Le projet de loi visant à introduire une agence nationale pour la promotion des énergies renouvelables, MARENA, place nos députés devant une responsabilité monumentale. À l’horizon 2050, tous les pays doivent compléter une transition énergétique vers 100% d’énergies renouvelables afin d’éviter un réchauffement planétaire de 2°C menant à un irréversible et catastrophique changement du climat. Nos élus n’ont pas droit à l’erreur car une mauvaise mouture de MARENA compromettra notre avenir énergétique et fera de nous une double victime des gaz à effet de serre. Nous souffrirons des émissions historiques des pays industrialisés et nous ne pourrons nous-mêmes nous débarrasser des énergies fossiles. Qu’est-ce une smart-city, une économie océanique ou une île durable en 2050 si ce n’est que la concrétisation d’une vision de puiser notre énergie du soleil, du vent, de la mer et de transformer tout « waste » en « wealth » grâce à une gestion intelligente et propre ?

Le projet de loi est prometteur mais le diable est souvent dans les détails. Probablement tirant les leçons de l’Energy Efficiency Act et des difficultés dans sa mise en application, les autorités résolument donnent au MARENA une certaine autonomie, autant financière que dans le recrutement de son personnel. Il faut s’attendre à moins de bureaucratie et plus de dynamisme dans son fonctionnement. Avec un leadership clairvoyant au plus haut niveau, une synergie entre différents acteurs représentés au niveau de son Board et une volonté de collaboration internationale afin de renforcer les capacités dans un domaine où l’innovation est le maître-mot, MARENA peut démarrer sur une bonne base. Toutefois, des amendements s’imposent tant dans la forme que dans le fond du projet de loi.

D’abord, la référence dès les premiers objectifs à « advise on possible uses of liquid natural gas » est totalement déplacée. Non seulement ce combustible n’est pas une énergie renouvelable, mais son avènement risque de provoquer un « lock-in » défavorable à tant d’autres énergies renouvelables, allant de la biomasse aux bioénergies des déchets ou de l’océan en passant par les systèmes décentralisés et la maîtrise de la demande. MARENA ne peut opérer qu’à la lumière d’une politique d’énergie durable cohérente élaborée par le gouvernement. Il n’est pas de son essor de recommander à ce dernier la direction à prendre, surtout pas en matière de combustibles fossiles importés comme le gaz naturel.

Secundo, la présence de deux membres élus de l’Assemblée nationale sur le Board rend perplexe. L’exigence de séparation des pouvoirs, le positionnement de MARENA comme une instance exécutive avec une certaine autonomie, opérer loin de l’influence des lobbies ou même des considérations partisanes : tout devient impossible. L’Energy Efficiency Act, qui n’est pas toujours un modèle, stipule le contraire en interdisant la moindre participation politique des membres de la direction.

Par contre, on regrette que le Central Electricity Board ne soit pas sur le Board afin d’assimiler l’épineuse considération des limites du réseau et de sa nécessaire modernisation. Le Mauritius Research Council a été oublié. Également, les représentants des ministères de l’Économie océanique, de l’Agriculture, des Terres et de l’Aménagement du Territoire ou encore du Transport ont leurs places au sein de l’instance dirigeante. Or, il semblerait qu’on néglige l’utilisation possible de bio-carburants dans nos véhicules, secteur où 100% de l’énergie est fossile.

Il faut aussi assurer une forte présence féminine au Board de la MARENA. Le Fonds vert pour le climat considère à juste titre les « gender co-benefits » comme un « investment core criterion ». Vivement un amendement afin qu’au moins un tiers des membres appartiennent à la gent féminine, ce qui serait une révolution souhaitable. Différentes études ont démontré que l’implication des femmes dans la prise de décision comme dans la mise-en-œuvre des mesures favorise catégoriquement les énergies propres au détriment des ressources fossiles.

Last but not least, les renouvelables et l’efficacité énergétique vont de pair. La tendance mondiale est de combiner leurs agences afin de promouvoir les deux à la fois. À quoi bon générer de l’énergie renouvelable si c’est pour en gaspiller ensuite ? D’ailleurs, tout projet doit démarrer par un audit énergétique des besoins. Intégrer un taux de sources variables comme le solaire ou l’éolienne devient plus facile, dépassant souvent les 30%, lorsque la maîtrise de la demande est une réalité. C’est ainsi que nous arrivons à traiter de manière systémique la question de stockage, de réserves, de back-up ou encore le potentiel de gérer la fréquence ou le voltage à la source.

Ce qui nous mène à proposer l’annexion de l’Energy Efficiency Management Office (EEMO), instance responsable de la promotion de l’efficacité énergétique, à la MARENA. La seule condition serait d’attendre que cette dernière devienne opérationnelle avant d’intégrer les deux instances. Une Mauritius Sustainable Energy Agency verrait ainsi le jour où les synergies entre les renouvelables et l’efficacité énergétique seraient réelles. Il est bon de souligner que contrairement au MARENA Bill qui n’évoque pas le changement climatique, l’Energy Efficiciency Act se donne comme objectif de réduire les émissions de CO2 et de combattre la pollution. Les deux textes identifient exactement quinze fonctions chacun, souvent reprenant les mêmes mots.

Conclusion

Hedging pétrolier désastreux, subventions insoutenables au transport public, grogne parce que les prix de carburants ou d’électricité ne baissent pas, incitations réclamées pour le net-metering, davantage de fonds pour les chauffe-eau solaires, annonces de smart-cities, d’économie bleue ou encore d’un « petroleum hub », des lobbies en faveur de l’importation du gaz naturel liquéfié, un quasi-éternel risque de black-out… La montagne risque d’accoucher d’une souris si les députés se trompent de vision.

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