Depuis deux semaines, le député de Belle-Rose/Quatre-Bornes (n18) brandit ce qu’on doit bien appeler une menace. Celle de démissionner et provoquer une partielle dans la circonscription si jamais le gouvernement avalise la dernière version discutée du Metro Express. C’est-à-dire avec des tronçons traversant les centres-villes en longeant les routes principales. Sur papier, la posture de Roshi Bhadain est courageuse, voire noble. En pratique, ses chances de se faire réélire semblent cependant faibles.

Car la prémisse du raisonnement du leader du Reform Party est erronée. Il connaît sans doute très bien celui qui était son ami jusqu’à il n’y a pas si longtemps. C’est ce qui le conduit probablement à penser que, défié dans un mano a mano électoral au numéro 18, Pravind Jugnauth se fera un devoir d’y aligner un candidat du MSM pour reprendre le siège de Bhadain. Faute de quoi, le Premier ministre passera pour un lâche qui craint d’affronter l’électorat. Cette logique simpliste repose sur le fait que Pravind Jugnauth ne réagira qu’en patron de parti et à chaud. Mais sa fonction de Premier ministre change tout.

Il y a ainsi de fortes chances que le MSM renonce à participer à la bataille provoquée par Bhadain. L’argumentaire du gouvernement et de son chef est tout trouvé. D’abord, une partielle coûte de l’argent : Rs 12 millions à Rs 15 millions. Une dépense inutile que Bhadain n’aurait pas dû imposer aux contribuables, accuseront les cadres du parti soleil. Car après tout, dans le pire des cas, le siège laissé vacant par Bhadain reviendra à l’opposition. Ce qui ne changera rien aux rapports de force au Parlement.

Ensuite, si Bhadain persiste, Jugnauth aura tout le loisir d’invoquer une seconde raison. Accaparé par la mise en œuvre de son Budget, des grands projets déjà annoncés mais aussi par les affaires courantes de l’Etat, le chef du gouvernement n’a pas le loisir de se laisser happer par une campagne électorale d’un mois. C’est ce qu’il dira également au sujet de ses ministres pour expliquer pourquoi eux, non plus, ne peuvent se permettre de se dissiper lors d’une partielle.

Le lion Bhadain se retrouvera donc à rugir seul. Enfin, pas vraiment. Car Paul Bérenger a déjà fait savoir qu’en cas de démission de l’ancien ministre de la Bonne gouvernance, le MMM alignera un candidat lors de la partielle. Il ne fait aucun doute que les mauves porteront leur choix sur une personne au profil ethnique similaire à celui de Roshi Bhadain. Probablement une sorte de Satish Boolell, aussi à l’aise dans les quartiers bourgeois de Sodnac que dans le milieu ouvrier de Résidence Kennedy. A moins que Vijay Makhan, déjà candidat dans la circonscription en 2010, ne rempile.

Si Arvin Boolell semble être le candidat de facto des travaillistes, Navin Ramgoolam pourrait le priver de la course. Non pas parce que ses chances de réussite sont minces. Mais plutôt histoire d’éviter qu’élu, le seul travailliste plus ou moins populaire brille en tant que patron légitime des rouges à l’Assemblée nationale… voire au-delà.

Face à deux partis traditionnels qui ont à de nombreuses reprises remporté l’adhésion populaire au numéro 18, Roshi Bhadain tente finalement un pari très risqué. Si on ajoute à cela la possibilité que le MSM soutienne en douce le candidat mauve, le leader du Reform Party s’expose à faire de l’opposition extraparlementaire pour quelque temps.

Loin d’être une bonne opération pour Bhadain, la partielle pourrait plutôt accélérer un réalignement politique. Au MSM, certaines voix laissent clairement entendre qu’une alliance avec le MMM est aussi légitime qu’inévitable. On pousse la logique jusqu’à dresser un parallèle avec une autre partielle heureuse pour le parti soleil. Celle du 1er mars 2009, qui avait permis à Pravind Jugnauth de remporter les scrutins à Moka/Quartier-Militaire (n8) face à Ashock Jugnauth. Une victoire confortable – 52% des suffrages pour l’actuel Premier ministre contre 42% pour son adversaire – acquise grâce au soutien actif du Parti travailliste. Navin Ramgoolam n’avait pas aligné de candidat en 2009, suivant le raisonnement que pourrait lui emprunter Jugnauth.

Tout ce que vous venez de lire pourrait, néanmoins, n’être que conjecture. Car Roshi Bhadain a affirmé à plusieurs reprises que ce sont les perturbations conséquentes que le projet Metro Express causerait à la vie des habitants de sa circonscription qui le conduiraient à démissionner. Or, une surprise pourrait l’attendre. L’attitude de Pravind Jugnauth lors de sa conférence de presse de lundi dernier a été insuffisamment commentée. Le Premier ministre s’est, en effet, gardé d’indiquer la valeur précise du projet Metro Express. Évitant soigneusement d’évoquer une camisole budgétaire de Rs 17 milliards.

A voir les récents développements, notamment avec la ligne de crédit de l’Inde, il ne serait même pas étonnant que le Premier ministre annonce que c’est une version revalorisée du projet qui va être mise en œuvre. Par exemple, avec des portions de rails sur pilotis. Ce qui incommodera alors bien moins les riverains tout en préservant quelques lieux actuellement voués à disparaître.

A bien y voir, Bhadain ne court pas seulement le risque d’une contre-performance à la partielle qu’il veut provoquer. Mais finalement, celui de ne plus avoir de raison de faire cela…

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