L’instigateur de la manifestation illégale contre la Marche des fiertés en juin dernier à la Place d’Armes, à Port-Louis, s’en tire avec un simple avertissement pour sa manifestation homophobe organisée douze mois plus tôt. «Allah ackar ! Pede nuu pa le ! Malediksion nou pa le!» avait-il scandé à l’époque avec des pancartes réclamant l’instauration de la charia à Maurice, ce qui lui a valu un simple interrogatoire. Les enquêteurs du Central Criminal Investigation Department (CCID) ont préféré passer le dossier au Directeur des poursuites publiques (DPP) pour son «advice».

Le DPP a fini par trancher la semaine dernière, estimant qu’un avertissement fera l’affaire, et il a aussi demandé à la police d’exercer un suivi contre l’indélicat. Javed Meetoo, lui, considère n’avoir rien fait de mal, ayant expliqué à l’express qu’il continuera à faire respecter la «moralité» contre la communauté homosexuelle qu’il qualifie de «bann malpropte».

La décision du DPP laisse le Collectif Arc-en-ciel «circonspect». Même si «on est bien content que la justice se soit saisie des événements de 2017», précise Aschwin Ramenah, manager de l’organisation non gouvernementale qui milite pour les droits LGBTQI (lesbiens, gays, transgenres, queer, intersexe). Des personnes «très menaçantes», rappelle-t-il, avaient organisé une contre-manifestation de moindre ampleur que celle de cette année lors de la Marche des fiertés.

A écouter la déclaration de Javed Meetoo, celui-ci n’a rien fait, souligne-t-il. «Or, la justice reconnaît le fait qu’il a fait quelque chose», d’où l’avertissement dont il a écopé, relève Ramenah. Le Collectif Arc-en-ciel ne compte pas rester les bras croisés. Il travaille actuellement avec plusieurs organisations non gouvernementales en vue d’une révision du Code pénal afin que les crimes de haine ainsi que les propos homophobes et transphobes soient reconnus et sanctionnés.

L’ouverture du ministre Maneesh Gobin sur la question des droits LGBTQI leur donne de l’espoir. Des recommandations ont d’ailleurs été faites depuis plusieurs années au ministère de la Justice, souligne Najeeb Ahmad Fokeerbux de la Young Queer Alliance, qui fait partie des organisations non gouvernementales impliquées sur cette question.

Il fait ressortir que la décision du Directeur des poursuites publiques s’explique par le fait que les violences, qu’elles soient verbales, physiques, émotionnelles ou économiques, ne sont pas encore punissables par la loi sous l’article 282, qui liste les délits liés à l’incitation à la haine raciale.

Du reste, c’est une des recommandations de diverses instances des Nations unies, fait ressortir Najeeb Ahmad Fokeerbux. Cela a été le cas fin 2017, puis cette année encore lors de la présentation du rapport de Maurice au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et celle de l’examen périodique universel. Le pays devra d’ailleurs donner sa position lors de la 40e session du Comité des droits de l’homme, en février 2019.

Les associations ne perdent toutefois pas de vue le fait que les élections générales sont sans doute pour l’année prochaine. Et que cet amendement législatif tant souhaité devra alors être remisé au placard. Ce qui donnera le champ libre à Javed Meetoo, qui n’est autre que le beau-frère de Reaz Lauthan, un extrémiste musulman soupçonné d’avoir perdu la vie après avoir pris les armes aux côtés de l’organisation terroriste Etat islamique (EI) en Syrie.

C’est à cause de Reaz Lauthan et d’un petit groupe d’extrémistes musulmans que le gouvernement mauricien à modifier la loi antiterroriste pour décourager d’éventuels djihadistes de vouloir prendre les armes à l’étranger. Membre du groupuscule Hizb-Ul-Tahrir qui est en faveur de l’instauration d’un califat tel que prôné par l’EI, Reaz Lauthan avait organisé aux lendemains des inondations meurtrières du 30 mars 2013 une manifestation anti-LGBT à Plaine-Verte. Pour lui, l’homosexualité est à l’origine de ce drame qui a causé la mort de onze personnes.

Le centre de Port-Louis semble être l’endroit idéal pour Javed Meetoo pour davantage de visibilité quant à ses actions. Pourtant, Javed Meetoo est sous la surveillance de la cellule antiterroriste depuis ce voyage qu’il a entrepris en famille en Turquie, à la frontière syrienne, en 2015. A ce propos, il avait soutenu être parti à la recherche de son beau-frère, Reaz Lauthan. Il a également été entendu en 2016 pour les coups de feu tirés sur la façade de l’ambassade de France.

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