Du velours, parce qu’il commence quand même à faire un peu frais, sur les hauteurs de l’île. Du bleu roi, qui flatte son teint hâlé mais ne masque toutefois pas ses traits tirés. Du rose, de la verroterie brodée qui souligne le buste et celle plus claire, en forme de feuilles et de fleurs, qui tapissent le bas de la longue robe cintrée que porte Cynthia*. A l’image de ce qu’elle porte, la jeune femme que nous rencontrons est d’une simplicité sans ostentation.

Un sourire timide aux lèvres mais le regard déterminé, la Camerounaise répond à nos questions. D’abord de manière hésitante puis en prenant de l’assurance. Sans se départir d’une fermeté qui transperce dans sa voix. Oui, elle est séropositive. Oui, nos lois ne lui permettent pas de demeurer sur notre sol. La jeune étudiante espère cependant que le jugement de la Cour suprême – son cas sera pris sur le fond ce mercredi 6 mai – sera en sa faveur. En effet, suite au refus du bureau du Premier ministre d’accorder à la jeune femme son visa étudiant, même sur une « base humanitaire », à cause de sa séropositivité, cette dernière et l’ONG Pils, qui l’accompagne au quotidien, ont saisi la plus haute instance judiciaire du pays.

Le soleil filtre timidement à travers ses fenêtres. Cynthia raconte d’une voix douce, posée, son parcours. Pourquoi elle a choisi Maurice pour faire ses études. Comment des études en hospitality management sont sûres de lui permettre de décrocher un très bon poste là-bas, au pays, où le secteur de l’accueil et de l’hôtellerie se développe mais les formations ne sont pas encore légion. Qui sait ? Cynthia pourrait même être manager dans un hôtel. En tout cas, elle en rêve. Et son rêve, elle y travaille. Et elle pensait s’en être donné les moyens.

Pour cela, sa mère, qui a élevé seule ses cinq enfants depuis que son mari est mort alors que Cynthia avait 6 ans, s’est saignée sang et eau. Chacun a fait des sacrifices, la famille a contracté des emprunts. En parlant de sa famille, avec qui elle est souvent en contact, de sa mère à qui elle parle tous les jours, la jeune femme se détend un peu. Mais les ombres se déplacent bien vite dans la maison et reviennent sur son visage. Cynthia, d’ordinaire gaie et volubile, est aujourd’hui comme sous cloche. Murée dans l’attente d’un verdict qui décidera de son sort et de son avenir.

« On aura tout essayé »

Certes, la jeune femme bénéficie pour l’heure d’un sursis. Mais l’avis de déportation ayant été émis, son institution universitaire en a été notifiée officiellement, explique Cynthia. Elle ne peut donc pas suivre ses cours, bien que le management de l’école, dit-elle, lui apporte son soutien depuis qu’il est au courant de sa situation. Si son visa étudiant lui est accordé, dit-elle, son institution l’autorisera à tout reprendre à zéro, il n’y aura pas de mois perdus sur son programme.

« Je veux la réussite de ce procès. » Mais Cynthia ne remettra pas en cause le verdict si elle doit être déportée. « Je sais qu’avec Pils, on aura tout essayé. On pourra toujours se dire : on a essayé. » Mais il y aura la dette à rembourser, la dette… Et sans son diplôme en poche, trouver « un bon travail » s’avérera plus compliqué.

Ne craint-elle pas la réaction de ses proches, de la communauté, lorsqu’on saura pour sa séropositivité ? Petit sourire. « Chez nous, le VIH-sida, c’est comme n’importe quelle maladie. Vous pleurez à l’hôpital parce que vous êtes séropositif ? Le médecin va vous gronder. » Devant notre étonnement, Cynthia d’expliquer : « Le docteur vous dira : ‘Le VIH-sida se traite, et se traite bien. On peut continuer à vivre, à travailler, et même fonder une famille. Vous pouvez encore avoir une vie, et plutôt longue. Tandis qu’un patient cancéreux n’aura pas forcément cette option. Estimez-vous heureux.’ »

Alors non, elle n’a pas peur de rentrer, de revoir les siens et d’affronter les autres. Certes, l’attente est longue. « Mais je suis patiente. J’ai dû attendre longtemps avant d’obtenir mon visa pour venir ici. Je peux attendre pour savoir ce qui m’attend. Au moins, je sais que j’aurais fait tout ce qu’il fallait. » Elle craint, en revanche, d’avoir fait ce voyage vers le bleu de Maurice pour rien. Et que son rêve s’évanouisse.

*Prénom modifié

Photo : www.info-afrique.com

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