Ce travers n’est pas l’apanage des seuls Mauriciens. Il faut néanmoins avouer que nous possédons la faculté de ne voir que ce qui nous arrange. A l’instar de ces classements qui louent, chaque année, la démocratie mauricienne, le dynamisme de l’économie ou encore notre penchant pour les moyens de communication modernes. Comme prévu, le dernier Corruption Perception Index (CPI) de Transparency International (TI) n’a pas été jugé suffisamment flatteur pour qu’il fasse l’objet d’une analyse approfondie des communicants du gouvernement – conseillers, ministres et radiotélévision publique compris.

Les chefs du gouvernement successifs ont tous pris l’habitude de minimiser le CPI. Tantôt en mettant en doute sa méthodologie. Tantôt en faisant diversion pour évoquer, par exemple, le fait que le classement n’évalue pas la perception de la corruption au sein des entreprises. On peut toutefois difficilement pinailler devant l’humiliante 54e place de Maurice dans le classement 2017.

Nous serions bien malhonnêtes de pointer du doigt ce gouvernement en particulier afin de lui faire endosser cette mauvaise performance. Car le CPI est un des rares classements dans lequel Maurice demeure un élève moyen depuis deux décennies [voir tableau plus bas]. En compétition avec 84 autres pays (comme en 1998) ou avec 179 autres (comme dans l’édition 2017), Maurice a cumulé les résultats calamiteux.

Ainsi, alors que dans les autres classements, la palme du meilleur élève africain est presque acquise à Maurice, le pays n’a jamais brillé dans le CPI. Au niveau du continent, Maurice a été 2e en 4 occasions, 3e en 3 occasions, 7 fois 4e, 5 fois 5e. L’édition 2017 est de loin la plus calamiteuse, car en chutant à la même 54e qu’en 2004, le pays est cette fois-ci surclassé par le Botswana, les Seychelles, le Cap Vert, le Rwanda et la Namibie.

Longtemps contesté pour sa méthodologie – jugée trop légère, voire subjective –, le CPI repose depuis une dizaine d’années sur une variété de sources à la crédibilité établie. Ainsi, l’édition 2017 est compilée à partir des observations de 13 institutions. Dont les respectés Banque africaine de développement, l’Economist Intelligence Unit, Freedom House, la Fondation Bertelsmann ou encore le World Economic Forum.

Ce classement «pas très joli», de Maurice amène le directeur de Transparency Mauritius à pointer du doigt – à juste titre – la perception selon lequel le gouvernement ne semble pas vouloir donner des gages prouvant son attachement aux principes de la gouvernance et de la transparence.

C’est effectivement le cas. Car on peine toujours, pour ne citer que cet exemple,  à constater les effets de la Good Governance and Integrity Reporting Act, annoncée comme une révolution.

Pire, à notre connaissance, une ébauche fignolée de la loi sur le financement des partis politiques existe déjà depuis des mois. Un Freedom of Information Bill dort également dans un tiroir quelque part. Parce qu’un décideur politique a jugé que ni l’un ni l’autre ne sont prioritaire. C’est à se demander ce qu’on veut nous cacher…

Après tout, on n’entame pas une campagne électorale en démontrant qu’on est transparent. Mais plutôt en promettant de l’être… si on est [ré]élu. Tout moderne qu’il veut paraître, Pravind Jugnauth ne semble pas déroger à la règle.

Si soucieux de montrer sa différence par rapport à ses prédécesseurs, le Premier ministre a l’occasion de démontrer son attachement à la consolidation de notre démocratie et l’assainissement de notre système politique en présentant ces deux lois au Parlement.

Mais nous avons comme un pressentiment. Qui nous dit que Jugnauth et ses marmitons nous vendront le besoin impérieux de s’occuper de l’économie et de toutes sortes d’autres priorités durant les prochains mois. Avant de nous assurer que les élections étant imminentes, de telles lois fondamentales ne pourront être débattues sereinement et votées dans un climat électoral.

Bien évidemment, nous serons rassurés par les promesses de l’opposition. Mais aussi du gouvernement qui ne manquera pas de déclarer clairement ses intentions dans son programme. A travers des phrases comme : «Un ‘Freedom of Information Act’ sera introduit pour garantir la transparence et permettre la libre circulation des informations.» Ou encore: « Nous introduirons une nouvelle législation – le Financing of Political Parties Act – afin de promouvoir l’ouverture et la transparence dans le monde politique.» Nous ferons alors semblant de ne pas les avoir déjà lues dans le manifeste électoral de l’Alliance Lepep en novembre 2014 !

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