Michael Sik Yuen est un habitué des communiqués. Après en avoir régulièrement émis à l’intention de son ancien parti, le PMSD, le ministre du Tourisme s’est fendu d’une nouvelle missive ce mercredi. C’est quasiment sous la contrainte que Michael Sik Yuen a agi cette fois-ci. Car s’il ne l’avait pas fait, c’est devant l’Equal Opportunities Tribunal (EOT) qu’il aurait dû aller s’expliquer. Du moins, c’est ce qu’il a craint.

« L’affaire Sik Yuen » remonte à la campagne des élections municipales de décembre 2012. Durant une réunion politique tenue à Curepipe, Sik Yuen, ancien maire de la ville, explique à ceux présents qu’il est dans leur intérêt de voter pour le gouvernement afin que des développements se poursuivent dans leur localité. Cette déclaration soulève un tollé dans la presse et parmi les partis de l’opposition. Conduisant l’Equal Opportunities Commission (EOC) à ouvrir une enquête.

Invité à donner sa version des faits devant la commission, Michael Sik Yuen joue au chat et à la souris avec l’EOC. Le 29 janvier, celle-ci finit donc par sommer le ministre à se présenter devant elle dans un délai de 45 jours. Un refus de sa part constituant un « offence in law », précise alors l’institution présidée par Brian Glover.

Mais que se serait-il donc passé si Sik Yuen avait refusé de participer aux auditions de conciliation devant l’EOC ? En fait, probablement pas grand-chose sauf une amende à Michael Sik Yuen. Car même si le cas Sik Yuen est « High Profile », l’EOC s’est retrouvé malgré tout avec quelques difficultés procédurières.

Si les propos du ministre ont choqué le public, personne n’a officiellement porté plainte auprès de la Commission contre lui. Ce qui conduit celle-ci à se saisir d’elle-même de l’affaire, comme le lui permet l’Equal Opportunities Act (EOA).

Mais la procédure de conciliation se révèle problématique. D’ordinaire, l’EOC se charge d’asseoir le plaignant et la personne soupçonnée d’avoir enfreint la loi autour d’une table. Dans le but d’amener le contrevenant à proposer une solution acceptable, y compris financière, à la personne qui s’est sentie lésée. Or, dans le cas Sik Yuen, l’EOC ne peut se substituer au plaignant et déterminer d’elle-même une mesure compensatoire acceptable. Brian Glover et son équipe ne trouvent donc qu’une manière de résoudre ce problème : contraindre le ministre à formuler des excuses publiques.

Sik Yuen n’est toutefois pas homme à s’excuser – fait que son ancien leader Xavier Duval a eu l’occasion de vérifier en 2013. Le ministre du Tourisme s’oppose donc dans un premier temps au principe d’excuses publiques. L’EOC contemple alors son seul recours possible : déférer l’affaire devant l’Equal Opportunities Tribunal. Mais cette tâche est loin d’être facile.

D’une part, l’EOT étant une instance civile, elle ne permet que la condamnation du contrevenant à indemnisation. Or, même si elle remportait son affaire, l’EOC ne pourrait accepter une telle compensation. Survient toutefois un problème de fond beaucoup plus délicat : l’absence de témoins. Même si, dans un premier temps, plusieurs personnes manifestent leur intérêt à témoigner contre le ministre Sik Yuen, elles choisissent de se rétracter dès qu’elles comprennent qu’il faudra se présente à la barre de l’EOT.

Mais voilà, Michael Sik Yuen ne sait pas cela. Et l’EOC ne donne aucun signe de fléchissement à son égard. Brian Glover lui laisse même clairement entendre sa confiance dans le fait qu’il sera condamné si l’affaire est entendue devant le Tribunal. Sik Yuen se met à douter et finit par céder. Il publie finalement un communiqué ce mercredi. L’EOC bataille dur pour que le mot « excuse » y soit clairement inscrit, en vain.

Michael Sik Yuen explique toutefois qu’il « n’a nullement été dans [son] intention de traiter un électorat moins favorablement qu’un autre ». Précisant plus loin qu’il est « dommage » que ses propos ont été « interprétés autrement ».

Pour Brian Glover, ce dénouement constitue une victoire pour l’EOC. « Cela démontre que nous avons la possibilité de veiller à ce que les valeurs républicaines soient respectées aussi bien par le simple citoyen que par un ministre. C’est un signal clair, qui conduira toute personne à réfléchir à deux fois avant de s’aventurer à bafouer les règles républicaines », se félicite Brian Glover.

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