« A rising tide lifts all boats ». La formule est attribuée à John Kennedy. Elle correspond très bien à ce qu’il s’est produit lors de ces élections générales. Si un tsunami aurait tout balayé sur son passage avec un 60-0, la vague de fond «vire mam» a néanmoins produit des résultats jugés improbables jusque parmi certains proches de l’Alliance Lepep. Comme le 3-0 à Curepipe/Midlands (no 17) et le 2-1 de Beau-Bassin/Petite-Rivière (no 20) où Rajesh Bhagwan campe désormais le rôle de rescapé du MMM. Les analyses approfondies seront effectuées pour expliquer la lourde défaite du bloc PTr-MMM. Mais déjà, quelques observations semblent s’imposer.

C’est l’équivalent d’un 60-0 contre Ramgoolam. Plus qu’une défaite de l’alliance PTr-MMM, c’est à un double désaveu personnel de Navin Ramgoolam que nous avons assisté ce mercredi. Il y a d’abord sa chute, dans une circonscription Pamplemousses/Triolet (no 5) où un Ramgoolam n’avait perdu qu’une fois jusqu’ici, lors du 60-0 de 1982. L’actuel leader du PTr est, lui, balayé par une vague, même pas par un tsunami ! Il y a ensuite le désaveu du leadership de Navin Ramgoolam et de sa stratégie au Parti travailliste. Car non seulement les rouges ont fait élire moins de députés que les mauves [4 contre 9], mais de surcroît, 3 les 4 élus PTr ont bénéficié d’un effet de levier de l’électorat MMM à Port-Louis Sud/Centre (no 2), Port-Louis Maritime/Est (no 3) et Savanne/Rivière-Noire (no 14). De quoi amener le MMM à se demander si son association avec le PTr doit continuer ou pas.

Les turpitudes d’un Ramgoolam impénitent. Si Ramgoolam subit l’équivalent d’un 60-0, c’est largement dû à la manière dont il agit et réagit dans notre environnement politique. Sur le plan personnel, le Premier ministre sortant a semblé se conforter dans l’idée que tout lui est excusable. Aussi bien son penchant pour le bling bling en passant par sa vie personnelle mouvementée. Politiquement, son irrépressible manie [ou besoin ?] de balancer des petites phrases – sur la boxe ou la pêche au requin – a conforté son image d’un opportuniste cynique prêt à transiger et manœuvrer pour être reconduit au pouvoir. Au niveau personnel, les choix de vie de Navin Ramgoolam n’ont trouvé que peu d’écho – voire une franche hostilité ‑ auprès d’une frange de l’électorat traditionnaliste chez qui les valeurs familiales sont ancrées et âprement défendues. Dans un match SAJ-Ramgoolam, le leader de l’Alliance Lepep a donc été de loin le plus rassurant pour cet électorat. Il a donc massivement reporté ses voix vers lui. C’est ce choix qui a fait pencher la balance de manière décisive dans les 10 des 11 circonscriptions où l’Alliance MSM-PMSD-ML a réussi un sans faute.

Un Bérenger faussement conquérant. Face à un Ramgoolam fanfaronneur, Paul Bérenger n’a rien fait pour rétablir l’image de leur tandem. Du haut de ses 45 ans d’expérience politique, le chef du MMM est apparu sûr de tout sur une panoplie de sujets. Des aspects juridiques de la 2e république au psyché des militants du MMM dont Bérenger a manifestement surestimé la capacité de tout lui pardonner. Et c’est pourtant Paul Bérenger qui s’est lui-même insurgé régulièrement contre ceux qui prétendent que « tout est possible en politique ». Sans savoir que pour sa base électorale, son rapprochement avec un PTr jusqu’ici honni a justement illustré puissamment ce même fait. L’ironie est terrible.

Une rupture non consommée. Certes, l’arithmétique électorale – rendue inopérante depuis ce mercredi – voulait que la force combinée du MMM et du PTr rende l’alliance des deux partis imbattable. Toutefois, loin de nourrir un quelconque questionnement sur le bienfondé de leur stratégie de campagne, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont mouliné la thématique de la 2e République et continué à privilégier les attaques contre divers membres de l’Alliance Lepep. Tout en se targuant de leur «brand identities » respectives : Navin le rassembleur, Paul le bosseur.

Ce qui a néanmoins manqué cruellement à ce mouvement, c’est l’idée de rupture. C’était probablement la première chose que le Premier ministre sortant aurait dû faire en annonçant la conclusion de l’alliance clé-cœur : dire de manière forte qu’il a tiré les conséquences de son action passée et conclu l’accord avec le MMM dans le but de rompre avec ce qui a été fait jusqu’ici. Quitte à se déjuger sur des décisions déjà prises. Mais trop sûrs d’eux, les deux hommes ont grosso modo proposé un « more of the same », excepté le réaménagement des pouvoirs au sein de notre République et quelques mesures bonnes dans l’idée mais vagues dans l’execution. Il en fallait plus pour contrer le pragmatisme de SAJ basé sur la rupture totale avec ce que proposait le tandem Ramgoolam-Bérenger.

Un électorat en phase de reconfiguration. Ivan Collendavelloo a été l’un des premiers à le dire : cette élection est une formidable leçon d’humilité pour la classe politique. Elle se complaisait jusqu’ici à penser en termes de socles électoraux plus ou moins stables. Or, l’élection que nous venons de vivre démontre qu’une très large frange des Mauriciens ne se considère pas comme un « dépôt fixe ». C’est le plus bel et important enseignement de la déroute de l’alliance de l’unité et de la modernité.

Il y a, en effet, quelque chose d’excitant dans le fait de savoir que l’électorat peut sanctionner les deux plus importantes formations politiques du pays parce qu’il considère qu’elles ont « fane ». C’est d’excellent augure pour notre avenir politique. Car ce même électorat qui a sanctionné mercredi Ramgoolam et Bérenger pourrait, peut-être à l’avenir, donner la chance à des Mooneeram, des Subron ou des Sheila Bunwaree de le représenter si jamais ceux qu’il a élus en 2014 ne lui donnent pas satisfaction.

Rien que pour cela, il convient de fêter le verdict des urnes !

Facebook Comments