Les défenseurs du patrimoine en sont convaincus. Il y a une réelle volonté de la part des décideurs politiques de réécrire l’histoire de Maurice. Au nom du progrès, ce qui reste de la période française est détruit. C’est le sort réservé à l’ancien Atelier du Génie, aujourd’hui appelé la Caserne Decaen, qui a été abandonné aux marchands ambulants de la capitale et qui fera bientôt place à un centre commercial moderne.

Pourtant, cette bâtisse, répertoriée sur les cartes françaises dès le XIVsiècle, était le lieu où a travaillé l’illustre Jean-Baptiste Lislet Geoffroy, né des amours d’un colon et d’une esclave à l’île Bourbon, qui a donné son nom à plusieurs rues à Maurice et à un lycée à l’île sœur. C’est à peu près le même destin qu’a connu La School à Port-Louis, l’une des plus vieilles bâtisses en bois de cette partie de l’hémisphère Sud, qui a cédé à la place à la nouvelle Cour suprême qui en est voie d’achèvement.

Les trottoirs et les canaux d’évacuation en pierres taillées vieilles de plus de deux siècles – préservés sous d’autres cieux – disparaissent peu à peu sous le béton s’ils ne sont pas tout bonnement volés. Le symbole de ce laisser-aller et du manque flagrant d’entretien est l’hôtel de ville de Curepipe qui est devenu une plaie pour les yeux. Les propriétaires des maisons créoles ne bénéficient d’aucune aide pour la restauration, ce qui assure la lente agonie de leurs demeures.

Le désintérêt pour tout qui remonte à l’époque française se traduit également par les vols et les profanations répétés à l’ancien cimetière de Fort-Blanc. Fondé en 1771 et plus connu comme le cimetière de l’Ouest, les tombes de nombreux notables inscrites comme monuments historiques sont systématiquement pillées. Vols de pierres taillées, caveaux vidés, croix emportés… C’est le lot de ce site qui rassemble le plus grand nombre de monuments en un seul lieu.

A quelques encablures, à Bois-Marchand, les voleurs vont jusqu’à emporter les tombes en pierres taillées des premiers immigrants chinois. On ne respecte plus rien. On enterre notre patrimoine au nom de l’argent facile.

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