Maurice est cité comme un pays exemplaire, ayant des programmes adéquats pour les personnes qui s’injectent des drogues. Un pays qui propose gratuitement de la méthadone et un service d’échange de seringues aux utilisateurs de drogues injectables en vue d’assurer une meilleure santé aux plus vulnérables et la possibilité d’une réintégration sociale. Mais les Mauriciens comprennent-ils le raisonnement derrière ces services ? Sur le terrain comme sur les réseaux sociaux circulent de nombreux propos discriminatoires et on perçoit une résistance envers ces programmes. Ces questions et commentaires reflètent l’incompréhension des programmes et du traitement de la méthadone.

Voici quelques-unes de ces questions aperçues  sur les réseaux sociaux :

  • Metadonn-la kiete sa ?

La méthadone est un traitement de substitution pour les personnes qui sont dépendantes des opiacés (héroïne, brown sugar). C’est un médicament développé en laboratoire qui permet aux personnes en situation de dépendance aux opiacés (héroïne, brown sugar) de ne pas ressentir les terribles effets du manque (fat yen), donc de ne plus avoir à s’injecter pour pallier ce manque. De ce fait, ce traitement permet aux personnes qui suivent le programme de se stabiliser, de se reconnecter à des services de santé et d’envisager un retour à l’emploi. Quand la personne est stable, un programme de « detox » total est alors envisageable. Ce programme permet également de diminuer fortement la propagation des virus comme le VIH (virus du sida) ou le VHC (virus de l’hépatite C), des virus dont la transmission est liée aux pratiques d’injections.

  • Eski ena zis metadonn comme traitement ?

Non.

Le gouvernement mauricien a choisi la méthadone comme traitement de substitution principalement à cause du rapport coût-efficacité. Cependant, il existe d’autres options comme le Subutex (Buprenorphine)[1], le Suboxone, la Naltrexone qui peuvent être utilisés pour traiter la dépendance. Certaines personnes choisissent aussi d’arrêter de s’injecter en optant pour un « no drugs lifestyle »  avec un solide soutien des centres de réhabilitation.

  •  Si tretman metadonn gratis, kifer ena trafik ?

Effectivement, le trafic de la méthadone existe (comme il existe un détournement de nombreux produits disponibles en pharmacie). Une étude sérieuse sur ce trafic doit être faite mais en attendant, ce sont les usagers des services de méthadone qui font eux-mêmes remonter les informations. La methabave (méthadone recrachée) serait revendue aux personnes qui n’ont aucun accès à ce traitement, tels que les jeunes injecteurs. Des galons de méthadone pure auraient aussi été vus par des usagers dans le cadre de ce trafic, ce qui impliquerait la complicité de personnes chargées de ce programme. Bien souvent, les trafiquants de méthadone visent les personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas commencer ou suivre le traitement de la méthadone.

  • Alor kifer enn dimoun ki pike pou refiz tretman metadonn ?

Il y a plusieurs raisons. La méthadone, comme expliqué plus haut, n’est pas l’unique solution ou l’unique traitement. Certains sont plus à l’aise avec la méthadone, d’autres préfèrent le Subutex.  Certains ont fait le choix de ne plus s’injecter alors que d’autres n’y arrivent pas. D’autres personnes trouvent que l’accès au traitement est assez compliqué : la personne doit être accompagnée pour un processus d’induction qui dure environ deux semaines. Ainsi, la famille est souvent au courant et la communauté voit la personne faire le va-et-vient dans les centres de distribution. Une autre raison souvent évoquée est la rigidité du programme, ne permettant l’utilisation d’aucune autre substance ou l’heure inappropriée à laquelle la méthadone est dispensée (environ une heure par site et tôt le matin). Enfin, ce programme n’est pas accessible aux mineurs.

  • Mo pa krwar program metadonn marse ; enn lazourne zot kas poz devan sant, zot zoure ek takinn tifi dan landrwa.

Environ 6 000 personnes ont commencé le traitement. Beaucoup se sont réintégrés socialement, entourés de leurs proches, familles et amis. Le programme a permis à plusieurs d’entre eux de trouver un emploi et une meilleur stabilité. Pour la très grande majorité, la méthadone fonctionne et atteint ces objectifs. Par contre, une minorité a du mal à trouver cette stabilité et préfère rester avec d’autres personnes qui, comme eux, ont du mal à s’en sortir, et alors restent devant les centres. Clairement, il y a un grand manque de suivi psycho-social adéquat pour ces patients. Il faut également noter qu’une proportion importante de ces patients ne peut pas obtenir de « moralité », donc leur retour à l’emploi est extrêmement compliqué. Cependant, cela n’excuse nullement les insultes et violences verbales ou physiques de certains usagers de méthadone et ces comportements nécessitent parfois d’être rapportés à la police.

  • Mo pa soutir droger mwa, mo pa le mo kas al dan metadonn.

La méthadone est un médicament, tout comme ceux disponibles en pharmacie. Par contre, la méthadone est financée principalement par des fonds internationaux et peu par le ministère de la Santé et de la Qualité de la vie. De plus, toutes les études internationales démontrent que pour chaque roupie investie dans ce programme, ce sont au minimum cinq roupies d’économie que fait l’Etat : économie sur le traitement en lien avec une contamination par le virus du sida ou celui des hépatites. Economie encore sur le coût de la criminalité qui diminue fortement quand ce programme est en place. Sans compter ces millions de roupies qui ne partent pas vers les trafiquants.

  • Ki pou arive si nepli ena metadonn, mo tann dir Gouvernman pe rod aret program metadonn ?

La réponse est très simple : les personnes vont recommencer à s’injecter, il y aura une augmentation de cas d’hépatites C et du VIH-sida parmi les personnes qui s’injectent des drogues et parmi l’ensemble de la population. La criminalité augmentera car les personnes concernées devront à nouveau trouver les ressources pour acheter leurs doses quotidiennes. Le pays ne peut pas se permettre de retourner en arrière en stoppant les programmes qui marchent. Nos lois sur les drogues méritent aujourd’hui d’être évaluées et améliorées en se basant sur les faits pour améliorer la santé publique.

[1] Le Subutex ® est un médicament utilisé couramment et recommandé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) pour le sevrage des personnes dépendantes des opiacés (héroïne et Brown Sugar). Ceci est disponible dans environs 48 pays dont l’Australie, l’Autriche, la Belgique, la Chine (Hong Kong), la République tchèque , le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Islande, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, Israël, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, la Malaisie, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, Singapour, la Slovaquie, la Slovénie, l’Afrique du Sud, la Suède, la Suisse, l’Ukraine, le Royaume Uni et les Etats Unis. https://www.indro-online.de/nia.htm

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