Assez ! Voici près de six mois que ça dure. Le pays vit dans l’expectative. Les électeurs ne comprennent plus trop qui est au pouvoir et qui ne l’est pas. Les décideurs – administratifs, politiques et économiques – naviguent, eux, de sursis en sursis. Tentant de déférer leurs décisions pour quand la situation politique sera plus lisible et prévisible. Depuis dimanche, toutefois, une inconnue est résolue. Maintenant que l’union Parti travailliste et MMM a été approuvée par toutes les instances des deux partis, Navin Ramgoolam a la responsabilité et même le devoir d’appeler le pays aux urnes. Cela, au plus vite.

N’allons pas être dupes au point de croire que des élections générales s’organisent au pied levé. La machinerie à mettre en branle est colossale. Les mini-empêchements – visites d’invités de marque étrangers, examens nationaux au secondaire, fêtes et carêmes religieux – sont nombreux. Il n’en demeure pas moins que les citoyens commencent à s’impatienter. Une impatience qui pourrait, à terme, se transformer en lassitude vis-à-vis du couple Navin Ramgoolam-Paul Bérenger et en soutien croissant envers le front d’opposition mené par sir Anerood Jugnauth.

Au-delà de tout, les prochaines élections générales, et la campagne qui précédera, nous permettront enfin de savoir sur quel socle est bâtie l’alliance PTr-MMM. Le leader mauve aura beau vanter la vision qu’il partage avec le patron des rouges visant à faire de Maurice « un pays phare ». Il aura beau expliquer que c’est cela le programme, on peine à comprendre l’originalité du propos. Comme si, dans un élan d’opposition à ce que fait le bloc PTr-MMM, ses adversaires pouvaient proposer de faire de Maurice un pays trou noir !

Il y a trop d’enjeux – consolidation de l’économie, lutte contre les inégalités et la corruption, développement durable – pour qu’on se contente d’acheter un ticket pour le film PTr-MMM en ne connaissant que l’identité de ses deux têtes d’affiche. Non, le pays exige le scénario. Plus Ramgoolam et Bérenger tarderont à nous le livrer, plus les citoyens auront le droit de penser que l’alliance n’est bâtie que sur un arrangement visant à protéger les intérêts personnels et de parti des deux responsables politiques les plus importants du pays.

Il faut cependant cyniquement admettre que l’alliance PTr-MMM peut faire l’économie de préparer et expliquer minutieusement son manifeste. Car l’électorat mauricien est largement composé de moutons qui vouent une allégeance sans faille au parti qui a pour symbole… l’Hôtel du gouvernement. Une victoire sans anicroche de ce bloc est donc à prévoir, au-delà des 53 sièges nécessaires pour  mener une réforme constitutionnelle à bien.

A part le suivisme des Mauriciens, c’est le manque de robustesse du front de l’opposition qui servira les intérêts politiques du tandem Ramgoolam-Bérenger. Si sir Anerood Jugnauth a une aura personnelle, l’équipe qu’il dirige n’est néanmoins pas perçue comme étant susceptible de gagner les élections puis de diriger le pays. Confinant cette opposition-là à ne constituer qu’une « nuisance value » lors des prochains scrutins. Puis il y a cette flopée de nouveaux partis, les uns plus décevants que les autres. Car conçus, dans certains cas, à partir de l’ego trip de leurs leaders ou de l’approche outrageusement académique, voire démagogique de leurs directions.

Au final, l’enjeu des prochaines élections pour le tandem PTr-MMM n’est pas de déterminer pour quels moutons et comment il va gouverner. Mais plutôt contre qui il va le faire. Vu la nausée qui gagne une part grandissante de la population, l’abstention deviendra une valeur refuge pour les prochains scrutins. Battant, de ce fait, des records… peut-être 30 %.

Par ailleurs, si on tient pour acquis que la dynamique en faveur du front MSM-PMSD-ML, actuellement en voie d’être constitué, se maintient voire s’accentue, on peut alors penser que ce bloc flirtera avec les 19% que le MSM avait déjà réalisés face à une alliance rouge-mauve en 1995. Les nouveaux partis, eux, malgré leur immense bonne volonté, ne capteront que 5 à 10% des votes dans certaines circonscriptions. Même chose pour les candidats indépendants qui pulluleront.

Malgré tout, l’alliance PTr-MMM finira par remporter les élections. Mais de quelle manière ? Avec 30% des électeurs lui ayant démontré son indifférence ? Et 40 % des votants lui ayant tourné le dos ? Ce serait une victoire sans panache pour un bloc électoral prétendant ratisser large et rassembler la grande majorité de la population.

C’est vraisemblablement ce qu’il va se produire. A moins que Ramgoolam et Bérenger, programme, idées et engagements à l’appui, convainquent tous ceux qui s’apprêtent à les sanctionner d’une manière ou d’une autre. Pour cela, il faudrait qu’ils cessent de parler de partage du pouvoir entre président et Premier ministre, entre PTr et MMM. Pour, enfin, aborder concrètement le partage de la richesse et des opportunités parmi les citoyens.

 

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