On l’attendait en guerrier. Prêt à en découdre et à rappeler à tout le monde qu’il est le patron incontesté de la scène politique. A la place, on a découvert un père de famille. Dont l’essentiel du discours a servi à énumérer les récentes et futures améliorations à la maison-Maurice, à rassurer les membres de la famille sur leur avenir et à louer leur formidable sens de solidarité. Au final, moins de deux minutes – sur un peu plus de dix-huit – des vœux du Nouvel An du Premier ministre ont été consacrées aux « mesquineries » des voisins de l’opposition.

En réduisant le volet politique de son discours au strict minimum, Navin Ramgoolam a berné tous ceux qui ne s’intéressent qu’à la surface de ses propos. Mais le leader du Parti travailliste s’est trahi en donnant trop dans le « business as usual ». Il mijote quelque chose ! Car s’il y a bien une chose qui caractérise le Premier ministre, c’est son imprévisibilité délibérée. Qui le pousse à faire exactement le contraire de ce qui est attendu de lui dans une situation donnée, surtout quand il a des objectifs précis en tête.

A écouter Ramgoolam, l’alliance avec le MMM ne figure plus à l’agenda. Il donne désormais l’impression de vouloir siffler la fin de la partie de koz koze. Si le chef du gouvernement dit s’être « engagé à proposer » un changement dans nos lois électorales, il affirme préventivement « préférer y renoncer » si le projet divise les Mauriciens. Comprendre : si le MMM ne souhaite plus discuter d’alliance, inutile de s’entêter à vouloir changer nos lois électorales.

Si la perspective des noces avec le MMM s’éloigne, le Premier ministre a donc intérêt à raviver son couple avec le PMSD. Or – pour reprendre le lexique Facebook –, Ramgoolam et Xavier Duval sont « in an open relationship » depuis des mois. Si le PMSD a expulsé Michael Sik Yuen ce lundi, sans réclamer sa révocation comme ministre, les bleus ont néanmoins affirmé ne vouloir faire partie « d’aucune alliance où Michael Sik Yuen sera candidat ».

On sait comment le chef du gouvernement réagit aux injonctions de ce type. En juillet 2011, quand six ministres MSM avaient démissionné en signe de protestation contre l’arrestation de Maya Hanoomanjee, Ramgoolam avait ignoré les renégats dans un premier temps. Avant de les pousser à quitter le gouvernement en nommant de nouveaux ministres à leur place. Pourrait-il recourir à la même tactique trois ans plus tard ?

Peut-être, à en croire une information habilement fuitée à l’express hier. La nomination éventuelle de Bernard Sik Yuen au poste d’Attorney General serait, en effet, l’affront de trop que Xavier Duval ne pourrait tolérer. Mais quelles en seraient les conséquences pour Ramgoolam ? Voir Duval ainsi que Thierry Henri et Aurore Perraud quitter le navire gouvernemental et risquer de se retrouver avec une majorité de 35 députés contre 34 pour l’opposition ?

Le Premier ministre a les plus grandes oreilles du pays. Il sait que certains membres de l’actuelle majorité peuvent profiter de cette situation pour effectuer un saut de l’ange en direction de l’opposition. Renversant du coup son gouvernement. Le patron des rouges ne prendra donc pas le risque de provoquer le PMSD sans s’être assuré de la stabilité de sa majorité au Parlement. C’est ainsi celui qui arrivera à débaucher le plus efficacement chez l’adversaire qui remportera cette manche.

A moins que l’hypothèse la moins probable soit, en fait, la plus réalisable. Lors de la reprise des koz koze entre Ramgoolam et Bérenger en juillet 2012, ce sont les conditions jugées exagérées du patron des mauves qui avaient conduit à l’arrêt des discussions. Deux ans plus tard, confronté à une situation politique plus difficilement gérable mais désireux de rester au pouvoir, Ramgoolam pourrait être beaucoup plus enclin à accepter les exigences jadis écartées. Et si Bérenger était conscient de cela ? Et si c’est lui qui, au final, est en train de mijoter quelque chose ?

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