Ton Pierre ti pe dir si gagn tifi gagn maler

(sega « Mama Papa » interprété pour la première fois par Rosemay Nelson et repris par Linzy Bacbotte, texte de Dev Virahsawmy)

Depuis janvier, une vague de crimes sanglants contre des femmes fait grimper les ventes des journaux.  J’ai une mère, j’ai des sœurs, j’ai des amies : chaque fait divers sordide provoque en moi une crise d’angoisse pour elles. En cette Journée internationale de la femme, j’aimerais prendre quelques minutes de votre temps pour vous plonger dans le quotidien de +655 000 Mauriciennes.

Qu’est-ce qu’être une femme à Maurice en 2014 ?

Manquant cruellement d’expérience sur la question, j’ai réagi comme toute personne de ma génération : j’ai posé la question sur Facebook. 3 idées majeures se sont dégagées des réponses que j’ai reçues (commentaires publics, discussions en groupe, conversations privées).

En premier lieu, dans les mots d’Anishah Aujayeb, juriste et country chair de Global Dignity : “we can make our own choices for our careers, our relationships, above all for how we want to live our lives.” Etre une femme en 2014 est une situation plus enviable qu’être une femme en 1994. Si seuls 44 % de la population féminine sont actifs contre 75 % des hommes, cet écart se réduit sans cesse depuis 2001. Les femmes occupent 39 % des Senior Positions du Service civil (PS, juges, managers…). Depuis 20 ans, les exemples de success-story féminines se multiplient, soulignant la réalité des progrès accomplis.

En second lieu, être une femme implique souvent de vivre sur ses gardes. La peur d’une agression ou d’un viol, l’impossibilité pour une femme de se dire qu’elle peut aller faire une promenade seule une fois le soleil couché… Statistics Mauritius le confirme : en 2012, 349 femmes ont été victimes de crimes sexuels contre 59 hommes. 52 % d’entre elles avaient moins de 16 ans.

En toile de fond, de façon plus perverse, il y a ces petites humiliations du quotidien. Avoir à subir les petits regards en coin, les petits sifflets, les petits commentaires au passage… Hey Mamzel !  Je ne vais pas jouer les saints : j’ai agi de cette façon plus d’une fois – ça m’arrive encore.  J’aimerais expliquer que lorsqu’un homme agit ainsi, il réifie la personne qui lui fait face mais ça n’excuse rien et, surtout, ça ne change rien pour la victime.

Enfin, une réalité qu’il est essentiel de saisir : l’égalité – des droits, des opportunités, des choix de vie – ne peut être considéré comme un acquis. La place des femmes à Maurice est encore régie par des stéréotypes. Les femmes ont des droits théoriques mais elles doivent souvent braver des modes de pensée archaïques pour les exercer en pratique. Divya, jeune professionnelle de 23 ans, exprime sans détour son exaspération: « C’est ridicule qu’il faille encore une Journée de la femme. On nous dit égales mais on ne nous traite pas comme des égales, même avec les meilleures intentions. Il y a une journée des hommes ? Non. »

Les hommes ont bien évidemment un rôle à jouer dans ce décalage entre normes et expérience. Mais il ne faut pas, non plus, négliger la puissance des préjugés qui perdurent chez les femmes elles-mêmes. Les résultats d’un sondage de 2012, récemment diffusés dans la presse, sont glaçants : 82 % des hommes estimaient qu’une femme avait besoin de l’autorisation de leur mari pour travailler. 78 % des femmes interrogées partageaient cet avis. 77% d’entre elles pensaient encore qu’elles devaient obéissance à leurs maris.

Clairement, je ne peux prétendre vous avoir présenté une vision complète de la situation de la femme à Maurice. En 2012, 13 % des filles de plus de 12 ans étaient illettrées contre 8% des garçons, soit un écart de 5 points de pourcentage. Cet écart a baissé de 2 points depuis 2000. De façon plus importante, le pourcentage de femmes illettrées est inférieur au pourcentage d’hommes illettrés pour toute la population âgée de moins de 45 ans : la condition féminine s’améliore. Lentement, pas de la même façon dans tous les secteurs et pour toutes les couches sociales, mais elle s’améliore.

Ou comme le dit plus simplement Anishah : “Being a woman today is scary yet hopeful.”

 

Anishah Aujayeb, Country Chair de Global Dignity, vice-curatrice du Port-Louis Hub, amie, a contribué de façon extensive à ce blog. Mon opinion n’engage que moi.

Yovan

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