Quelques articles de presse annonçaient déjà son départ. Les uns racontant que Pravind Jugnauth prend l’avion pour aller préparer l’affaire Medpoint devant le Privy Coucil. Les autres expliquant l’éclipse de l’astre solaire par un besoin de repos. Le Premier ministre sera toutefois toujours au pays demain et aussi la semaine prochaine. Pour la présentation prévue au Parlement du projet d’amendement constitutionnel portant sur la réforme électorale. L’agenda législatif du Premier ministre est dense. Bâclé, aussi, en ce moment.

Le Local Government Amendment Bill, présenté ce mardi à l’Assemblée nationale, et le projet de loi d’amendement constitutionnel ont un point commun : ils ont été finalisés dans la précipitation par le State Law Office. Dans les deux cas, c’est parce que le Premier ministre souhaite les faire présenter au plus vite devant les élus. La précipitation produit toutefois de piètres textes parfois. En présentant le dernier amendement à la Local Government Act en avril 2015, Anwar Husnoo, le ministre des Collectivités locales de l’époque, a ainsi inscrit une aberration dans la loi.

Si ce texte a inscrit le principe d’un quota minimal de représentation féminine au sein de nos administrations régionales, il a aussi créé un cas de figure inédit. Qui permet au Premier ministre d’initier l’organisation des municipales et villageoises chaque 6 ans «or in such other year, and at such date, as the President shall, on the advice of the Prime Minister, appoint…». Créant ainsi la possibilité de reporter quasi sine die les élections régionales.

Ainsi, si les dernières villageoises ont été tenues le 2 décembre 2012, le prochain scrutin de ce type aurait pu se tenir en 2025 ou 2050 ! Dans sa précipitation à organiser rapidement les municipales en juin 2015, le gouvernement – l’opposition encore sonnée par ses déboires politiques et judiciaires était alors léthargique – n’a pas réalisé que le mandat des élus régionaux se terminait de facto 6 ans après la date de leur élection. Soit dans le cas des conseillers de districts et de village, ce 1er décembre. Créant ainsi des conseils de districts et de villages fantôme entre cette date et l’organisation des prochaines villageoises.

Dans son empressement à colmater cette brèche en fixant les élections villageoises à 2020 et en maintenant les conseillers en poste, le projet de loi que propose la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo crée une nouvelle aberration. Si l’amendement proposé est voté tel quel, il altèrera le principe même de la démocratie locale. Le texte proposé par le gouvernement prévoit en effet qu’en cas de poste vacant d’un conseiller « the Minister may appoint any person who is qualified to be a Village Councillor to fill the vacancy ». Voilà donc que le gouvernement confie à un de ses la possibilité de se substituer à la volonté de l’électorat !

C’est à se demander ce qui passe parfois par la tête de nos responsables gouvernementaux. Ainsi, la tentative de faire passer en force l’amendement constitutionnel de la réforme électorale parait vouée à l’échec. Le texte que propose le chef du gouvernement est identique à la proposition rendue publique il y a deux mois. Or, le PMSD, le MMM et les travaillistes ont dit ne pas vouloir soutenir ces propositions archi-débattues et critiquées.

Dans une tentative d’être vu comme un réformiste contrarié par une opposition bornée, Pravind Jugnauth donne l’impression de croire que sa réforme électorale bancale peut déboucher sur un consensus bipartisan au Parlement. Alors même que ce que propose le gouvernement est aussi inquiétant – par les pouvoirs qu’il confie aux leaders politique – que futile – par le mode injuste d’attribution du nombre d’élus à la proportionnelle. Mû par le commandement de Sir Anerood Jugnauth semble néanmoins ne prêter aucune attention aux critiques et suggestions qui lui ont été faites.

Tenu de respecter l’article 41(3) de la Constitution, Pravind Jugnauth a fait parvenir le texte de l’amendement constitutionnel à l’Electoral Supervisory Commission la semaine dernière. Afin de lui donner «sufficient opportunity to make comments». Les membres de l’institution ont délibéré pendant 3 heures vendredi dernier afin de rédiger les commentaires qui doivent être envoyés au Premier ministre, ce lundi 26 novembre. Gageons que ceux qui «enjoy the fullest confidence of the State in the work that they do», selon un récent communiqué de la présidence de la République, prodigueront les conseils et mises en garde nécessaires à Pravind Jugnauth.

Celui-ci les écoutera-t-il ? Si c’est le cas, et dans sa sagesse, le Premier ministre renoncera à faire voter le projet de réforme dans sa forme actuelle. Si le texte atterrit néanmoins à l’Assemblée nationale dans les jours à venir, on saura par quoi Pravind Jugnauth est mû : une futile hyperactivité législative.

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