, ne changent pas ce qui est en eux-mêmes. Que le mois du Ramadan soit le mois de cet effort, cette lutte, cette résistance, cet engagement. C’est notre jihad à chacun. La première fois que le mot jihad est révélé dans le Coran, c’est bien de cela que Dieu parle :

«… et lutte avec eux avec ceci (Le Coran) d’une grande lutte». ( Le Coran 25 : 52)

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