23% en 10 ans. C’est l’augmentation des subventions de l’Etat aux religions reconnues entre 2008 et 2018. De Rs 69 millions, l’appui budgétaire global s’élève désormais à Rs 85 millions. Récemment, le Premier ministre a rencontré des représentants du mouvement pentecôtiste à Maurice. Afin, notamment, d’écouter leurs arguments en faveur de leur reconnaissance officielle. Un proche de l’Assemblée de Dieu nous a rapidement fait savoir que «les églises pentecôtistes ne veulent pas de subventions de l’Etat». Soit. La reconnaissance implique malgré tout des avantages financiers.

Ils prennent diverses formes : exemption sur la TVA, absence de frais d’enregistrement sur l’achat de biens immobiliers ou encore acquisition de véhicules hors taxes. Pourquoi les églises pentecôtistes et évangéliques devraient-elles être exclues par l’Etat ? Lors du recensement de la population en 2011, plus de 21 000 Mauriciens s’étaient identifiés à ces mouvements. Ils seront sans doute bien plus nombreux lors du prochain exercice.

Les questions de la représentativité et de l’égalité ont été posées en 1955 par Sookdeo Bissoondoyal. Il avait souligné l’injustice de l’autorité coloniale qui soutenait alors financièrement exclusivement les églises catholiques et anglicanes. Les aides publiques ont alors été étendues aux musulmans et aux hindous du pays. Alors incapables de pourvoir directement et généreusement au financement de leurs cultes respectifs.

63 ans plus tard, la situation a bien changé. Ce sont les contributions et la dîme des fidèles et généreux mécènes qui permettent aux associations religieuses d’investir – parfois massivement – dans des projets de développement. Malgré cela, la relation pécuniaire avec l’Etat est demeurée intacte. Dans trop de cas, cette relation a même débouché sur une interdépendance. Transformant certaines fédérations religieuses en succursales des partis. Les leaders politiques se chargeant de récompenser leurs dirigeants avec des nominations ou, parfois, en favorisant leur business… voire leurs poulains pour l’obtention d’un ticket aux législatives.

Le système fonctionne et les politiques – surtout quand ils sont au pouvoir – en prennent avantage. C’est déjà là une raison suffisante pour s’en défaire. Il existe néanmoins une raison supplémentaire : découlant une nouvelle fois des principes de l’égalité et de la représentativité. En 2011, malgré le fait qu’à Maurice, religiosité ostentatoire rime avec respectabilité présumée, 10 000 personnes ont dit n’appartenir à aucun culte. Pourquoi donc une partie des taxes et de l’impôt qu’ils reversent à l’Etat doit-elle donc aller à des religions ?

C’est du contrat social que découle l’obligation du contribuable de participer au financement des prestations de l’Etat dans la santé, l’éducation, la sécurité ou encore la solidarité. La religion serait-elle donc un service essentiel que le citoyen est tenu de financer au titre du contrat social ? Alors même que la Constitution lui permet d’avoir une religion… ou pas.  Il y a cinq ans, alors députée travailliste, Nita Deerpalsing avait déposé une motion au Parlement pour, entre autres, abolir la subvention aux religions. Sa majorité ne l’avait pas suivie.

Une réforme de l’aide de l’Etat à la religion est toutefois aussi faisable que souhaitable. Il y a même deux modèles intéressants à suivre. Le plus rationnel et pratique est celui du kirchensteuer allemand. Il permet à chaque contribuable de ce pays de préciser son appartenance religieuse sur sa fiche d’impôt. Ce qui amène alors le Trésor à reverser une part de l’impôt du contribuable au culte auquel il s’identifie et qui aura été préalablement enregistré auprès de l’administration publique. Vu le degré d’efficacité déjà atteint par la Mauritius Revenue Authority, cette solution pourrait être rapidement et facilement mise en œuvre dans le contexte local.

Le deuxième modèle est plus familier aux Mauriciens. Les antireligieux et anticléricaux primaires pourront le nier. Toutefois, il faut bien admettre que des organisations musulmanes, chrétiennes, bouddhistes ou hindoues ont une réelle fonction sociale et abattent dans certains cas un travail admirable qu’il faut encourager. Pourquoi donc ne pas les financer directement sur la base de projets clairement identifiés et balisés financièrement ? Dans des domaines aussi variés que le combat contre la pauvreté et l’exclusion ; la réduction des risques ; la promotion de l’interculturalité ou l’enseignement religieux ?

Avec sa politique favorisant notre nasion zougader, le gouvernement assure depuis peu des revenus additionnels au fonds CSR national. L’Etat peut encore dépenser judicieusement une partie de cet argent en soutenant les projets viables et valables d’associations religieuses. Il y a toutefois peu de chance que cet argumentaire trouve une quelconque résonance auprès d’un Premier ministre.

De Sir Seewoosagur Ramgoolam à Pravind Jugnauth, tous ont été de faux prophètes qui ont entretenu une relation symbiotique avec des responsables religieux. Prônant, en public, un discours d’unité et d’égalité. Puis pactisant, en privé, avec des responsables religieux pressés d’obtenir leur part du Trésor public.

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