De nombreux appels à l’étranger, des comptes bancaires à sec mais une propension au jeu, ses relations avec des trafiquants présumés ou condamnés… Shahebzada Azaree est de nouveau passé sur le gril de la commission d’enquête sur les drogues. Qui le soupçonne de financer le trafic.

Shahebzada Azaree entre sous escorte policière. Cette fois-ci, des officiers qui l’accompagnent s’assoient à ses côtés. Son épouse est deux bancs derrière lui, dans son champ. Ils échangent quelques regards, sa femme lui propose une boisson, les policiers ne l’autorisent pas à la prendre.

La mère, le père, la sœur, le fils et la fille d’Azaree sont aussi dans la salle.

Azaree tient à rester debout. Paul Lam Shang Leen lui fait remarquer d’emblée que suivant les documents reçus du témoin, le compte bancaire de Gloria Fast Food est vide. Quant à ses gains aux jeux, la commission n’a en retracé qu’un pour un montant de Rs 457 000. Il manque toutefois les «MRA returns» d’Azaree et de son épouse, poursuit l’ex-juge. Cette dernière a déposé un document relatif à l’importation d’épices, qu’Azaree avait mentionnée comme activité lors de sa première audition. Les montants : Rs 26 800 en 2014, Rs 2 700 l’année suivante, Rs 1 400 et moins de Rs 12 000 l’an dernier. «Et c’est tout», note Lam Shang Leen en relevant la présence d’une marque de biscuits. Ceux-ci sont pour sa consommation personnelle, indique Azaree. «Mo kontan manz biskwi.» «Lor nom konpagni?»

L’homme d’affaires confirme que son fils et sa fille passent de temps en temps des appels internationaux à leur tante en Grande-Bretagne. Il ne reconnaît pas un numéro de téléphone portable que lui fournit Lam Shang Leen mais note que sa fille en utilisait un qui était similaire. L’ex-juge hausse le ton : «Met tou lor nom ou tifi.»

Lam Shang Leen égrène une liste de numéros de portables qu’Azaree doit identifier. Il n’en reconnaît pas quatre, l’un appartient à sa sœur, deux autres à son beau-frère. «Mo ena boukou fami laba», des oncles, des tantes, dit Azaree. «C’est ce que vous dites», contre Lam Shang Leen. Mais peut-être qu’Azaree a des liens avec les Etats-Unis, de la famille ? Non, répond le principal intéressé. «C’est ce que vous dites, réitère Paul Lam Shang Leen. Pourtant, vous avez reçu des appels de là-bas.»

L’Afrique du Sud ? Un ami de son père, un jockey et une autre connaissance. Comment explique-t-il ses 20 communications avec 5 numéros différents de ce pays, de 2015 à 2016 ? «Mo papa so kamarad so bann garson.»

«Emirates, ou ena dimounn laba?» Non. Il y a eu des messages et appels avec un escroc au Luxembourg, relève Lam Shang Leen. Azaree s’en étonne : «Kapav li li’nn telefone.» «Eoula…», lâche Lam Shang Leen.

23 appels avec un numéro indien ? Son beau-frère s’était rendu dans la Grande Péninsule. Quid des Pays-Bas ? «Non.» Lam Shang Leen le reprend tout de suit : «Vous avez cinq numéros de portable.» Tous sont, certes, enregistrés à son nom mais parce que ses enfants sont mineurs. «Ou le mo apel zot?» lance Lam Shang Leen. L’épouse d’Azaree, dans la salle, est sarcastique.

Lam Shang Leen poursuit sa liste de pays, Azaree ses réponses – parfois évasives. Au Bangladesh, il a échangé avec des agents recruteurs. Malaisie : sa sœur y était. Aucun échange avec la Thaïlande, dit Azaree. Lam Shang Leen le prend à contre-pied : «24 communications avec de nombreux numéros. Tous différents.» Lam Shang Leen hausse la voix : Et Mayotte ? «Ena trafikan laba.» Azaree : «Non.» Pourtant, 4 communications ont été retracées, insiste l’ex-juge.

Aucun contact avec le Kazakhsthan, affirme Azaree. Lam Shang Leen est sceptique, le relance. «Quand ?» veut alors savoir Azaree. L’ex-juge mentionne l’arrestation de deux Kazakhs en 2015 à l’aéroport de Plaisance.

Qu’en est-il de Christmas Island ? Azaree ne sait pas où cela se trouve. «Demann ou, ou ki’nn resevwar call», lance Lam Shang Leen en boutade. Azaree affirme, en revanche, avoir de la famille en France.

Peut-être l’homme d’affaires connaît-il un skipper à Pointe d’Esny ? Azaree répond par la négative. «Si ou pa konn nanye, kifer long konversasion 17 minit? Ena fwa pli lontan tou», fait ressortir l’ex-juge, qui rappelle au témoin qu’il dépose sous serment. Le numéro de téléphone concerné par ces échanges et que mentionne Lam Shang Leen est celui de son fils, assure Azaree. Le président de la commission s’impatiente : «Sa ve dir ou garson ki telefonn skipper. Si bizin, mo fer tou ou fami pase. Ou deside.» Azaree finit par livrer un nom, mais l’homme n’est pas skipper, dit-il.

Lam Shang Leen donne alors des détails sur un échange : en mars 2017, l’homme en question était à Beau-Vallon et Azaree était à Mahébourg. Peut-être pour prendre livraison d’un colis d’épices chez un service courrier international, selon le témoin. A 19h ? s’interroge le président de la commission. Peut-être avait-il déposé sa sœur à l’aéroport, s’aventure Azaree. Lam Shang Leen est péremptoire : ce qui l’intéresse, ce sont les 124 conversations entre ce skipper et l’homme d’affaires.

Lam Shang Leen poursuit : Azaree a conversé longuement en soirée. «Donniez-vous des instructions au skipper?» L’homme d’affaires dément.

Le président de la commission fait remarquer le grand nombre de numéros de téléphone répertoriés, qui représente «beaucoup de travail». Et s’il reconnaît le droit au silence du témoin devant l’ADSU, il le rassure : «Devan nou [komision ladrog, NdlR], ou kapav koze.»

Lam Shang Leen aborde ensuite la question de l’argent. Voulant savoir si Azaree a «donn kas pou eleksion» ou pour «son voisin d’à côté», soit Siddick Islam. «Jamais», dément vivement le patron de Gloria Foods.

En avril 2015, l’épouse d’Azaree a fait un dépôt de Rs 1,6 million. Des gains aux casinos, assure Azaree. Lauthan le confronte alors celui qu’il considère comme un «gran zougader» aux différentes sommes d’argent perdues.

L’assesseur Sam Lauthan prend la relève et l’attaque de front : «Mo sou linpresion ou ti enn finansie.» Devant les démentis d’Azaree, Lauthan insiste : «Basana pe dir ladrog-la ti pou ou.» Soulignant le «réseau extraordinaire» de Lina Gentil – elle l’a appelé mais «li pa koze», interjette Azaree – et les 139 conversations entre Basana Reddi et Azaree.

Lauthan revient également sur les relations du patron de Gloria Fast Food avec Navin Kistnah, abordées lors de la première audience. L’assesseur relève qu’Azaree était à Amsterdam avec son épouse, en 2014, où il a consommé un gâteau au cannabis. L’homme confirme, avec un sourire.

Le père d’Azaree a tenté d’intervenir, sans succès, alors que Lam Shang Leen faisait un rappel des points saillants du témoignage d’Azaree, que l’ex-juge considère comme un «gran zougader».

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