Tout le monde le sait. Il y aura un avant et un après 25 février 2019 pour Pravind Jugnauth. Libéré du boulet Medpoint, le Premier ministre peut désormais élaborer, sans entraves, sa stratégie pour tenter de remporter les prochaines législatives. L’histoire politique est une boucle, elle se repète de temps à autre. A bien voir la situation dans laquelle se trouve le leader du MSM en 2019, on découvre des similitudes avec celle dans laquelle se trouvaient Navin Ramgoolam en 2000 et un autre Ramgoolam, sir Seewoosagur (SSR), celui-là, en 1976.

Sonnée par sa défaite à la partielle du 23 septembre 1999 à Beau-Bassin/Petite-Rivière, la fédération MSM-MMM avait fini par exploser. Amoindri par son manque de leadership lors des émeutes de février 1999, miné par sa réputation fraîchement obtenue de London/Macarena Boy, Navin Ramgoolam avait néanmoins vu dans la réussite de Xavier Duval le gage d’un succès futur face aux deux principaux partis d’opposition qui abordaient les législatives en rangs dispersés. Un rabibochage in extremis entre sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger administra alors un cinglant 54-6 au Premier ministre sortant.

19 ans plus tard, Pravind Jugnauth se retrouve dans la même situation que son principal challenger. Premier ministre, il a en face deux partis politiques qui semblent incapables de former une alliance. A moins que tout ne soit possible en politique – et que Ramgoolam et Bérenger aient développé un goût prononcé pour le sabordage –, une alliance Parti travailliste-MMM semble impossible.

Hier encore, lors du colloque à l’occasion des 83 ans du PTr, Ramgoolam a dit sa volonté d’aller seul aux élections afin de ne pas diluer la politique de rupture qu’il entend mener. Tandis que Paul Bérenger ressase depuis 2016 que le MMM briguera les suffrages sans allié. «Seul» est toutefois un qualificatif qui reste à être défini. Les rouges seront-ils seuls face à l’électorat s’ils s’associent au PMSD ? Un hypothétique rapprochement MMM-MP équivaut-il à une campagne des mauves en solo ?

Loin de ces conjectures, Pravind Jugnauth est déjà en bonne compagnie avec Ivan Collendavelloo. Malgré les divergences d’opinions entre les patrons du MSM et du Muvman Liberater (ML) les deux hommes se jurent régulièrement fidélité en public et promettent de se représenter devant l’électoral dans le cadre de leur entente actuelle. Le Premier ministre est-il toutefois vraiment sincère dans ses professions de foi ?

Jugnauth et Ramgoolam ont le même problème. Régulièrement, on leur susurre à l’oreille qu’il est dangereux de prendre des risques. Qu’une alliance, même mal fagotée, aura toujours meilleure mine qu’une défaite électorale. Si Jugnauth peine à asseoir sa stature de Premier ministre, il dispose néanmoins des leviers de renseignements nécessaires pour comprendre à quel point le ML créer de la dissonance dans l’image de moralité et de sérieux qu’il s’évertue à défendre à chacune de ses sorties publiques.

Malgré toutes les blessures qu’ils se sont infligées, malgré tous les coups bas portés, le Premier ministre ne peut pas ne pas avoir contemplé un rapprochement avec le MMM. Considéré comme l’allié naturel dans un scénario où il minimiserait ses risques. Toutefois, au-delà de l’incompatibilité entre les deux hommes et de l’épineuse question de la fonction de Bérenger dans un gouvernement où Jugnauth sera de facto Premier ministre de plein droit, reste le spectre d’un décembre 2014. Subi, cette fois-ci, par le MSM.

Ce qui nous ramène à 1976. Quand arc-bouté sur son Independance Party désuet, SSR décida d’affronter un PMSD alors électoralement vigoureux et le MMM. Le chef du gouvernement sortant leur céda respectivement 7 et 30 sièges dans les 21 circonscriptions. Nous avons déjà expliqué ici comment Pravind Jugnauth pourrait s’y prendre – aussi bien dans le timing que dans le fond – pour prétendre obtenir un vrai premier mandat de Premier ministre lors de législatives d’ici la fin de l’année. Il suffirait que la justice tranche en défaveur de Ramgoolam, soit dans l’affaire Roches-Noires ou des coffres-forts, pour que Jugnauth s’enhardisse à l’idée de briguer les suffrages avec seul le ML comme partenaire d’appoint.

Il demeure toutefois une inconnue dans l’équation. 43 ans se sont écoulés depuis 1976. Entre-temps, les élections de 2014 ont prouvé que l’arithmétique électorale est une science presque aussi exacte que la météo. On ne pourra donc prétendre savoir avec certitude comment se comporteront les Mauriciens dans l’isoloir face à un choix inédit entre Jugnauth, Bérenger et Ramgoolam. Rien que pour qu’on le sache, on se prend à souhaiter ce match à trois.

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