Des années depuis que le sujet est évoqué, le plan d’assurance maladie pour les fonctionnaires est enfin en branle. Le projet a été avalisé par le Conseil des ministres, le vendredi 3 mai. Sans grand détail. Du côté des syndicalistes, on oscille entre appréhensions et vive opposition.

Le projet d’assurance médicale annoncé par le gouvernement à l’intention des fonctionnaires est loin de le réjouir. Evoqué depuis 2008, le Pay Research Bureau recommande sa mise en place en 2008, sans pour autant émettre de recommandations. Le rapport de 2013 vient préciser que ce plan, réclamé par les fonctionnaires, leur donnera un plus grand accès aux services médicaux de pointe. Trois ans plus tard, le gouvernement fait savoir à travers le PRB qu’il est d’accord sur le principe d’une contribution à hauteur de 50% d’un plan «basique», le reste étant à la charge de l’employé. Celui-ci ne peut souscrire qu’à une seule police d’assurance. Le plan devait prendre effet à partir de janvier 2017…

Un comité est mis sur pied, des discussions initiales ont lieu avec la Sicom. La mesure est débattue au Conseil des ministres en mars 2017 : «Les modalités du projet sont en cours d’être finalisées par un Steering Committee présidé par le Ministère de la Fonction publique et des Réformes administratives, en concertation avec les trois fédérations principales de syndicats», apprenait-on alors. Les National Health Accounts publiés par le ministère de la Santé pour l’année 2017 préconisait aussi la mise en place du «Government Medical Insurance Scheme» afin de mieux protéger, sur le plan financier, ceux qui se tournent vers le privé. Depuis, rien. Et c’est bien cela qui gêne les syndicalistes.

«C’est peut-être un attrape-nigaud», lance Radhakrishna Sadien, président de la State Employees Federation. Il ne cache pas ses «nombreuses réserves en l’absence d’informations». Ni ses interrogations : vers quel assureur l’Etat se tournera-t-il ? n’y a-t-il pas le risque qu’en obtenant des primes mensuelles qui ne coûtent pas chers, l’assuré ait droit à moins de services ou qu’il y ait des abus au niveau des cliniques privées ? quid de la contribution pour les personnes à charge («dependents») ? ou encore des services médicaux passé 60 ans, seront-ils complètement aux frais du fonctionnaire retraité ? quelles maladies seront exclues de ce plan ? Autant de questions qui «méritent une réflexion objective», affirme Sadien.

Il est rejoint en cela par ses confrères syndicalistes Narendranath Gopee et Rashid Imrith. Pour ce dernier, il faudrait déjà préciser les taux de contribution du gouvernement et des employés mais aussi les modalités du plan d’assurance médicale. Une couverture dite «catastrophe» dont le plafond est plus élevé d’au moins dix fois que le plan de base serait entièrement à la charge des fonctionnaires. En cas de complications en clinique ou de prestations qui dépassent le forfait couvert, «le patient devra-t-il être transféré à l’hôpital ?» se demande le président de la Fédération des syndicats du secteur public.

Du reste, les hôpitaux offrent un «service 5-étoiles» pour ce qui est de la neurologie, des soins rénaux ou cardiaques. «Les gens contribuent à financer ce service à travers la taxe à valeur ajoutée. Pourquoi faudrait-il payer doublement à travers le ‘medical scheme’ ?» s’explique le syndicaliste. Et d’ajouter qu’il faudrait encore savoir si les cliniques pourront gérer quelque 55 000 patients-fonctionnaires. Une inconnue dans cette équation : le sort des confrères de Rodrigues, où il n’y a pas d’établissement de soins privés…

Tout aussi sceptique, Narendranath Gopee voit en cette mesure une claque pour le service de santé publique. «Le gouvernement insulte son propre système qui n’est pas capable fournir la même qualité de service que dans le privé», soutient le président de la National Trade Union Confederation, «le ministère de la Santé est pourtant doté de milliards de roupies tous les ans».

Ce plan médical «ira gonfler les poches du secteur privé et des cliniques», déplore Gopee, alors que l’Etat aurait pu investir dans l’amélioration de l’efficacité des établissements de soins sous sa charge, dont les services sont offerts gratuitement au public. «La fonction publique fonctionne de manière indépendante, peu importe les gouvernements au pouvoir», rappelle Gopee. «Qu’on ne tente pas d’y faire les jeux politiques», prévient-il.

Y aura-t-il des consultations «approfondies» avec les syndicalistes ? Nos trois interlocuteurs l’espèrent. «Nous discuterons avec les syndicats quand nous serons prêts», a pour sa part déclaré le Eddy Boissezon. «Nous avons beaucoup avancé sur ce dossier qui est un sujet très complexe», a indiqué le ministre de la Fonction publique. Une réunion pour «finaliser» certains détails aura d’ailleurs lieu cette semaine, assure-t-il, en se gardant cependant d’en livrer les détails. Le ministre s’est toutefois hasardé à dire que l’aval du Conseil des ministres était essentiel en raison de la nature «sensible» de «points confidentiels».

Le projet de plan d’assurance médicale concerne au moins 55 000 fonctionnaires et leurs proches, confirme-t-il, et les personnes qu’ils ont à charge. Il sera «optionnel», assure Boissezon qui s’attend à quelques «problèmes de démarrage» qui devraient cependant pouvoir être résolus.

Le 3 mai dernier, le «Government Gazette of Mauritius» a publié de nouveaux règlements sous la Public Procurement Act. Ceux-ci prévoit une exemption à l’obligation de passer par un exercice d’appel d’offres afin de choisir un assureur.

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