C’est bien le Supplementary Appropriation Bill qui était le plat du jour à l’Assemblée nationale, ce 16 mai. Introduisant le projet de loi pour rajouter Rs 2,3 milliards au budget national, Pravind Jugnauth détaille à quoi sert cette somme supplémentaire.

Le Premier ministre et ministre des Finances cède sa place à Aadil Ameer Meea. Comptable de formation, le député du MMM décrit le vote de ce budget supplémentaire comme un simple exercice comptable. Une longue explication suivie avec un intérêt mitigé par l’opposition comme par la majorité.

Ce n’est pas le cas lors de l’intervention de Roshi Bhadain. L’ancien ministre MSM ne rate pas une occasion de tirer sur Vishnu Lutchmeenaraidoo et les conséquences de ses décisions, en tant que ministre des Finances d’alors, sur les deniers de l’Etat. Les récriminations de Bhadain laissent Pravind Jugnauth impassible. Son voisin, Ivan Collendavelloo, écoute également sans grande conviction. Seul sir Anerood Jugnauth semble s’amuser de l’ardeur de Roshi Bhadain à critiquer l’actuel ministre des Affaires étrangères.

Loin de s’attaquer au ministre mentor, le député de Belle-Rose/Quatre-Bornes (no 18) loue les engagements pris par l’ancien Premier ministre. «To ti ansam dan konferans depres-la», lui rappelle Showkutally Soodhun. Un commentaire qui plaît moyennement au leader du Reform Party qui suggère au ministre du Logement et des Terres de «al l’Arabie saoudite».

Soodhun prend la mouche : «Ale ta kouyon !» L’expression n’échappe pas à la vigilance de Paul Bérenger. Il réagit immédiatement. «You cannot hear what he said?» reproche le leader du MMM à la Speaker. Visiblement distraite, Maya Hanoomanjee donne la marche à suivre en s’emmêlant les pinceaux : «Honourable leader of the opposition, you can raise a point of order.» La bévue déclenche une franche rigolade dans l’hémicycle.

Mais Hanoomanjee n’en a pas fini avec le vice-Premier ministre. «What did you say?»  demande-t-elle. Soodhun grommelle une réponse inaudible. «What did you say?!» répète la Speaker en durcissant le ton. « Ok, ok. I withdraw», capitule le ministre.

Le discours de Bhadain reprend. Ses explications, parfois techniques, sur l’utilisation de l’argent public dans la Maubank aussi. Ce qui agace Pravind Jugnauth et Mahen Jhugroo. «Vinn pran minister-la to mem», lance le ministre des Collectivités locales. «Pe krwar pe fer miting isi la», renchérit Soodhun.

Bhadain laisse la place à Sudhir Sesungkur. Et sans surprise, l’actuel ministre des Services financiers s’en prend à son prédécesseur. Rappelant le confort dont jouissait ce dernier, notamment avec le motard de la police pour lui ouvrir la route. «Donn li enn», suggère Bhadain en regardant en direction des travées de la majorité.

La fin du discours du ministre des Services financiers marque le début de celui de Shakeel Mohamed. Mais il y a un flottement dans l’air. Le député travailliste n’est pas à sa place. Mahen Jhugroo regarde en direction de la galerie de la presse, voyant les journalistes un peu désorientés, il éclaircit la situation. «Travayis pa pou koze», lance-t-il aux journalistes. Mais le geste du bon samaritain est peu apprécié par la Speaker. «Don’t talk to the press», lui ordonne Maya Hanoomanjee. Renseignement pris, Shakeel Mohamed devait se rendre à son cours de master en droit et a donc renoncé à prendre la parole.

Ezra Jhuboo, l’autre député rouge, qui devait également intervenir plus tard, renonce aussi à son discours. L’important, fait-il savoir, est de poser des questions lors de l’examen en comité du projet de loi et non de redire des arguments déjà évoqués dans les discours précédents.

