Heureux qui, comme Husnoo, a fait un grand bien à la capitale,

Ou comme celui-là qui, croyant avoir raison

Est retourné, chez les siens, pour être jeté aux lions

Car à plaire au seigneur, hélas, parfois on s’étale

Que les adeptes du poète Du Bellay nous excusent, mais voilà une bien croustillante manière de résumer ce qu’a dû subir le ministre des Collectivités locales, dans la soirée de ce jeudi 24 novembre. Sortant d’un congrès nocturne du MSM à Plaine-Verte, Anwar Husnoo a été pris à partie de manière assez musclée par des marchands ambulants venus plaider leur cause.

On aurait pu s’attendre à ce que le gouvernement fasse front suite à la situation tendue – voire dangereuse – vécue par Husnoo, mais aussi par le maire de Port-Louis, Oumar Khoolegan. Mais il n’en a rien été. Il y a d’abord eu la dénégation pure et simple. Il n’y a pas eu d’incidents, ont expliqué Pravind Jugnauth et Showkutally Soodhun. Toutefois, ce dernier nuance : une poignée de marchands ambulants étaient « un peu wild » envers Husnoo. Le leader du MSM, lui, ne s’étale même pas sur le cas du ministre Muvman liberater. « Mo reponn pou mwa », rétorque-t-il quand on l’interroge sur le coup de chaud vécu par son collègue.

Ce qui est étonnant dans ces deux postures, c’est l’absence d’une condamnation de la manière de faire de ces marchands ambulants. Soodhun estime qu’il n’y a pas lieu de porter plainte. Il suggère même que le ministre « bizin apel zot, koz ar zot, trouv enn solision ». Mais de quelle solution parle-t-on ? Car il nous semble que la solution a déjà été trouvée.

Il y a quelques années, malgré un arrêt de la Cour suprême, certains ministres s’étaient illustrés en décrétant que cette décision ne pouvait être appliquée telle quelle. Des maires comme Tangavel Thodda à Vacoas, Michaël Sik Yuen à Curepipe ou Mahen Gondeea à Port-Louis avaient tous tenté de mettre un peu d’ordre. Mais face au laxisme et à la complicité de leurs supérieurs de l’époque, la capitale et les autres villes ont continué à sombrer dans le chaos orchestré par les vendeurs de rue et leurs protecteurs.

La prouesse de ce gouvernement – de sir Anerood Jugnauth à Anwar Husnoo en passant par un maire volontariste comme Khooleegan – a consisté à ne pas céder face aux menaces et au chantage émotionnel et électoral des marchands ambulants. Or, il est désormais un peu déroutant d’entendre Soodhun évoquer « une solution » possible. Il n’y en a pas. Sinon, elle aurait déjà été trouvée. A moins que la « solution » consiste à permettre à ce que les rues de Port-Louis redeviennent un capharnaüm le temps de la période des fêtes. Avec l’option qu’elles le restent au-delà…

Les attitudes des cadres du MSM sont, en fait, tout à fait explicables. N’en déplaise aux devins du calendrier, sir Anerood Jugnauth ne démissionne pas le 9 décembre. Pravind Jugnauth ne le remplace pas, non plus, à cette date. Au-delà de cette certitude, d’autres évidences s’imposent en ce moment au MSM et à l’Alliance Lepep. Au fil de ses accusations rayées, Navin Ramgoolam remonte lentement mais sûrement la pente. Cette population hindoue, caractérisée par sa manie « jai de » [passons l’éponge] – que sir Anerood Jugnauth abhorre tant –, est en train de questionner son choix de décembre 2014. Pendant qu’à Plaine-Verte et ailleurs, d’autres sont en train de redire – injustement – que le soleil ne brille pas pour la communauté musulmane quand le MSM est au pouvoir.

En pleine campagne de marketing et de service avant-vente de l’accession de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre, de trop nombreux fronts sont en train de s’ouvrir. Le MSM n’a ni le temps, ni l’énergie, ni les hommes pour s’occuper de chacun d’entre eux. A l’approche de la fin d’année, celui des marchands ambulants en est un. Tant et si bien qu’une des explications de la colère des marchands ambulants, jeudi soir, réside dans le fait que le ministre des Finances n’aurait pas reçu certains d’entre eux, venus négocier une « solution ».

Qu’aurait bien pu leur proposer Pravind Jugnauth s’il les avait reçus ? Sans doute pas grand-chose. Car le gouvernement a parfaitement raison de ne pas céder au chantage. Il aurait même raison de maintenir sa position. Depuis jeudi soir, le MSM a toutefois trouvé sa parade. Ou, plutôt, sa victime expiatoire en la personne du bon docteur Husnoo.

La cause est donc entendue : oui, les marchands ambulants sont en colère. Mais non, leur colère n’est dirigée que vers le ministre responsable de leur situation. Il se trouve qu’il appartient au ML et non au MSM et c’est à lui de trouver une « solution » aux problèmes des marchands ambulants.

Au final, la méthode du leader du MSM est peut-être la technique de gestion du moment : dès qu’un problème surgit, il suffit de dire qu’il n’existe pas pour le gérer. C’est peut-être une parade commode sur le moment. Mais l’indécision se paie. Peut-être pas sur le moment. Mais au prix fort… plus tard.

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