Ensam , The Liberals, Muvman Liberater…. Il ne se passe quasiment plus une semaine sans que n’éclose un nouveau parti politique. Le dégoût qu’éprouve une partie des Mauriciens face aux contorsions de nos principaux partis politiques fait son œuvre. Ces jeunes formations quittent leurs univers virtuels et leurs réunions entre « like-minded people » pour se faire connaître de ceux qui – espèrent-elles – voteront bientôt pour elles.

Nous ne rendrons pas service à ces jeunes formations si nous nous contentons de leur souhaiter bienvenue et bon vent. Un petit « wake up call » est nécessaire. Petite visite guidée des réalités de notre paysage politique…

Le défi de transformer le dégoût en soutien. Aucun sondage n’arrivera à estimer avec précision le comportement des Mauriciens dans l’isoloir aux prochaines élections. Si le taux d’abstention oscille d’habitude autour de 20%, le dégoût populaire pourrait se traduire par un taux plus important lors des scrutins à venir. Or, un fort taux d’abstention nuira aux nouveaux partis politiques. Car l’enjeu des élections est clair : convaincre les électeurs habituels de ne pas s’abstenir et de leur confier leur vote. C’est un pari difficile que de persuader les 10 à 15% de nouveaux abstentionnistes potentiels.

Les nouveaux partis devront les convaincre qu’ils « mean business » à travers des programmes clairs qu’ils auront l’obligation de faire connaître du grand public. Celui-ci a la fâcheuse habitude ne pas s’intéresser aux programmes. Pour changer cela, les cadres et les militants de ces partis devront occuper le terrain politique et médiatique en permanence, afin de rencontrer et de convaincre le public. Cette phase leur permettra sans doute de constater bien des réalités électorales locales…

L’enjeu du financement. Les nouveaux mouvements découvrent déjà que leurs activités – de la publication d’affiches à la location de matériel de sonorisation – nécessitent un budget non négligeable. Puisque nous ne sommes pas encore en période électorale, les cotisations de leurs membres et de quelques généreux donateurs suffisent pour le moment à financer leurs activités.

A l’approche des scrutins, la situation changera. Les sommes à débourser devenant plus importantes, on fera alors davantage appel aux mécènes du secteur privé. Si quelques-uns joueront le jeu, d’autres choisiront la neutralité afin de ne pas s’exposer à de quelconques représailles économiques de l’alliance gagnante. L’argent est le nerf des guerres – y compris électorales. Le défi est donc de trouver des sources de financement fiables et pérennes. Il sera compliqué à relever.

L’apprentissage des coutumes électorales. Certes, il s’agit de faire de la politique autrement. Mais il faudra aussi réaliser que l’électeur de base n’est pas un adepte des grands principes ni soucieux de l’intérêt général avant toute chose. Tout au contraire, quand il n’est pas sensible aux avantages sonnants et trébuchants, l’électeur l’est devant la perspective d’un job, d’un permis, voire d’une route asphaltée dans son quartier.

Les nouveaux partis politiques auront ainsi à composer avec les machines électorales dont l’une des fonctions est de distribuer ce qu’on doit bien qualifier de « bribes » électoraux. Le défi est bien évidemment de ne pas s’aligner sur les partis installés en promettant monts et merveilles aux électeurs, mais plutôt de les éduquer à ne pas réclamer des avantages aux partis installés. C’est peut-être le défi le plus difficile à relever. Car de nombreux bien-pensants se sont découragés en constatant que c’est le comportement opportuniste de nombreux électeurs qui amène les partis politiques installés à « acheter » leurs votes.

Echouer seul ou réussir (partiellement) en alliance ? A ce jour, aucun des mouvements naissants ne dispose d’assez de soutien électoral pour faire élire un député au Parlement. C’est probablement ce réalisme qui a poussé Ivan Collendavelloso à envisager une collaboration avec le MSM. Seul le Muvman Liberater a tenu ce discours jusqu’ici. Les autres nouvelles formations préfèrent, elles, mobiliser l’électorat en solo.

Cette stratégie a ses limites. Car s’il est évident que les nouvelles formations auront peu de mal à se différencier des partis politiques installé, il leur faudra par contre convaincre l’électeur de les choisir plutôt que de voter pour une autre formation naissante. Pour cela, certains mettront en avant leurs qualités de leaders, d’autres la pertinence de leurs programmes, voire les faiblesses de celui des adversaires. Il y a de fortes chances que tous les nouveaux arrivants sur la scène politique en fasse de même… et finissent par récolter chacun moins d’un pourcent des suffrages exprimés.

Le réalisme dicte, en effet, que les nouvelles formations agrègent le sentiment de ras-le-bol vis-à-vis des partis existants. Mais le Muvman Liberater a déjà démontré que la cohabitation de personnalités fortes dans une formation politique jeune est compliquée à gérer. Il faut maintenant envisager les conflits potentiels au sein d’un front commun regroupant trois différentes équipes ou plus.

Il n’y en aura peut-être pas. Pour le vérifier, il faudra sans doute tenter l’initiative. Les nouveaux partis n’ont pas d’autres choix s’ils prétendent jouer un vrai rôle lors des prochains scrutins.

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