Premier revendeur d’électroménager et de meubles à Singapour, deuxième en Malaisie. Courts Asia faisait figure de grand favori dans la course au rachat de Courts à Maurice. Jusqu’au coup de théâtre dans les tous premiers jours d’août. En témoigne, l’étonnant aveu d’André Bonieux, dans un mail [voir le document] envoyé à Terry O’Connnor, CEO de Courts Asia, le 5 août.

Le partner de chez PwC, le cabinet de conseil dont font partie les special administrators de BAI Mushtaq Oosman et Yogesh Basgeet, est affirmatif. « I confirm that we never met with D. Isaacs and are as surprised by this statement as you are ». Il fait référence à l’annonce de Roshi Bhadain la veille. Le ministre de la Bonne gouvernance révèle ce mardi-là, en conférence de presse, que la Financial Services Commission (FSC) a choisi la société Mammouth, dirigée par David Isaacs, pour reprendre les activités de Courts. Certes, c’est la FSC qui a le dernier mot. Toutefois, le processus de choix des soumissionnaires est effectué par les special administrators, épaulés par d’autres membres du staff de PwC. Or, pour Oosman et Basgeet, Mammouth était hors course.

La course est lancée le 13 mai dernier. Les deux special administrators de BAI font paraître ce jour-là un communiqué invitant des groupes locaux et étrangers à répondre à un appel à manifestation d’intérêt pour Courts, Iframac et Apollo Bramwell. Des groupes locaux et étrangers se positionnent. Dans le lot, Courts Asia, qui fonde une société locale, Hillbrow (Mauritius) Ltd (HML) pour l’acquisition de Courts.

Le 25 mai, HML/Courts Asia reçoit une process letter [voir le document] des special administrators leur notifiant que leur intérêt a été dûment notée. Toute une série de conditions sont énumérées au repreneur potentiel, qui est tenu de les respecter toutes. L’une d’elles : « in no circumstances should any approach be made to any of the shareholders, directors or employees of the Business without the express written consent of the Vendors ».

Les Singapouriens acquiescent aux obligations présentées par le tandem Oosman/Basgeet et signent, deux jours plus tard, un accord de non divulgation [voir le document] qui leur donne accès aux comptes de Courts. L’exercice de due diligence débute durant les premiers jours de juin. Les représentants de HML/Courts Asia épluchent minutieusement les comptes et la situation générale de Courts jusqu’au 11 juin. Satisfaits de la procédure enclenchée par les Singapouriens, les special administrators leur demandent de passer à l’étape suivante le 19 juin, en déposant 20% du montant qu’ils proposent pour le rachat comme security deposit [voir le document].

Les special administrators commencent alors leurs exercices d’évaluation de toutes les offres reçues. L’offre de HML/Courts Asia semble être la plus intéressante après l’examen des différents dossiers. C’est ce que les Singapouriens apprennent lors d’une réunion avec les administrateurs le 2 juillet. Ils en reçoivent même la confirmation en écrit [voir le document]. « We confirmed that we have applied to the Financial Services Commission seeking the latter’s approval of our choice to nominate Hillbrow (Mauritius) Ltd as the preferred bidder and currently await their response », écrivent Oosman et Basgeet.

Le statut de « preferred bidder » signifie le passage à une nouvelle étape de la procédure, un pas décisif vers le rachat. Le process letter du 25 mai précise ainsi que dès qu’un soumissionnaire accède à ce statut, les 20% de security deposit sont automatiquement encaissés et « held on account of final settlement ». HML/Courts Asia a bien accédé au statut de preferred bidder dans la procédure. Une lettre [voir le document] des special administrators envoyée à la direction de la FSC, le 31 juillet, en atteste. « Further to instructions from the chairman of the board of the Financial Services Commission, we notified HML that they were our preferred bidder… », écrivent Oosman et Basgeet. Ils précisent, dans la foulée, que l’offre des Singapouriens est la meilleure et que les Transaction Agreements sont prêts à être signés.

Mais il y a de la friture sur la ligne et la transaction ne semble pas prête d’aboutir. En cause, des rumeurs: HML/Courts Asia ne serait qu’une façade permettant un retour des Rawat au sein de Courts, quelques articles de presse en font état depuis mi-juillet. Terry O’Connor tente de rétablir les faits dans une correspondance [voir la lettre] envoyée aux special administrators avec, en copie, les ministres Vishnu Lutchmeenaraidoo et Roshi Bhadain, ainsi que le président de la FSC. « No representative at Courts Asia has any connection with Mr Rawat and neither do we have any business dealings with the former BAI Group. We do not have any former or current employees on our payroll. Interaction with existing Courts Mauritius employees were limited and has been facilitated with the full knowledge of the Special Administrators… », précise le CEO de Courts Asia. Il affirme que son équipe et lui sont disponibles pour dissiper d’éventuels malentendus en fournissant toute information utile.

L’information utile, HML/Courts Asia la reçoit le mardi 4 août, à travers l’annonce de Roshi Bhadain. Le lendemain, Terry O’Connor adresse une nouvelle correspondance [voir la lettre] à PwC ainsi qu’aux ministres Lutchmeenaraidoo et Bhadain. Il fait état de son « great shock » d’apprendre la sélection de Mammouth alors que son groupe croyait être en discussion exclusive avec les special administrators. « If a second bid appears to have been considered by the FSC and the Minister of Financial Services and Corporate Governance, meaning that a parallel bidding process was being run, Courts Asia ought to have been made aware of same and been given the opportunity to participate in that process », proteste le patron de Courts Asia. Plus loin, il explique que si son groupe a pris l’engagement de maintenir 77% des salariés de Courts à leur poste, « in practice, based on our strategic plans for the Business, we envisage that we would retain at least 85% of the employees for the business operations ».

Terry O’Connor termine sa lettre en réclamant des « urgent clarifications » des ministres et des special administrators sous un jour et en se réservant le droit « to take such actions as may be appropriate to protect our interests and rights, in particular, given our transparency and efforts to date ». Cependant, une explication officielle écrite ne viendra pas. A la place, le ministre Roshi Bhadain explique dans des déclarations de presse que le groupe Courts Asia n’avait qu’à être plus précis dans ses engagements dès le départ et non après la fermeture de l’exercice de sélection.

Ce samedi, c’est la FSC qui donne sa version des faits en affirmant qu’à aucun moment, elle n’a permis aux administrateurs spéciaux d’« engage in exclusive discussions with Hillbrow (Mauritius) Limited in relation to the sale/transfer of the undertaking of Iframac Limited (Retail Division – Courts)». Dans un communiqué émis au lendemain du limogeage de Mushtaq Oosman, les deux special administrators assurent pourtant avoir agi « dans le strict respect des principes de la gouvernance ».

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