Le Premier ministre l’a affirmé à plusieurs reprises. La mise sur pied d’une Prosecution Commission « n’a rien à voir avec un cas du DPP devant la Cour suprême ». Cela ne relève pas non plus d’une quelconque « vendetta », comme le suggère Ritesh Ramful. Ce projet, a rappelé sir Anerood Jugnauth avec des coups bien sentis au leader de l’opposition, « est à l’agenda depuis 2003 » à l’initiative de Paul Bérenger lui-même.

Avec des regards appuyés en direction du leader de l’opposition et des « le Premier ministre d’alors et leader de l’opposition actuel » répétés avec emphase, SAJ a refait l’historique du projet de Prosecution Commission. Celui-ci ayant atterri sur le tapis suite à l’abandon, sur avis du Directeur des poursuites publiques (DPP), du procès intenté contre Cehl Meeah.

SAJ n’a pas manqué de citer des déclarations de Bérenger de l’époque relayées par la presse mais aussi au Parlement. Soulignant le fait que ce dernier affirmait que Maurice est le seul pays où le DPP a le pouvoir absolu.

Une ébauche de projet de loi avait d’ailleurs été soumise au gouvernement et Bérenger avait présidé un comité ministériel.

Documents sensibles

Revenant aux discussions actuelles concernant la Prosecution Commission, SAJ a refusé de rendre public, ainsi que le souhaitait Bérenger, tous les documents circulés depuis 2000 sur les amendements proposés à la section 72 de la Constitution, qui concerne les rôles et pouvoirs du DPP. La raison évoquée : ce sont des documents « sensibles ».

Il faudra attendre que le projet de loi soit présenté au Parlement pour connaître les détails relatifs à la Prosecution Commission et aux amendements qui devront être apportés à la Constitution, a insisté SAJ à chaque interpellation réclamant plus d’informations. Le projet de loi devra d’abord être étudié au Conseil des ministres.

Alan Ganoo voulait ainsi savoir qui sera chargé de la nomination des membres de la commission. Tandis que Shakeel Mohamed voulait savoir si l’ébauche du projet de loi à l’étude par le comité que préside SAJ contient une provision selon laquelle l’exécutif, et le Premier ministre participeraient à la sélection des ex-juges qui y siégeront. Et Reza Uteem se demandait si ces derniers jouiraient d’une protection constitutionnelle à l’instar des juges.

SAJ précisera toutefois, dans sa réponse écrite, que le gouvernement « a la ferme intention de créer une Prosecution Commission indépendante ». Et que l’exécutif « n’aura aucune influence » sur son fonctionnement. Cela, contrairement à ce qui avait été envisagé en 2003.

Les affaires Ramgoolam

Les circonstances, martèle Bérenger, sont différentes aujourd’hui. Et s’il est vrai qu’il considérait une telle instance à l’époque, argue le leader de l’opposition, il est clair depuis un jugement de 2006 que les décisions du DPP peuvent être revues. Rendant l’instauration d’une Prosecution Commission « inutile ».

La contestation des décisions du DPP est « très difficile et très rare », et n’intervient que dans des cas exceptionnels et selon certains critères spécifiques (voir réponse écrite du PM plus bas).

Revenant sur ce qui a motivé le retour de la Prosecution Commission sur la table, le leader de l’opposition a relevé, sans faire nommément référence aux charges provisoires rayées contre Navin Ramgoolam, le fait que des membres du gouvernement se disent insatisfaits que le DPP n’ait pas demandé à la police de mieux faire son travail.

Ravi Rutnah avait fait une déclaration en ce sens sur Radio Plus, hier, arguant que les affaires contre Navin Ramgoolam n’étaient toutefois pas les seuls points à peser dans la balance.

SAJ a soutenu ne pas savoir qui a tenu de tels propos, mais réitéré que la Prosecution Commission est un « specific matter » qui n’a rien à voir avec des affaires en Cour.

«Ingérence» et «vendetta»

Ritesh Ramful a, de son côté, rappelé les critiques de membres du gouvernement contre le DPP – dont Roshi Bhadain qui l’a qualifié de « monstre constitutionnel ». Rappelé à l’ordre par Adrien Duval, qui présidait l’Assemblée, le député PTr veut savoir si suite à la tentative ratée d’arrêter Satyajit Boolell, cette Commission n’est pas « une vendetta ». Rappelé à l’ordre de nouveau, Ramful se reprend et se demande s’il y aura « ingérence ».

Réponse du tac-au-tac du Premier ministre : seul quelqu’un de « mentalement perturbé » penserait cela. Devant les protestations de Paul Bérenger et Shakeel Mohamed, Adrien Duval demande au Premier ministre de retirer ses paroles. Ce dernier obtempère avec le sourire, sous les applaudissements des parlementaires de son côté de la Chambre.

Paul Bérenger éclate : « Li fane, letan fini zot aplodi ! »

Ce gouvernement, a fait ressortir le leader de l’opposition sous les grognements venant des travées de la majorité, n’a aucun mandat pour apporter ces changements. Qui ne figuraient ni dans son manifeste électoral, ni dans son programme. L’Alliance Lepep, insiste-t-il, agit « dans la panique » et risque de voir cette commission être contestée devant le Privy Council. Bérenger suggère ainsi d’attendre au moins l’issue du procès dans l’affaire Sun Tan Hotels avant de poursuivre avec ce projet.

« Nous ne paniquons pas », rétorque SAJ, acerbe. « Nous n’agissons pas avec indécence. » Et si contestation il y a devant les Law Lords, on attendra leur décision, a-t-il fait comprendre.

Lire la réponse écrite du Premier ministre ici (PDF).

Photo : Satyajit Boolell, Directeur des poursuites publiques, au sortir de la Cour suprême le 16 juillet 2015. Il y sollicitait une injonction pour interdire, entre autres, son arrestation dans le cadre de l’enquête de la Commission anticorruption sur l’affaire Sun Tan Hotels.

Note (14h05) : Cet article a été mis à jour pour rendre compte de l’ensemble des débats sur cette Private Notice Question.

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