Enter Ravi Rutnah. Sourire aux lèvres, le député de Piton/Rivière-du-Rempart (no 7) paraît très sûr de lui. Il n’aura pas l’occasion de faire sa prestation sous le regard de Paul Bérenger. Celui-ci s’éclipse juste avant que Rutnah ne commence à parler. Aadil Ameer Meea a également quitté l’hémicycle quelques instants plus tôt.

Ça tombe bien, car Rutnah s’intéresse de très près au discours du député de Port-Louis Maritime/Est (no 3). Tout le monde écoute celui-ci avec la plus grande attention. Car le député du Muvman liberater cite de larges extraits d’un discours prononcé par Kee Chong Lee Kwong Wing au Parlement en 2013. Or, étrangement, des pans entiers du discours prononcé par l’ancien député mauve se sont retrouvés dans celui d’Aadil Ameer Meea. Ravi Rutnah se délecte : il les cite un à un.

L’exercice amuse grandement Pravind Jugnauth et son adjoint. «Copy/paste», rigole Pravind Jugnauth. «Mot à mot», reprend Collendavelloo. Celui-ci frappe son pupitre de satisfaction à chaque fois que son poulain énumère une nouvelle similitude. Soodesh Callichurn est impressionné. «Kot tonn al fer sa bann resers-la ?» demande-t-il à son camarade. Tandis qu’Etienne Sinatambou encourage son voisin, il lui passe son téléphone portable pour qu’il y lise un mot.

La situation amuse grandement le gouvernement. Du côté de l’opposition, Xavier Duval ainsi que les autres membres du PMSD se retiennent de rire. Seuls MMM à l’Assemblée à ce moment-là, Rajesh Bhagwan et Veda Baloomoody font le dos rond en attendant que l’orage passe. Il finit par passer. Rutnah termine son discours sous les tap latab nourris de la majorité. Collendavelloo conclut l’affaire : «Donn mwa to diskour, mo kopye li» lance-t-il à son élu.

Ezra Jhuboo renonçant à prendre la parole, c’est Francisco François qui débute son discours. Mais un petit problème de gorge l’empêche de parler. La Speaker lui suggère de prendre un petit temps de repos, mais le député de Rodrigues, se désolant de n’avoir pas de miel à portée de main, se contente d’un verre d’eau. Mais on ne regarde plus François. Revenant à sa place, Aadil Ameer Meea attire toute l’attention sur lui. Des «hein, han, ala li la, linn vini» fusent des travées du gouvernement.

L’occasion est trop bonne pour ne pas être saisie par Pravind Jugnauth lors de son summing up. «J’ai écouté avec attention le discours de Kee Chong…» explique le Premier ministre, avant de se rattraper. « Pardon, je voulais dire Aadil Ameer Meea…» En face, le député mauve contient son irritation. Le chef de la majorité fait de l’esprit. «The honourable member has worked very hard. He did an extensive research work.»

Voyant Roshi Bhadain revenir également à sa place, Pravind Jugnauth s’intéresse désormais à lui. Il recadre son ancien ministre, affirmant que ce dernier avait déjà dit dans le passé que ce budget supplémentaire serait nécessaire. «Do you want me to quote?» défie le Premier ministre en faisant allusion aux déclarations passées de Bhadain. «Vinn fer face-à-face ek mwa», réplique son interlocuteur

Jugnauth enchaîne en déplorant le comportement de l’ancien ministre des Services financiers. Ce qui conduit ce dernier à invoquer un point of order. Il explique à la Speaker qu’il n’a pas évoqué le comportement du Premier ministre et que ce dernier n’a donc pas à le faire à son sujet, non plus.

L’argument ne convainc pas Maya Hanoomanjee. Pravind Jugnauth renchérit : «You didn’t comment on my comportement because it is korek». Dépité, Bhadain ressort son qualificatif favori à l’égard de son ancien leader : «Pinocchio!» «Kamarad kamaron», tance Mahen Jhugroo pendant que le Premier ministre et ministre des finances conclut son summing up.

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