Le sentiment d’avoir du pouvoir et de l’influence doit être grisant. C’est sans doute pourquoi ceux qui disposent de l’un ou de l’autre finissent par avoir un comportement ostensiblement choquant, frisant parfois l’irrationnel. Trois exemples nous viennent en tête…

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Commençons par une devinette. Qui a dit : « il a tenu des propos choquants en défendant bec et ongles le comportement de Vijaya Sumputh » ? Ou encore : « c’est étonnant qu’il jure fidélité à Vijaya Sumputh plutôt qu’au… » Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces propos n’ont pas été tenus avant-hier par Paul Bérenger ou Arvin Boolell mais le 12 décembre 2005 par Pravind Jugnauth. Celui-ci commentait ainsi durement l’attitude d’Anil Gayan lors de l’annonce de l’expulsion de ce dernier du MSM.

Dix ans après, la fidélité de Gayan à Vijaya Sumputh s’exprime avec tout autant de passion. Gare à ceux, dans la presse ou dans le monde politique, qui voudraient questionner la nomination de la dame. Car l’honorable ministre de la Santé nous fera alors comprendre qu’un député « non hindou » n’a pas à « attaquer » sa protégée. Comme s’il existait une présomption de racisme dès qu’une personne critique une autre de confession différente. Cela en dit long sur la hauteur de réflexion de Gayan. Tout comme son utilisation, en plein Parlement, de termes exquis comme « virgin prostitutes » [voir son « discours » au Parlement ici]. Expression qu’on entend volontiers de « soular anba laboutik » plutôt que d’un « honourable member » de notre auguste Assemblée.

En 2005, Gayan se faisait éjecter du MSM par Pravind Jugnauth à cause de son incapacité de discernement par rapport à Vijaya Sumputh. Dix ans après, un autre Jugnauth pourrait bien lui rappeler que la même attitude peut avoir le même type de conséquences…

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On ne peut toutefois s’en prendre qu’aux politiques sans faire notre propre mea culpa. C’est que notre profession, au moment où le Media Trust est ressuscité, offre un triste spectacle aux lecteurs et à l’auditoire qui s’attendent à un haut niveau de professionnalisme, d’indépendance et d’éthique de LEUR presse.

Il y a bien évidemment cet exode massif de professionnels attirés par le chant des sirènes de l’Hôtel du gouvernement. Certes, parmi les nouveaux « advisers » et « attachés de presse », certains n’ont a priori pas de réelle affinité politique avec le pouvoir. Ils sont partis parce que leur lieu de travail précédent ne leur apportait plus de satisfaction ni professionnelle, ni personnelle et encore moins financière. D’autres, par contre, se sont forgés leur voie à coup d’écrits flatteurs et de courbettes quotidiennes devant leurs champions respectifs dès la campagne électorale.

Puis, il y a ceux dont l’éthique a touché les bas fonds depuis belle lurette. Au fil des ans, ils sont passés maître dans l’art des quêtes auprès des politiques pour payer une facture (fictive) d’électricité ou effectuer une petite contribution aux frais des funérailles d’un « ti-malere » de la localité qui décède opportunément 6 ou 7 fois l’an. Ceux qui sont dans l’opposition aujourd’hui ont payé hier. Ceux qui sont au pouvoir maintenant continueront à débourser demain.

Ces mercenaires qui ont transformé leurs rubriques ou émissions en vomitorium à l’égard des adversaires de leurs maîtres s’attendent bien évidemment à des récompenses symboliques ou alors bien concrètes. Allant jusqu’à avoir l’outrecuidance de lorgner une nomination à la présidence du Media Trust ou alors de penser que leur connaissance des problèmes « lepep » leur confère la légitimité de diriger des institutions comme la National Empowerment Foundation.

Sir Anerood Jugnauth est toutefois un vieux renard, il n’est pas non plus entouré que de niais. Il y a fort à parier que derrière leur complaisance à se laisser photographier avec ces mercenaires, un verre de whisky à la main, se cache probablement une stratégie de « trap labouzi rouz atann mam ». Le pari peut toutefois être risqué, car les mercenaires connaissent l’art du chantage. Toute promesse de récompense non honorée pourrait, en effet, conduire ceux-là même qui encensaient l’Alliance Lepep hier à la descendre en flammes demain.

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Payer pour se faire flatter. C’est pendant longtemps l’attitude qu’a cultivé le groupe BAI. Mécontente du traitement qui lui était accordé, le groupe a allègrement manié la carotte et le bâton. Bonne couverture = pluie de pubs. Mauvaise couverture = boycott publicitaire. L’arrogance, provenant de sa proximité avec le pouvoir et de ses capacités financières hors normes à l’époque, avait même conduit le groupe à vouloir prendre le contrôle d’entreprises de presse jugées hostiles à travers des exercices de rachats d’actions. Quand ce n’était pas des rêveries de créer un nouveau groupe de presse susceptible de rivaliser avec ceux existants. Mais la bulle a éclaté. L’arrogance d’hier a cédé la place à la docilité, voire à une certaine humilité feinte aujourd’hui. Face à un gouvernement déterminé à explorer les fins fonds de la sombre nébuleuse financière.

Le groupe BAI illustre formidablement bien un principe que les astronomes ont découvert depuis longtemps : l’expansion d’un univers n’est pas infinie. Après le big bang survient le big crunch. C’est probablement une belle leçon que doivent retenir politiques, journalistes ou hommes d’affaires qui connaîtront dans les semaines et années à venir une croissance soutenue grâce à leur proximité ou même leur parrainage provenant du pouvoir.

Tout ce qui monte doit descendre. C’est une loi de la physique. Tout le monde le sait, sauf ceux dont latet finn devire mam !

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