Les stratèges de Pravind Jugnauth, et quelque part le Premier ministre lui-même, ont presque adopté la phrase rendue célèbre lors de la campagne présidentielle de Bill Clinton en 1992. «It’s the economy, stupid!» clament-ils. Pensant que c’est sur la base d’un bilan avant tout économique que la prochaine législative se gagnera. L’optimisme n’est pas surjoué. Car au centre du pouvoir – comme dans les institutions publiques et privées périphériques –, une confiance certaine règne sur les perspectives de 2018-2019. La croissance rebondira. L’électeur le ressentira. Et le soleil de Pravind Jugnauth rayonnera de plus belle au-delà de 2019.

Mais a-t-on seulement une quelconque certitude que c’est bien ainsi que les choses se passeront? Afin de vérifier si une élection se gagne bien sur un bilan économique, nous avons compilé les chiffres de la croissance depuis 1983. Sur la durée des primeministerships successifs de sir Anerood Jugnauth (SAJ), Navin Ramgoolam, et Paul Bérenger. A première vue, la relation bonne performance économique-réélection n’est pas clairement établie.

Ainsi, la croissance moyenne des 5 années du premier mandat de chef du gouvernement de Navin Ramgoolam était de 5,84%. Soit une meilleure performance comparée à celle de SAJ, qui avait réussi à atteindre une moyenne de 5,82% entre 1983 et 1987. Ce qui avait constitué sa meilleure période parmi ses trois premiers mandats jusqu’en 1995. Or, même avec une croissance de 9,3% en 2000, le leader des travaillistes a été chassé du pouvoir.

SAJ fournit, lui-aussi, un autre exemple éloquent. De ses trois premiers mandats, c’est durant celui de 1988 à 1991 que l’actuel ministre mentor a le moins bien réussi avec «seulement» 5,62% de croissance moyenne. Finissant même l’année 1991 avec le taux de croissance le plus faible (4,3%) comparé aux 7 années précédentes. Mais SAJ est réélu cette année-là.

L’électeur n’entre pas dans l’isoloir après avoir décrypté le dernier bulletin des National Accounts de Statistics Mauritius. Il porte le plus régulièrement son choix sur l’alliance perçue comme étant la plus solide et/ou rassurante. En 1991, SAJ ne dirigeait pas qu’une économie en bonne santé, il présidait aussi à la réunion de la grande famille militante MSM-MMM. Frôlant un second 60-0 et rendant Ramgoolam «perplexe» au passage.

Ce dernier l’était peut-être aussi après sa lourde défaite en septembre 2000. Malgré une économie qui avait grandi de 9,3% cette année-là – soit le taux le plus élevé de 1983 à ce jour. Ramgoolam n’avait pas perdu à cause de l’économie. Sa gestion calamiteuse des émeutes de Kaya en 1999 ainsi que l’image de dilettante et d’amateur de soirée dansantes à Albion et ailleurs lui avaient coûté son primeministership.

Inexpérimentés ou tout simplement manquant de discernement, certains feront croire au Premier ministre qu’il suffira qu’il se concentre sur l’économie pour assurer sa survie politique. Or, non seulement Pravind Jugnauth devra penser bien assez tôt à ses options d’alliance et les arrêter, même s’il ne les met pas tout de suite en œuvre. Il devra également surveiller un climat social tendu, voire un entourage qui risque de sérieusement lui nuire à terme.

Les travaux liés au Metro Express gêneront bientôt un tiers, peut-être davantage, de la population du pays. Parallèlement, l’après-Berguitta a fait rejaillir un léger sentiment d’abandon chez une partie de nos concitoyens. Ceux-ci se contrarient d’ailleurs aussi bien des commentaires désobligeants et racistes au sujet des sinistrés que du traitement indigne réservé à un suspect en détention policière.

Pendant ce temps, Jugnauth continue à maintenir des sangsues autour de lui, minant quotidiennement l’intégrité de son gouvernement. Tout en déléguant à d’autres le choix des favoris et des parias du jour: le moyen le plus sûr de s’attirer des inimitiés durables – et donc dangereuses – en politique.

Pravind Jugnauth disposerait du «stamina» nécessaire pour le poste qu’il occupe. Reste à savoir s’il dispose de la lucidité requise pour comprendre que ce ne sont pas des indicateurs économiques qui voteront pour lui…

 

 

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