Trois options étaient à l’étude. Le divorce à l’amiable, le déclenchement de la procédure de destitution de la présidente prévue par la Constitution ou alors un amendement constitutionnel simplifiant la procédure visant à forcer le retrait de la chef de l’Etat.

L’option lourde et longue d’enclencher l’article 30 de la Constitution pour évincer la présidente de la République a finalement été retenue. Si le gouvernement souhaitait qu’Ameenah Gurib-Fakim ne soit plus en poste au moment de l’arrivée de Ram Nath Kovind, la locataire du Réduit le sera toujours après le départ du chef de l’Etat de l’Inde.

En cause, les précautions requises dans la rédaction de la motion que le Premier ministre devra présenter au Parlement pour demander l’institution du tribunal spécial pour juger la présidente. L’article 30 de la Constitution décrit la motion comme un quasi acte d’accusation contenant les «full particulars» de la raison qu’invoque le chef du gouvernement pour destituer Ameenah Gurib-Fakim.

Or, les tribunaux prévus par la Constitution ont été rarement mis en place. Le seul exemple récent étant le tribunal institué pour limoger Raj Dayal alors qu’il était commissaire de police en 1999. C’est donc avec minutie que la motion devra être rédigée afin d’éviter une contestation juridique prématurée d’Ameenah Gurib-Fakim.

C’est en vertu de l’article 30(1)(a) de la Constitution que la procédure devrait être enclenchée. Si la chef de l’Etat pourra difficilement être accusée d’avoir enfreint la loi suprême du pays, c’est un «serious act of misconduct» qui lui sera très probablement reproché. Ayant utilisé une carte de crédit mise à sa disposition par une institution privée pour effectuer des achats personnels.

Le temps que la motion soit rédigée, peaufinée puis circulée avant la prochaine séance parlementaire, des députés pourraient ne reprendre le chemin de l’Assemblée nationale que vendredi prochain. Si la motion doit fédérer deux tiers du vote des 69 parlementaires actuels pour être adoptée, c’est une quasi-unanimité qui est attendu au Parlement.

D’ici là, l’attitude d’Ivan Collendavelloo en intrigue plus d’un. Durant les discussions qui ont eu lieu lors du Conseil des ministres spécial de ce jeudi 8 mars, s’il y a bien une personne qui s’est prononcée inconditionnellement en faveur de la destitution d’Ameenah Gurib-Fakim, c’est le Deputy Prime minister.

Donné pour être un soutien actif d’Ameenah Gurib-Fakim, même après la déclaration de Pravind Jugnauth à l’effet qu’un consensus règne dans son gouvernement sur le sort de la présidente, le leader du Muvman Liberater a suscité de savants calculs chez ses collègues du gouvernement. Qui estiment qu’il ménage la chèvre et le chou dans l’affaire Platinum Card.

La position d’Ivan Collendavelloo avait conduit certains de ses collègues à effectuer des calculs préliminaires en cas de baroud d’honneur du leader du ML pour défendre sa nominée à la présidence. En effet, selon certains calculs au MSM, deux ministres et un élu du parti de Collendavelloo n’auraient aucun problème à rester au gouvernement si leur leader choisit d’affronter le Premier ministre sur la question de la destitution.

Plus cyniques encore, d’autres élus de la majorité estiment que si la réunion restreinte Jugnauth–Collendavelloo–Gurib-Fakim s’est mal passée, le Premier ministre en est ressorti serein. Cela, malgré une phrase assassine de la locataire du Réduit à l’effet qu’elle trouve étonnant qu’on ne s’en prenne qu’à elle pour ses relations avec Alvaro Sobrinho et non pas à d’autres…

A l’Hôtel du gouvernement, on précise que si la phrase peut être perçue comme menaçante, Pravind Jugnauth n’a pas été incommodé par cette attitude. Car il serait persuadé qu’aucun membre du MSM n’a bénéficié des largesses du milliardaire angolais.

La guerre des nerfs repart donc de plus belle entre la présidence et le Prime minister’s Office. Si Ameenah Gurib-Fakim sera suspendue de ses fonctions dès l’adoption de la motion de Pravind Jugnauth, cette situation ne se matérialisera pas avant une semaine.

Que faire donc pendant la visite d’Etat du président indien? La parade aurait déjà été trouvée. En effet, de manière systématique, la présidente de la République pourrait ne pas être invitée aux événements officiels organisés par le gouvernement. Si la présidence, selon son propre calendrier, organise d’autres activités, ce sont les membres du gouvernement qui auront alors la consigne de boycotter celles-ci.

Photo : La présence d’Ivan Collendavelloo (à g.) à la State House, ce mercredi 7 mars pour le lancement d’un ouvrage sur le château du Réduit, a été diversement commentée. D’autant qu’Ameenah Gurib-Fakim (à dr.) a affiché sa résistance.

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