Nouveau nom. Nouveau logo. L’ancienne «Soap Shop» fait peau neuve et devient La Savonnerie créole. La créativité n’était toutefois pas au rendez-vous en ce qui concerne le logo… La polémique a éclaté sur les réseaux sociaux quelques jours avant l’inauguration de la nouvelle boutique, à Vacoas.
Le logo montre une femme souriante, coiffée d’un fichu, à la peau noire… Une image qui passe très mal auprès de certaines clientes de l’ancienne «Soap Shop», pourtant satisfaites des produits utilisés jusqu’ici et même offerts. La raison : la photo est celle de Wangari Maathai, activiste écologiste kenyane et prix Nobel de la paix en 2004 décédée il y a sept ans.
[blocktext align=”right”]Qui est Wangari Maathai ?
Wangari Maathai était une activiste écologiste kenyane. Elle a été la première femme africaine à avoir reçu, le 8 octobre 2004, le Prix Nobel de la paix pour son engagement au bénéfice de l’environnement. Elle crée en 1977 le Green Belt Movement qui œuvre pour la conservation de l’environnement et la création d’emploi pour les femmes. Elle décède en 2011 des suites d’un cancer à l’âge de 71 ans. L’activiste kenyane a été la première femme africaine détentrice d’un doctorat et a dirigé la Croix Rouge africaine durant les années 1970. [/blocktext]
Lise Maujean, la créatrice et cheville ouvrière de cette petite entreprise, reste fidèle aux créations qui ont fait son succès sous l’enseigne «The Soap Shop» : des savons aux formes ludiques et gourmandes, des ingrédients 100% naturels et délicatement parfumés, des compositions inventives… Mais pour marquer son partenariat avec Espace Maison, il fallait revoir le packaging. La nouvelle compagnie est enregistrée en mars dernier, le logo revu pour accommoder l’image d’une femme.
Préjugés et stéréotypes
Nazia (*prénom modifié) dénonce une utilisation abusive et «non éthique» de l’image de cette activiste à des fins marketing. L’une des premières à avoir signalé son mécontentement sur la page Facebook de la marque, elle ne cache pas sa déception. Car outre l’ignorance autour de la personnalité de Maathai, ce rebranding dénote également les «préjugés» et les «privilèges», conscients ou inconscients, vis-à-vis des personnes de couleur, soutient notre interlocutrice. Des préjugés et des privilèges qui sont «à la base des stéréotypes et, pour aller plus loin, du racisme», fait ressortir l’étudiante.
Ces interactions avec la «direction» de La Savonnerie créole, sur Facebook, laissent à Nazia un goût amer. Depuis, le logo a été changé, a indiqué Benoit Béchard, directeur général d’Espace Maison. Il reconnaît l’erreur et assure avoir pris en considération l’avis des consommateurs et la «susceptibilité» de certains clients.
Les précisions de Nazia sur Maathai et ses questions se sont heurtées à une forme d’aveuglement, fait-elle comprendre. «Les réalisations de Maathai ne sont pas importantes. Ce qui importe, c’est le fait qu’elle soit ‘belle’ et ‘fait tropicale’», dit-elle.
La déception est tout aussi grande chez Helena Lutchman. Férue de ces savons naturels, le rebranding qu’elle découvre il y a quelques jours seulement suscite chez elle «gêne» et «dégoût». Ce qui l’interpelle, tout comme Nazia : l’association femme – africaine – créole. «Ils utilisent une ethnicité pour leur branding, une question identitaire devient un outil marketing», déplore la jeune femme.
«Erreur involontaire»
Une première explication de la boutique selon laquelle le logo est une création originale et «toute ressemblance entre Wangari Maathai et la représentée sur le logo est une simple coïncidence» ne la satisfait pas. Encore moins, que l’entreprise finit par répondre que toutes les procédures et lois ont été respectées sur le plan local quant à l’utilisation de l’image de Maathai, «qui est protégée par une fondation», dit Lutchman. Elle a d’ailleurs, comme d’autres internautes, rapporté La Savonnerie créole à la Fondation Wangari Maathai.
Ce qui fait finalement sortir Helena Lutchman de ses gonds ? Le designer du logo finit par attaquer personnellement une internaute qui a dénoncé l’usage du logo (il s’excusera quelques heures plus tard sur le même post). Tout en admettant qu’il a trouvé sur le Net «la photo de cette belle femme» qu’il ne connaissait pas mais qu’il a «beaucoup modifiée» car il pensait que cela ne poserait pas problème. Le designer, qui précise ne pas faire partie de La Savonnerie créole ni d’Espace Maison, plaide l’«erreur involontaire»…
La page Facebook de la Savonnerie créole a été désactivée deux jours avant l’inauguration du 28 juin.
Dans les règles
Tout a été fait dans les règles, martèle Benoit Béchard, lors de l’incorporation de la petite entreprise. Enregistrement du trademark, recherche de la part des autorités, publication d’un avis dans les journaux… A aucun moment, ajoute le directeur général d’Espace Maison, la société n’a voulu s’approprier ce portrait d’artiste qu’elle a acheté.
Espace Maison a pris sous son aile la Savonnerie créole parce que le développement des petits artisans et des métiers traditionnels est important, fait ressortir Béchard.
Si changer le logo est finalement une bonne décision, dit le directeur général d’Espace Maison, il s’interroge toutefois sur les motivations des plaignants. Le directeur d’Espace Maison soupçonne un «intérêt personnel» derrière ces dénonciations. Peut-être certains plaignants ont-ils dans l’idée d’ouvrir une savonnerie, laisse-t-il entendre.
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