Un congrès et quelques phrases chocs ont suffi pour que Jocelyn Grégoire revienne à l’avant-plan de la scène médiatique. Si le but du président de la Fédération Créole Mauricien (FCM) était de provoquer, en appelant ses troupes à être « rasis, kominalis, noubanis » avec lui, il a brillamment réussi. Si l’objectif était toutefois de faire bouger les mentalités et de donner à la FCM les moyens de ses ambitions, Grégoire a lamentablement échoué.

Au moment où une photo d’ION News, montrant Grégoire en train de saluer la foule, est détournée pour lui donner une tonalité de salut nazi, il convient de dire ce qu’est le patron de la FCM. Cela nous permettra de déterminer s’il est cette sorte d’ennemi public numéro un que l’on décrit depuis ce dimanche.

Grégoire n’est pas un raciste, ni un nazi. Ceux qui ont un tant soit peu interagi avec l’homme savent qu’il est mû par de bonnes intentions. La quête de l’égalité des enfants de la République est et demeurera une cause noble. Le responsable de la FCM œuvre dans cette direction depuis des années. Mais le problème, c’est que si Grégoire sait soulever les foules en faveur de sa cause,  sa communication est parfois très mal inspirée.

Nous pouvons raisonnablement penser que l’abbé versait allègrement dans le second degré et la provocation en lançant son appel à être noubanis, kominalis ou rasis. Ce type de ressort de langage n’est toutefois utilisable – et acceptable – que par des personnes dont les « track records » leur confèrent une aura incontestable d’attachement aux valeurs de la République et de neutralité politique.

Si l’auditoire de Grégoire a compris son message ce dimanche, ceux qui l’ont écouté et regardé loin de la clameur de l’auditorium Octave Wiehé ont d’abord entendu les interférences provoquées par les casseroles que traîne le président de la FCM. En effet, le discours de Grégoire aurait pu être écouté au second degré mais les bourdes passées de Grégoire ne lui permettent pas de profiter du bénéfice du doute du grand public.

La FCM a commis une première erreur dès 2008, en passant pour n’être qu’une Voice of Hindu, œuvrant pour une autre ethnie. Les ressorts du langage revendicatif étaient alors quasiment les mêmes. Des demandes exprimées dans un langage primaire à coup de bann-la et nou bann. Mais également des raisonnements simplistes consistant, par exemple, à faire croire qu’imposer un quota de 35% dans la fonction publique en faveur des créoles est souhaitable et réalisable. C’est la FCM toujours qui a outrancièrement ethnicisé le débat de l’introduction du kreol morisien à l’école en reconnaissant d’abord dans cette mesure une « réparation historique » pour les descendants d’esclaves.

En 2008 déjà, ces turpitudes avaient conduit Maurice Piat à recadrer Grégoire, en expliquant notamment dans un communiqué  que « la cause créole mérite d’être défendue de telle manière qu’elle puisse être soutenue par tout Mauricien de bonne volonté quelle que soit sa culture ou sa religion. La vigilance est de mise par rapport à toute dérive de type sectaire dans la défense de la cause ». Avant de rappeler que si la « cause créole » a une dimension politique évidente,  il convient qu’elle ne se fasse « pas récupérer par la politique de parti » et ainsi « succomber à la tentation de se laisser entraîner dans une surenchère ou dans des ’’deals’’ pré-électoraux ».

Or,  Grégoire s’est allègrement laissé entraîner sur le terrain politique. A la veille des dernières élections générales, il avait enjoint ses partisans  à « vot ar leker ». Lapsus révélateur ? En 2009, il avait également présidé à la réunification « de la grande famille bleue ». Cela avait contribué à faire penser à bien des mauriciens que la FCM possède un agenda politique non-dit. Le souhait publiquement exprimé par  le prêtre en faveur d’un rapprochement  Travailliste-MMM n’avait nullement arrangé les choses. Ni la candidature d’Edley Chimon, précédemment porte-parole de la FCM, aux côtés de Michael Sik Yuen et Sunil Dowarkasing à Curepipe-Midlands lors des dernières élections.

En 2014, malgré ses dénégations, on prête au prêtre quelques intentions politiques. Ce qui est certain, c’est que le président de la FCM et quelques-uns de ses proches sont considérés comme des jokers pouvant constituer un « apport créole » crucial à un parti qui, par exemple, se serait séparé d’un allié puisant un soutien certain de cette ethnie. C’est une stratégie réaliste au cas où ce parti finirait par aller seul aux prochaines élections générales…

Que le président de la FCM le veuille ou non, ses postures passées et présentes font de lui un homme d’église mais également un homme politique. C’est donc en tant que tel que Grégoire est traité depuis dimanche dernier. Car de la part d’un homme politique – qu’il s’appelle Mukhesswur Choonee ou Jocelyn Grégoire –, certains propos demeurent intolérables.  Ce ne sont pas les rasis, noubanis et kominalis qui condamnent aujourd’hui le président de la FCM mais ceux qui estiment qu’un homme politique n’a pas à parler ainsi. Certes, on nous rétorquera aussi que le racisme, le communalisme et le « noubanisme » demeurent les carburants de base de la machine politique locale.  Mais ce serait contre-productif de le dire tout haut. Car on s’exposerait alors à être traité de…raciste.

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