Un article de février 2016 nous pose question et la situation à l’île Maurice interpelle.

Dans une école pré-primaire du centre, parmi les règles en vigueur : « Il ne faut pas parler créole. »

Ce non-respect des droits de l’enfant et ces diverses formes de violence que subissent les enfants à l’école posent question. Que ce soit la violence physique, sexuelle ou psychologique.

Et interdire à un enfant de parler dans sa langue maternelle est une forme de violence.

L’article 2 de la Convention internationale des droits de l’enfant stipule que : « Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation. »

Cette injonction de parler sa langue maternelle à l’école va à l’encontre de cette convention ratifiée par Maurice en 1990.

L’article 13 stipule que : « L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant. »

Comment le faire si l’enfant n’a pas accès à sa langue maternelle en milieu scolaire ?

L’Unesco, depuis 1953,  encourage l’enseignement en langue maternelle dès le plus jeune âge.

Selon Irina Bokova, directrice générale de cette instance, en février 2016 : « Dans le cadre d’une approche multilingue, les langues maternelles sont les composantes essentielles d’une éducation de qualité, laquelle est elle-même le fondement de l’autonomisation des individus et de leurs sociétés. »

Dans le rapport mondial de suivi sur l’éducation en février 2016, il est stipulé que les enfants devraient recevoir une éducation dans une langue qu’ils comprennent. « Enseigner aux enfants dans la langue qu’ils parlent à la maison a un impact positif sur l’apprentissage dans tous les domaines. » De plus, il y est écrit que :

  • une éducation de qualité doit être dispensée dans la langue parlée à la maison, que si cette condition minimale n’est pas remplie, cela limite leur aptitude à poser les bases de leurs apprentissages ultérieurs.
  • l’enseignement dispensé aux enfants dans une autre langue que la leur peut avoir un impact négatif sur leur apprentissage.
  • Quand la langue dans laquelle les enfants reçoivent les cours et passent les examens n’est pas celle qu’ils parlent chez eux, celai entrave l’acquisition précoce des compétences de lecture et d’écriture, pourtant si essentielles.
  • Leurs parents peuvent aussi ne pas savoir lire et écrire ou ne pas bien connaître les langues officielles utilisées à l’école, ce qui peut creuser l’écart entre les possibilités d’apprentissage des groupes linguistiques majoritaires et minoritaires.
  • Les évaluations internationales et régionales de l’apprentissage confirment que lorsqu’on enseigne aux enfants dans une langue différente de celles qu’ils parlent à la maison, cela a une incidence négative sur leurs résultats aux examens.

Les recherches dans le domaine des sciences de l’éducation ont montré que les enfants qui apprennent leur langue mais aussi dans leur langue sont plus aptes à aller vers des langues étrangères. Ils sont aussi plus aptes à comprendre d’autres sujets (process of scaffolding).

Or, la langue maternelle de 90 % des enfants mauriciens est le kreol (85%) ou le bhojpuri (5%) ou les 2, selon le Census of the Population, 2011.

Le rapport du panel d’experts du Hearing International sur la suppression de la langue maternelle comme medium d’enseignement à Maurice organisé par Ledikasyon pu Travayer en 2009 stipule que : “At the core of the education system is a language policy that fails to develop children’s full potential in terms of their cognitive, emotional, psychological and social growth.

Que se passera-t-il donc à Maurice pour tous ces enfants à qui on interdit de parler en kreol ?

Les autorités et responsables de l’éducation à Maurice sont-elles insensibles au développement harmonieux des enfants ?

L’utilisation de la langue créole est encore trop considérée comme vulgaire par des familles, des enseignants. Parler créole réduirait donc leur identité à être vulgaire ? Eux et leurs parents ?

Quand le kreol morisien et le bhojpuri seront-ils enfin introduits dans le système scolaire mauricien comme medium d’enseignement ?

Quand le développement social et cognitif des enfants mauriciens sera-t-il privilégié ?

A quand un système d’éducation qui respecte la liberté d’apprendre dans sa langue maternelle ?

En excluant une langue, on exclut aussi l’enfant qui la parle, l’enfant qui se sert de cette langue pour se représenter le monde.

Il s’agit de volonté politique pour participer à une construction harmonieuse de la dignité et de l’identité des enfants mauriciens.

Image d’archives à titre d’illustration

Melanie Vigier de Latour-Bérenger. Psychosociologue. Membre du KDZM et de la Société des Professionnels en Psychologie.

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