Il n’y a pas d’autres manières de qualifier la sortie de Paul Bérenger contre le directeur des poursuites publiques (DPP), hier à Roche-Bois. C’est un dérapage. Venant d’un homme généralement respectueux des institutions, le coup de sang de Bérenger est étonnant et grave. D’autant qu’il part d’une fausse prémisse.

Le leader du MMM s’en est effectivement pris à Ajit Boolell à cause de son article publié dans la newsletter d’octobre du bureau du DPP. Mais que constate Boolell dans son texte ? En fait, une chose simple : en l’état ACTUEL de notre droit constitutionnel, le président de la République bénéficie déjà d’une immunité en matière de poursuites civiles et pénales dans l’exercice de ses fonctions.

Ajit Boolell débute ainsi son texte en empruntant le cas de figure « absurde » pris par le constitutionnaliste anglais Albert Dicey pour parler de l’immunité du chef d’Etat – président, roi ou reine – dans de nombreuses démocraties. C’est dans ce contexte que le DPP explique que le président actuel ne serait pas poursuivi s’il tire une balle dans la tête du Premier ministre ou décide d’arrêter de payer ses factures du CEB. C’est un constat effectué à partir de ce qui existe déjà dans l’article 30A de notre Constitution. En fin de texte, le DPP se pose donc la question de savoir si cette immunité a toujours sa « raison d’être ». Ce débat impersonnel lancé par le DPP a toutefois attisé la colère de Paul Bérenger. Désormais, il « surveille les exploits » d’Ajit Boolell qu’il a tôt fait de traîner sur le terrain politicien. A coup de « Anerood Jugnauth enn kote, DPP lot kote ».

Que Bérenger s’en prenne quotidiennement et sur tous les tons à SAJ est une chose compréhensible. Mais qu’il s’attaque à l’institution qu’est le directeur des poursuites publiques, auquel notre Constitution consacre un long article 72, est choquant. D’autant plus que le patron des mauves précise que l’immunité du président « existe depuis toujours » et que le projet de 2e République « ne change rien ».

Paul Bérenger a horreur de ceux qui parlent « san konn zot dosie ». Or, avec sa sortie d’hier, il semble s’être précipité à accuser une institution d’arrière-pensées politiques. Alors que la personne qui la dirige n’a émis d’attaques personnelles ni contre Navin Ramgoolam ni contre Paul Bérenger et encore moins directement questionné le projet de la 2e République.

Les situations sont souvent plus complexes qu’il n’y paraît . Il se pourrait également que Paul Bérenger s’en soit pris à Ajit Boolell pour d’autres raisons que l’inoffensif article paru dans la newsletter d’octobre. Si c’est le cas, celui qui aspire à devenir Premier ministre gagnerait à exposer ses griefs de manière plus raisonnée et raisonnable. Bérenger est aussi capable de cela…

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