Si la loi Bhadain est enfin votée, les débats ont été mouvementés, voire houleux par moments. Les amendements nombreux. Et ce jusqu’à la dernière minute. Les députés travaillistes, qui avaient déjà signifié qu’ils voteraient contre le Good Governance and Integrity Reporting Bill (GGIR), en ont pris pour leur grade. Tout comme le MMM.

Sir Anerood Jugnauth a ainsi rappelé que le nettoyage du pays qu’a entrepris le gouvernement depuis dix mois se poursuivra « certainement pendant un certain temps ». Cela en raison de « l’étendue des mauvais pratiques et autres actes illégaux de l’ancien régime et de ses acolytes ».

Les propositions présentées à l’Assemblée nationale dans le cadre de ce projet de loi sont « sans précédent », affirme sir Anerood Jugnauth. Les « lois, procédures et institutions » mises sur pied pour combattre la corruption et les crimes financiers se sont avérées « inefficaces ». Pour le Premier ministre, le leader de l’opposition, qu’il a « écouté attentivement », n’a pas établi les aspects « dangereux » du projet de loi. Et c’est « sans surprise », dit SAJ, qu’il constate l’opposition du Parti travailliste au GGIR Bill. « Ils ont leurs raisons d’essayer de sauver leur peau. » Pour autant, insiste le chef du gouvernement, la loi vise la « richesse inexpliquée et les gains mal acquis, non les individus ».

« L’ex-Premier ministre n’est pas sur notre agenda », a assuré Roshi Bhadain. Dans toutes les discussions sur le GGIR Bill qui se sont tenues au Conseil des ministres et avec le leader du MSM, poursuit-il, « nous n’avons jamais fait mention de lui, ni même pensé à lui »

«Petty politics»

Gros contentieux : la nomination du président et des assesseurs de l’Integrity Reporting Board, ainsi que le directeur de l’Integrity Reporting Services Agency, clause qui a eu pas moins de quatre versions. A mardi tard en soirée, le consensus semblait de mise, le ministre Bhadain, après discussions avec le Premier ministre et les leaders de l’Alliance Lepep, informant le leader de l’opposition que la nomination serait faite par le président après consultation avec le chef du gouvernement et ce dernier.

Toutefois, dans la matinée de mercredi, le State Law Office devait invoquer la section 64 (1) de la Constitution pour invalider cette décision, le GGIR Bill étant une « loi ordinaire », devait expliquer Roshi Bhadain lors de son summing up. Retour à la case départ donc, avec la nomination se faisant après consultation avec le Premier ministre uniquement. Le ministre de la Bonne gouvernance devait « personnellement s’excuser » auprès de Paul Bérenger pour cette erreur « de bonne foi ». Tandis que dans son intervention, le Premier ministre devait déclarer : « Nous avons voulu faire plaisir au MMM mais c’était inutile, ils avaient déjà décidé de leur vote. »

Les mauves, malgré avoir répété leur engagement contre la fraude et la corruption, font preuve de « mauvaise foi », a estimé le Premier ministre. Si l’opposition du PTr n’est pour lui pas surprenant, « en revanche, pour le MMM, je ne peux le croire », a affirmé SAJ. Où étaient les « réticences » de ce parti quand il était question que Navin Ramgoolam devienne président de la République ? a-t-il lancé. Accusant les mauves de faire dans la « petty politics ».

Le pouvoir du judiciaire

Autre point de litige, soulevé lors du committee stage : la détermination du salaire et des conditions du directeur de l’IRSA qui, selon la lecture d’Alan Ganoo, seront effectuées par le président de la République. Or, devait-il s’exclamer, cela ne relève pas de ses prérogatives. Shakeel Mohamed ajoutant que le président n’est pas l’employeur de ce responsable d’organisme. Réponse de Bhadain : cette mesure veut éviter toute perception de « contrôle » de l’organisme par le Premier ministre.

Le MMM, à travers notamment Reza Uteem et Paul Bérenger, a également argué que le gouvernement s’acharne à vouloir gagner ses voix afin d’obtenir une majorité de trois quarts lors du vote. La loi Bhadain ne pourrait donc être contestée devant la justice. « Nous ne voulons pas enlever le pouvoir au judiciaire », a martelé Paul Bérenger. Argument balayé par Roshi Bhadain, qui explique qu’une clause d’exception a été incluse. Et que, par conséquent, quiconque s’estime lésé pourra bien évidemment saisir la Cour.

«Une bien meilleure loi»

Les réserves ont été nombreuses, et pas seulement des travées de l’opposition. Sangeet Fowdur n’a pas détaillé les siennes mais a tout de même soutenu le GGIR Bill. De même, le PMSD, par la voix d’Adrien Duval, s’est montré solidaire du gouvernement Lepep. Même si le jeune député aurait « apprécié de lancer une bien meilleure loi pour les citoyens respectueux de la majorité ».

On attendait également de connaître la position du Mouvement patriotique. Joe Lesjongard, Kavi Ramano et Alan Ganoo – lui pendant plus d’une heure – ont soulevé plusieurs points et cas de figure qui posent problème. D’ailleurs, dans le tout dernier amendement circulé, Roshi Bhadain a retenu l’une des suggestions de Kavi Ramano pour clarifier le délai de 42 jours quant à l’inscription d’un bien.

Durant son summing up, le ministre de la Bonne gouvernance a semblé faire des appels du pied au MP. Notant tel ou tel point « pertinent » fait par Ramano et Ganoo. Il prend ainsi bonne note de la suggestion du leader du parti de la rose à l’effet que le directeur de l’IRSA devrait déclarer ses avoirs. Et fait, selon ses propres mots, la déclaration demandée par Ganoo : « Cette loi ne sera utilisée par personne de ce côté de l’Assemblée comme outil politique. »

« Je comprends les appréhensions de chacun, a assuré Bhadain, mais nous ne pouvons légiférer pour chaque cas de figure. » Laissons faire les lois, a exhorté le ministre. « Et s’il faut amender, on amendera. »

Le Good Governance and Integrity Bill a été adopté vers 21h30 avec 58 voix pour. Les 4 députés du Parti travailliste se sont prononcés contre – un « suicide politique » pour ces jeunes, a estimé Ivan Collendavelloo. Tandis que les 7 parlementaires du MMM ont choisi l’abstention.

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