La journée du jeudi 31 octobre s’annonçait particulièrement sous tension à Ouagadougou. Cela en raison du vote prévu, au Parlement, d’une révision constitutionnelle qui permettrait au président Blaise Compaoré de briguer un cinquième mandat l’année prochaine. Le vote a finalement été suspendu, l’Assemblée nationale dissoute, le pays placé en état d’urgence… Mais que s’est-il passé au Burkina Faso en pas même 24 heures ?

Blaise Compaoré est au pouvoir depuis 27 ans. Il dirige le pays la première fois en 1987 suite à un coup d’Etat sanglant. Puis est élu président en 1991, cumulant consécutivement deux septennats. Avant de rempiler pour cinq ans en 2005 puis en 2010, la loi ayant été amendée en 2000 pour limiter le mandat présidentiel – désormais quinquennal – à deux termes.

Compaoré souhaitait toutefois être de nouveau candidat à sa succession. D’où le vote prévu dans la capitale burkinabè, hier, et le rassemblement devant le Parlement de citoyens qui s’y opposent. Car les protestations contre cet amendement ont commencé il y a un an déjà, nourries par une hausse du coût de la vie. Et déjà, ce mardi, Ouagadougou est secouée par de violents heurts entre des jeunes et les forces de l’ordre.

Ce jeudi 31 octobre, le vote, prévu pour 16h, est avancé à 10h. Petit à petit, une foule s’amasse devant le Parlement. Quelques manifestants parviennent à s’introduire dans le bâtiment. Le vote est annulé. Mais la situation dégénère rapidement. La violence éclate. Les manifestants, qui réclament la démission de Compaoré, prennent d’assaut le Parlement, le mettent à sac avant d’y mettre le feu de même qu’à d’autres bâtiments gouvernementaux.

Les soldats ont fait usage de gaz lacrymogène et ont tiré sur la foule pour tenter de disperser les manifestants, selon la BBC. L’Hôtel de ville, les domiciles de députés ainsi qu’un hôtel ont également été incendiés.

burkina parlement mis a sac via BBC 2

Photo (AFP) : Une partie du Parlement, à Ouagadougou, a été incendié.

Le président décrète finalement l’état de siège et l’état d’urgence, puis la dissolution du Parlement « afin de créer les conditions pour le changement ». Indiquant dans le même communiqué que le chef des armées est chargé de mettre en place cette décision. Compaoré lance également un appel aux leaders des partis d’opposition pour qu’ils mettent fin aux manifestations.

Lors d’un point de presse, le général Honoré Traoré annonce, en effet, l’entrée en vigueur d’un couvre-feu. Il indique qu’« un gouvernement de transition » sera mis sur pied « après consultation avec toutes les parties ». Et dit s’attendre à un « retour à l’ordre constitutionnel dans pas plus de 12 mois ».

Malgré les appels du peuple en ce sens, le président Compaoré ne compte pas démissionner de sitôt. Dans une déclaration télévisée en soirée, il a déclaré qu’il « transmettr[a] le pouvoir au président démocratiquement élu ». Et ajouté qu’il retirait « le projet de loi contesté » et compte « procéder à son annulation ». Compaoré invite également l’opposition à amorcer le dialogue.

Pour le chef de file de l’opposition, l’état d’urgence est inacceptable. « Nous lançons un appel au peuple pour qu’il montre qu’il est contre », a déclaré Zéphirin Diabré à une radio locale. « Seule la démission du président Blaise Compaoré apportera la paix au pays. »

burkina via BBC 3

On ignore encore le nombre de victimes suite aux violences qui ont secoué Ouagadougou. Un correspondant de BBC Afrique fait état d’au moins un mort. Tandis que Zéphirin Diabré parle de douzaines de personnes tuées à travers le pays lors des affrontements avec les forces de sécurité. Des manifestations ont, en effet, éclaté dans d’autres villes. RFI indique que « de source diplomatique, les violences de la journée auraient fait une vingtaine de morts et une quarantaine de blessés dans le pays ».

Mohamed Ibn Chambas, émissaire des Nations unies, devrait se rendre aujourd’hui au Burkina Faso pour tenter d’apaiser la crise.

Sources : BBC, RFI, Le Monde – Photos : AFP

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