C’est une campagne électorale qui se jouera comme un match de tennis, en trois sets. Le premier part des deux grands meetings du 12 octobre pour s’achever la veille de l’annonce de la date des élections. Le deuxième commence le jour de la publication du writ of election pour prendre fin avec le nomination day. Enfin, le troisième regroupe la quinzaine de jours précédant le scrutin. Si c’est ce dernier set qui est décisif, il faut bien constater que le camp PTr-MMM connaît quelques difficultés dans le premier. Il l’a même probablement perdu. Explications…

Il y a d’abord ce coche, manqué, du 12 octobre. Les deux grands meetings des deux blocs étaient l’occasion de marquer les esprits. Or, si l’Alliance PTr-MMM a rassemblé une foule davantage hétérogène et importante que celle massée à Vacoas par l’Alliance Lepep, elle n’a pas fait la démonstration irréfutable de sa capacité supérieure de mobilisation ce jour-là. De quoi instiller quelques doutes.

Le terrain est, en effet, propice au doute. Il se propage à travers deux phénomènes. D’abord, par le bruissement, perceptible dans les zones rurales, du koupe/transe ethnique qui pourrait caractériser le vote dans ces régions. Il privilégierait le choix de 3 candidats hindi-speaking, en priorité ceux du Parti travailliste, puis ceux du MSM. Ensuite, par la remise en cause d’une certitude arithmétique basée sur les rapports de forces politiques connus et mesurés dans le passé. Il suffit désormais de parler au citoyen lambda non affilié, pour s’entendre dire qu’un 60-0 en faveur de l’alliance PTr-MMM n’est pas à l’ordre du jour et que ces élections seront même loin de la formalité que ce bloc s’était imaginé.

Il y a bien évidemment une explication conjoncturelle importante à la difficulté de la machine rouge-mauve de tout écraser sur son passage. Contrairement au deal électoral actuel, celui qui avait permis au PTr et au MMM de se présenter ensemble devant l’électorat en décembre 1995 avait été conclu… en 1994. Les Mauriciens – et surtout les sympathisants travaillistes et MMM – avaient eu plus d’une année pour s’acclimater à cette alliance et se préparer à travailler ensemble. Cela n’a pas été le cas en 2014.

Ballotés entre un remake 2000 en mode cooling off puis heating up et une alliance PTr-MMM on puis off, les militants des deux partis ont eu du mal à se remettre en rang de bataille. Ces sympathisants sont encore sonnés par le chapelet d’invectives que SAJ, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger se sont adressées les uns aux autres il n’y a pas si longtemps. Maintenant, ils doivent remettre de l’ordre dans ce torrent de critiques et identifier clairement qui est l’adversaire et pourquoi celui-ci doit être combattu.

C’est une tâche bien plus difficile qu’on ne le croit pour des militants PTr qui haïssaient hier encore le MMM. Ou pour les die hards mauves qui avaient fini par placer tous leurs espoirs de déboulonner Navin Ramgoolam dans le Remake 2000. C’est ce flou et ces critiques encore fraîches dans les esprits des Mauriciens qui nourrissent aujourd’hui le succès du clip Vire Mam [plus de 100 000 vues sur YouTube] de l’Alliance Lepep.

Il est vrai que question communication, le bloc mené par SAJ remporte largement ce set. Face aux conférences de presse léchées de l’alliance PTr-MMM et à son argumentaire prônant insuffisamment la rupture avec le gouvernement Ramgoolam II, le bloc Lepep balance les mesures populaires, voire populistes, et occupent opportunément le terrain.

Peu importe si les promesses sont réalisables ou seront réalisées. Le but du jeu étant de forcer l’adversaire à monter au filet pour ensuite smasher en fond de court. Pile, l’alliance clé-cœur suit sur des mesures comme la pension de retraite à Rs 5 000 et la proposition de SAJ s’en trouve justifiée. Face, Ramgoolam et Bérenger refusent, amenant SAJ à expliquer que le sort des retraités ou des jeunes chômeurs laisse les deux responsables du bloc rouge-mauve indifférent.

Cette guérilla, l’Alliance Lepep la mène aussi sur les réseaux sociaux. A travers une présence massivement belliqueuse de jeunes sympathisants chargés de décrédibiliser l’action du bloc clé-cœur. Pendant que le jeunes rouges et mauves se lancent dans des monologues de satisfecit sur leurs campagnes et leaders respectifs ou des photomontages mal inspirés censés frapper l’adversaire là où cela fait mal.

Sur le terrain des réseaux sociaux, là où l’immense majorité des jeunes du pays expriment et forment leur opinion, l’alliance PTr-MMM démontre une vacuité de propos et d’action déconcertante. Laissant bien loin cette image de modernité qui était celle du PTr en 2005, quand des électeurs médusés expliquaient que Navin Ramgoolam les avait personnellement appelés la veille pour leur demander de participer à un meeting. Quand, en fait, ils n’avaient reçu qu’un appel diffusant un message préenregistré.

On en est là, au premier set perdu par l’alliance PTr-MMM. Mais comme au tennis, le joueur intelligent sait faire le diagnostic de ses faiblesses et celles de son adversaire pour mieux revenir dans la partie. Avec deux sets restants, le bloc rouge-mauve a encore du temps pour remobiliser ses troupes, désamorcer un éventuel vote ethnique et remettre sa communication en route. C’est une tâche difficile mais pas impossible. L’Alliance Lepep le sait bien et doit désormais trouver les nouveaux points faibles dans la stratégie rouge-mauve. Y en a-t-il d’autres ? Celui qui trouvera le premier remportera le deuxième set… et probablement le match.

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