Me voilà devant une page blanche, un écran blanc à vrai dire. Les touches du clavier affichent chaque lettre d’un nouveau scénario dans ma vie de blogueur. J’en ai mis du texte sur la Toile, ces dernières années. Je ne volerai pas en solo cette fois-ci. Comment tenir un blog sur un site comme celui-ci ? Ma vie professionnelle a commencé comme journaliste en 1996. Je me suis ensuite tourné vers autre chose. Mon style a beaucoup évolué et la maîtrise est différente. La dimension personnelle et le vécu sont devenus des atouts. Des idées plein la tête, je me suis penché sur tout ce que je pouvais écrire mais j’ai été stoppé dans mon élan ! Par qui ? Par quoi ?

Tout simplement par le qu’en-dira-t-on. Le sous-entendu qu’il faut saisir est que le Mauricien qui est en moi est toujours très présent. Je suis un expatrié profondément attaché à ma terre. La distance exacerbe les sentiments et le rattachement. Comme pour tout bon Mauricien, aucun étranger n’a le droit de dire du mal de mon pays ni de mon peuple. Ceci dit, j’ai deux expériences de vie. Une en Europe, et une à Maurice. Ces deux expériences sont radicalement différentes et composées de deux cultures diamétralement opposées. Cette question de culture est quelque chose de difficile à gérer quand on commence à s’exprimer publiquement, chose que je fais en ce moment même.

Consommateur et acteur de médias en ligne, je suis au fait du profond changement qu’a apporté Internet dans la vie des médias. La « communauté » est devenue un élément déterminant dans la popularité des sites. Cette « communauté » est basée sur le partage et la critique, constructive dans l’absolu, négative et gratuite dans beaucoup de cas. Elle a même droit de vie ou de mort. On peut donc aimer comme haïr la « communauté ». J’ai lu un bon nombre de commentaires de Mauriciens face aux paroles d’expatriés. Le thème général est : « Cette personne a quitté le pays depuis trop longtemps et est déconnectée de la réalité du pays, elle ne comprend plus comment fonctionne la société et a une vision d’étranger. » Et c’est là la source de mon inquiétude.

J’ai déjà fait face à beaucoup de critiques sur la Toile, des attaques gratuites, des insultes, des mails me promettant maintes douleurs physiques même. Il faut faire preuve d’ouverture d’esprit et de « positivité » pour désamorcer les conflits qui peuvent prendre une ampleur incontrôlable en ligne. Ma première crainte s’est manifestée en ces termes : quelle sera la réaction des personnes quand je dirai quelque chose de négatif sur mon pays ? Je défends ma chapelle, l’île Maurice, mais je suis aussi conscient de ses problèmes, de ses lacunes, de ses difficultés et de la particularité de sa manière de penser. Dire quelque chose de négatif en tant qu’expatrié me met dans la position de « l’étranger » à qui j’interdis de dire du mal de mon pays.

Serai-je donc lynché sur la place publique du Web et des réseaux sociaux pour avoir osé dire certaines choses que je vois différemment après avoir vécu d’autres expériences ailleurs ? Soit. Ce sera le fardeau à porter dans ce nouveau rôle. Cela me renvoie à mes années de collège quand j’étudiais L’étranger d’Albert Camus pour le HSC. L’ironie du sort dans toute sa splendeur.

Bienvenue dans notre nouvelle aventure.

 

Sachin Brojmohun

 

 

Professionnel du Web, je suis aussi blogueur et passionné de musique. Les cheminements de la vie m’ont amené à vivre en Europe mais je conserve un lien fort avec ma terre natale, l’île Maurice. Ce que vous lirez de moi sur ce blog sont des réflexions sur le fait d’être Mauricien ailleurs qu’à Maurice.

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