Pravind Jugnauth ne peut pas prétendre qu’il ignorait être en situation de conflit d’intérêts, a fait valoir à plusieurs reprises le représentant du Directeur des poursuites publiques devant les Law Lords. L’article 13(2) de la Prevention of Corruption Act (PoCA) est clair dans ses provisions «préventives». Elle exclut le «public official» de toute prise de décision dans un processus où il déclare avoir des intérêts. Ceci dans un souci de se garder de la perception d’un acte de corruption, a déclaré Me David Perry devant le Privy Council.

La plus haute instance juridique britannique et du Commonwealth écoute, ce mardi 15 janvier, les arguments dans l’appel du DPP du verdict de la Cour suprême qui a cassé le jugement de culpabilité de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint.

L’article 13(2) de la PoCA «empêche toute exception» pour éviter, d’une part, les erreurs et, d’autre part, la connivence, a fait ressortir le Queen’s Counsel. Ce qui est particulièrement important pour les petits pays comme Maurice. De par la nature restrictive de cette section de la loi, a plaidé le Queen’s Counsel, Pravind Jugnauth ne pouvait plaider la bonne foi. Ni le fait qu’il avait les mains liées du fait que la décision avait été déjà prise et qu’il n’a fait que signer. Le ministre des Finance d’alors ne peut pas non plus dire qu’il ne savait pas. Cet argument de bonne foi fait surface encore «trop souvent» dans d’autres procès pour corruption dans d’autres juridictions, a noté Me Perry.

Bien que ce soit une décision administrative, du fait que la sœur de Pravind Jugnauth est actionnaire de Medpoint, il y a donc conflit d’intérêts ? Lord David Kitchin a voulu éclaircir ce point. Me Perry a acquiescé. Notant que Pravind Jugnauth aurait pu avoir délégué la décision de signer en vue de la réallocation de fonds au secrétaire financier mais ne l’a pas fait, selon ses propres déclarations, car il n’était pas au courant de cette option.

L’un des Law Lords est alors intervenu. Il n’est donc pas question, dans cette affaire, de sa décision de signer mais des différentes décisions dans le processus de rachat ? Cela importe peu, a répondu MPerry.

L’argumentaire de Me Perry n’est pas celui présenté devant la Cour intermédiaire, a fait remarquer le Law Lord. Non, a concédé le représentant du Directeur des poursuites publiques. Mais le gouvernement devait payer ? a demandé Lord Brian Kerr. Oui, a opiné le Queen’s Counsel, en réitérant qu’il faut faire la distinction entre «decisions» et «proceedings».

Vous posez là un cas complètement différent, a interjeté Lord David Lloyd-Jones. Qui avait compris jusque-là que le fond de l’affaire repose sur le fait que Shalini Jugnauth avait un intérêt. David Perry a aussi concédé ce point.

S’il n’y avait pas eu réallocation des fonds du ministère de la Santé pour le rachat de la clinique Medpoint, cette transaction n’aurait pu avoir lieu durant l’année financière 2010. Ce fut l’un des points mis en avant par les magistrats de la Cour intermédiaire dans leur jugement et critiqué par la Cour suprême dans son jugement en appel cassant le verdict. Les juges arguant que la Cour intermédiaire  ne s’était pas appuyée sur des éléments de preuve. Or, les éléments de preuve étaient nombreux et de sources diverses, a argué MDavid Perry devant les Law Lords, ce mardi 15 janvier.

Le Queen’s Counsel a décortiqué ce processus. Soulignant que les témoignages de hauts fonctionnaires des ministères de la Santé et des Finances montrent que le bâtiment du Trésor ne financerait pas le rachat. Or, la Santé disposait de «savings» qui auraient «lapse» si non utilisés au 31 décembre 2010.

Y a-t-il des preuves que Pravind Jugnauth, alors ministre des Finances, était au courant du timing ? a voulu savoir Lord Sir Philip James Sales. Ce qui importe, selon Me Perry, c’est que la question du virement (de l’argent à Medpoint) découle de cette décision. Du reste, si les fonds n’avaient pas été mobilisés ainsi en urgence, il aurait fallu faire voter un budget au Parlement, a argué le Queen’s Counsel.

Lire aussi 

Partie 2 : Clare Montgomery, QC, présente les arguments de la défense de Pravind Jugnauth.

Partie 1 : David Perry, QC, présente les arguments du Directeur des poursuites publiques.

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